(mise à jour) Projet Hercule : « Le gouvernement veut aller vite », dénoncent les syndicats et l’opposition

illustration plan hercule par frédéric guyot

©Frédéric Guyot/CCAS

« L’opacité reste de mise » sur les projets de réorganisation d’EDF et Engie, déplorent les quatre fédérations syndicales représentatives des Industries Électriques et Gazières. Elles mobilisent de nouveau les agents jeudi 17 décembre contre la désintégration des entreprises historiques de l’énergie, tandis que la presse et les parlementaires d’opposition s’emparent désormais du sujet.

Article mis à jour le 17 décembre à 10h00.


Voir aussi
[Vidéo] Le retour d’Hercule : entretien avec Fabrice Creste


« Alors que les taux de grévistes évoluent de manière croissante, reflétant la mobilisation massive suite aux appels des intersyndicales dans les entreprises, nos diverses interpellations auprès du Premier Ministre restent sans réponse. De son côté la présidente de la Commission européenne refuse de recevoir l’interfédérale », tempêtent les syndicats représentatifs dans la branche dans un communiqué du 14 décembre, indiquant être appuyés par la Fédération syndicale européenne des services publics et par IndustriAll Global Union, organisation internationale des secteurs miniers, de l’énergie et de la manufacture.

À la veille d’une nouvelle journée d’actions dans l’énergie le 17 décembre, l’intersyndicale déplore « le peu de considération que ces hauts responsables politiques portent aux agents des Industries électriques et gazières, aux représentant du personnel, à l’avenir des entreprises et au service public de l’énergie ».

Les voix des salariés s’élèvent jusqu’au sein du conseil d’administration d’EDF : les six représentants élus par les agents, siégeant au conseil d’administration du 16 décembre pour les organisations syndicales FNME-CGT, CFE-CGC Énergies, FO Énergie et Mines et FCE-CFDT, ont unanimement rejeté le projet de budget 2021 et le Plan moyen terme 2021-2023 présenté par la direction, en signe d’opposition au projet Hercule. Dans un communiqué commun, les administrateurs salariés indiquent que :

La première prérogative d’un conseil d’administration étant d’arrêter la stratégie en instruisant plusieurs options stratégiques, nous demandons que ce soit le cas. Nous ne pouvons accepter de n’avoir qu’une seule solution préformatée en toute opacité.

« En tant qu’administrateurs salariés, poursuivent-ils, nous devons porter dans cette enceinte les inquiétudes des salariés qui sont, par leur travail, finalement et depuis ¾ de siècle, les premiers investisseurs. »

La norme RE 2020 interdit le chauffage au gaz

Coup dur pour la filière gaz : la norme RE 2020, arbitrée le 24 novembre dernier par le gouvernement, qui bannit le chauffage au gaz à l’horizon 2024 pour les logements individuels, les logements collectifs et les bâtiments du secteur tertiaire, et qui condamnera  » à terme toute la filière gazière et les réseaux de chaleur, alors que les infrastructures et le gaz sont stratégiques pour le pays », dénoncent les organisations syndicales dans leur communiqué du 14 décembre.

Un véritable déficit démocratique

Les fédérations représentatives dans l’énergie, qui avaient vite tenu à alerter les associations d’élus sur les dangers de désintégration du groupe EDF et pour faire connaître « la farouche opposition des salariés et de leurs représentants à ce projet », dénoncent quant à elle dans un communiqué du 16 décembre :

Aujourd’hui, des discussions s’organisent et des décisions se prennent dans la plus grande opacité, privant la représentation nationale du débat parlementaire pourtant indispensable alors qu’il s’agit d’un domaine stratégique et d’un enjeu de société pour l’avenir de la Nation. Il se dit même que l’avenir du groupe EDF pourrait se jouer par voie d’ordonnance !

Des voix s’élevaient la semaine dernière à l’Assemblée Nationale pour dénoncer un possible passage en force du projet Hercule : « Le président de la République et le gouvernement envisagent de se servir du texte de loi inspiré de la Convention citoyenne pour le climat, qui devrait être débattu à l’Assemblée au premier semestre 2021, pour faire passer le projet Hercule de dépeçage d’EDF » affirmait ainsi le député de Dieppe, Sébastien Jumel, du groupe « Gauche démocrate et républicaine », dans une déclaration liminaire à une conférence de presse de l’ensemble des groupes parlementaires d’opposition le 8 décembre dernier.

Un « deal négocié le rideau baissé »

Depuis la divulgation par la presse, le 15 avril 2019, du projet Hercule, et malgré les diverses interpellations des acteurs du dossier, le gouvernement n’apporte « jamais de réponse franche », dénonce le député de Seine-Maritime, « mais des réponses dilatoires sur ce qui était en train de se négocier le rideau baissé, à l’abri des regards du Parlement et des salariés, dans les salons entre l’Élysée et Bruxelles ».

En l’espèce, un « deal » aurait été négocié entre la Commission européenne et l’État français, qui consiste pour la Commission européenne à accepter une réforme de l’Arenh (l’Accès régulé à l’énergie nucléaire historique, qui alloue chaque année un maximum de 100 TWh, soit environ 25 % de la production du parc nucléaire historique, pour 42 euros par MWh aux fournisseurs concurrents d’EDF), en contrepartie de « la fin de l’unicité d’EDF, son dépeçage avec le transfert au privé d’une partie importante de ses activités, tout cela au nom du dogme de la concurrence », dénoncent les députés d’opposition dans leur conférence de presse, le 8 décembre.

Selon des informations rapportées par « Libération », l’Élysée aurait en effet entériné le projet Hercule le 25 novembre dernier, balayant les déclarations rassurantes proférées par les pouvoirs publics comme par EDF jusqu’ici, notamment avec l’ajout de la filialisation de la branche hydroélectrique au projet Hercule.

 

Et les députés d’opposition d’affirmer : « Maintenant que ce deal est sur le point d’aboutir – quoiqu’en dise l’Élysée – deal qui va fragiliser EDF dans sa capacité à investir et à relever le défi climatique, et qui constitue une menace pour les emplois et le service public, le gouvernement veut aller vite. Il pourrait donc agrafer une ordonnance au projet de loi « Convention-climat » pour mettre en musique Hercule en esquivant les débats ».

« Une double imposture »

Formée à la demande d’Emmanuel Macron, la Convention citoyenne pour le climat (CCC), expérience démocratique inédite en France, a réuni 150 personnes tirées au sort depuis octobre 2019 autour d’un objectif : définir un ensemble de mesures « pour réduire les émissions de gaz à effet de serre d’au moins 40 % d’ici 2030, dans un esprit de justice sociale ». La promesse de l’exécutif de soumettre ces mesures « sans filtre », soit au référendum, soit au vote du Parlement, soit de les appliquer par voie réglementaire, connaît déjà plusieurs accrocs, alors que certains membres de la CCC estiment que les grandes lignes du projet de loi dévoilées les 7 et 8 décembre manquaient d’ambition.

Le passage en force du projet Hercule via cette future loi est « une double imposture », dénoncent les députés de l’opposition : « parce que les 150 citoyens de la CCC n’ont jamais demandé qu’on organise la privatisation des actifs les plus juteux d’EDF, ni qu’on démantèle l’opérateur historique qui a construit notre indépendance énergétique. Nulle part cet objectif figure dans leurs propositions. On se sert d’eux, on se moque d’eux, on rend un bien mauvais service à une démocratie qu’on prétend plus participative ».

Les fédérations « pas du tout convaincues »

« Si, à la suite de la mobilisation du 26 novembre, des échanges ont enfin eu lieu entre les fédérations syndicales et les conseillers du Premier ministre d’une part, et avec le PDG d’EDF d’autre part, ceux-ci n’ont pas rassuré sur la vision du gouvernement d’acter rapidement des ‘évolutions’ du modèle français au sein du secteur de l’énergie », dénoncent les fédérations syndicales de la branche dans un communiqué du 7 décembre.

À l’issue de la réunion qui s’est donc déroulée entre les fédérations syndicales des Industries électriques et gazières et le PDG d’EDF groupe Jean-Bernard Lévy, l’interfédérale, « pas du tout convaincue », déclare dans un communiqué :

« Si la question de la régulation est essentielle pour l’avenir du Groupe et sa capacité future à investir, c’est bien à l’origine la libéralisation du marché de l’électricité qui conduit l’État et EDF à vouloir renégocier le prix de l’Arenh, avec des contreparties inacceptables pour les agents et les organisations syndicales ».

Des contreparties qui constituent l’essentiel d’Hercule : un « projet de transformation d’EDF, selon le vocable direction, ou du projet de désintégration d’EDF, selon l’appréciation des organisations syndicales ». Et les fédérations d’ironiser sur un projet de sauvegarde du groupe de service public qui passerait par son démantèlement : « Nous ne pouvons que constater que l’échec d’une politique dogmatique qui en arrive à l’aberration de réguler le marché au nom de la dérégulation ! Le service public de l’électricité et son personnel méritent une autre considération de la part de l’État. Il est grand temps de prendre des décisions politiques sérieuses pour l’avenir du service public de l’électricité dans le cadre de l’intérêt général ».

Tags:
1 Commentaire
  1. SORO 3 ans Il y a

    « HERCULE …clama dieu » pour l’aider à se confronter aux enfants et petits-enfants du Conseil National de la Résistance
    Représentés par leur « papa » Marcel PAUL.
    Ces enfants protègent :
    La Nationalisation d’EDF-GDF
    Comme leurs parents et grands-parents.
    Celui qui se prend pour Dieu est tout simplement un parmi tant d’autres et son passage sera éphémère.

Laisser une réponse à SORO Cliquer ici pour annuler la réponse

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

*

Votre commentaire est soumis à modération. En savoir plus

Qui sommes-nous ?    I    Nous contacter   I   Mentions Légales    I    Cookies    I    Données personnelles    I    CCAS ©2024

Vous connecter avec vos identifiants

Vous avez oublié vos informations ?