Participante au tout premier séjour « Forum social mondial » (FSM) organisé à Tunis du 22 au 29 mars par la CCAS, Anne Cherpin, cartographe à ERDF Chambéry, découvre, d’ateliers en débats, les richesses d’un grand événement militant.
Il n’est pas encore 8 heures quand le minibus transportant les participants au séjour « Forum social mondial » quitte l’hôtel pour rejoindre l’université El Manar de Tunis. C’est là que se tient depuis le 24 mars le forum qui devrait accueillir cette année plus de 60000 personnes venues de 121 pays. La veille, Anne Cherpin, cartographe à ERDF Chambéry, avait parcouru l’imposant programme et ses 94 pages de conférences, ateliers et débats. « Difficile de choisir entre tous ces thèmes ! » Stylo en main, elle avait tout de même réussi la veille à pré-sélectionner ceux qui l’intéressaient le plus. Ce matin, ce sera donc « esperanto », « droit à la terre et à l’eau » et « jeunes et microfinance ». C’est ce dernier atelier qui captive le plus la chambérienne. Sur les pages blanches du programme déjà bien remplies au troisième jour du Forum, elle note les messages-clé et les noms des intervenants. Celui d’Ayed Khelil, notamment, jeune Tunisien diplômé en environnement qui a fait appel au microcrédit pour créer sa société de production de sacs plastiques biodégradables. Cette société compte aujourd’hui une dizaine de salariés. « Au départ, rapporte Anne, il souhaitait se lancer dans le photovoltaïque mais il n’a pas pu mettre en pratique ce qu’il a appris pendant ses études car l’Etat à le monopole de l’énergie et ne favorise pas le développement des énergies renouvelables ». Une success story au goût amer qui révèle tout autant la difficile situation des jeunes diplomés tunisiens que leur volonté de s’en sortir. « On voit que les jeunes sont très actifs malgré la situation », résume Anne.
Depuis la révolution de 2011, le chômage a explosé chez les moins de 30 ans. Les diplômés au chômage tiennent d’ailleurs un stand dans le forum. Symbole de cette jeunesse qui lutte, Zohra Hammami, une diplômée sans travail, assise à côté d’Anne à l’atelier microcrédit. « Elle m’a expliqué que l’université n’était pas adaptée au monde du travail et que même en étant premier de promo, on ne savait pas créer son activité ». A la sortie de l’atelier, Anne ne regrette pas de l’avoir suivi : « Il y avait beaucoup de témoignages très forts ». L’après-midi, les neurones de notre cartographe continue de s’activer. Dernier thème du jour : « jeunes et citoyenneté ». C’est Zohra, la diplômée sans travail, qui lui en a parlé. Après le monde du travail, c’est celui de la politique qui est disséqué. Au micro, une jeune parlementaire tunisienne raconte comment elle participe à la construction de la démocratie. Lui succède la secrétaire générale d’une organisation qui vise à maintenir le contact entre les citoyens et leurs représentants politique. Avec des moyens originaux : munis de fausses cartes de presse, ils font un travail d’observation et d’enquête permanent sur le fonctionnement du parlement, dont les résultats sont livrés au grand public. Une autre association s’attaque au désintérêt des jeunes vis-à-vis de la politique. « Ils ont fait un travail de vulgarisation de la constitution tunisienne pendant 8 mois auprès de jeunes diplômés qui ne votaient pas », raconte Anne. « Résultats : 97% d’entre eux ont voté aux dernières élections ». Il est 17 heures, l’heure pour Anne et le groupe du séjour CCAS de quitter le campus de l’université. L’heure aussi pour eux d’échanger leurs impressions, leurs découvertes, leurs coups de cœur, de raconter leurs anecdotes, leurs expériences du jour. En attendant demain.
Je regrette beaucoup de ne pas m’être inscrite à ce forum. J’ai beaucoup hésité, les évènements depuis Janvier m’ont fait peur, ce grand rassemblement en Tunisie ne me semblait pas raisonnable et pourtant j’aurai beaucoup aimé comme Anne, partager et échanger avec tous ces jeunes Tunisiens. Je suis fière de ces personnes qui nous représentent. Mes regrets font que la prochaine fois je me montrerai plus courageuse, car je réalise combien le peuple Tunisien a besoin de soutien.