[Vidéo] Les Marin, une famille d’agents EDF depuis quatre générations

 

À la fin des années 1920, Juan Marin, ouvrier anarchiste espagnol, émigre en France et intègre Électricité de Marseille. C’est le début d’une longue histoire d’amour entre les Marin et le service public, qui va embarquer les trois générations suivantes, jusqu’à Géraldine Marin, 38 ans, ingénieure dans le nucléaire à Marseille. Portrait de famille.

Texte : Stéphane Alesi. Vidéo : Tiffany Princep Sarnicki.

Il est des familles singulières. Des destinées particulières. Dans la famille Marin, demander Juan, l’arrière-grand-père, Jean, le grand-père, Bernard, le père, ou Géraldine, la fille, c’est suivre l’histoire d’EDF sur quatre générations d’agents. Et appréhender une passion électrique en continu – et jamais démentie – pour l’entreprise.

Du charbon et des groupes électrogènes au bobinage, à l’hydraulique et enfin au nucléaire, les Marin, installés depuis plus d’un siècle à Marseille, ont été des témoins privilégiés de leur époque et des mutations du secteur de l’énergie. Militants, ils ont toujours œuvré pour magnifier et honorer le service public, une ambition qu’ils ont chevillée au corps.

EDF représente pour eux bien plus qu’une entreprise. Et la nationalisation du 8 avril 1946, bien plus qu’une date.

L’arrière-grand-père : Juan Marin, l’éclaireur venu d’Espagne

Juan Marin, immigré espagnol embauché à Électricité de Marseille vers 1930, arrière-grand-père de Géraldine Marin, agente EDF.

Juan Marin, immigré espagnol embauché à Électricité de Marseille vers 1930, est l’arrière-grand-père de Géraldine Marin, agente EDF. ©Archives personnelles

Né au début du XXe siècle, à La Unión, une petite ville minière de la province de Murcia (au sud de l’Espagne), Juan émigre en France à la fin des années 1920. À peine débarqué à Marseille, cet anarchiste, aux idées diamétralement opposées à celles du pouvoir en place en Espagne, demande la nationalité française et l’obtient.

Lui qui, dès l’âge de 14 ans, travaillait dans les mines à pousser des chariots, se fait alors embaucher par la société Électricité de Marseille à la centrale thermique de Cap Pinède, au nord de la ville. Là-bas, la tâche est rude et les conditions de travail sont déplorables. Tous les jours, Juan et ses camarades doivent alimenter à coups de pelle les huit groupes électrogènes de l’usine en lignite (charbon) en provenance de Gardanne (Bouches-du-Rhône).

Mais « l’enfer », selon les dires de Juan, prend fin le 8 avril 1946, quand est signé le décret quasi « providentiel » de nationalisation de l’entreprise. Salutaire, celle-ci représente une libération pour l’ouvrier, qui, jusqu’à son départ à la retraite en 1955 – l’année de naissance de son petit-fils –, défendra la notion de service public et ce statut qui protège le travailleur et lui offre des conditions optimales, dans un cadre contractuel bien défini.

Le grand-père : Jean Marin prend le relais

Jean Marin, agent EDF embauché à l’atelier de bobinage du boulevard National, à Marseille, est le grand-père de Géraldine Marin. ©Archives personnelles

Jean Marin, agent EDF embauché à l’atelier de bobinage du boulevard National, à Marseille, est le grand-père de Géraldine Marin. ©Archives personnelles

C’est à Saint-André, près de l’Estaque (un des quartiers espagnols, au nord de Marseille), que Jean voit le jour en 1931. Vingt-deux ans plus tard, le jeune homme entre tout naturellement à la distribution et à l’atelier de bobinage du boulevard National, influencé sans conteste par le parcours et les convictions de son père.

Des petites interventions à la distribution aux bases sud et nord de Marseille, Jean finira sa carrière en tant que contremaître sur la base nord du quartier du Merlan, à Marseille. Lui qui partira à la retraite à 55 ans en 1986 aura ainsi connu et lutté, entre autres, contre la reprise de la gestion du CCOS par le patronat, de 1955 à 1964.

Le père : Bernard Marin, bâtisseur passeur de témoin

Bernard Marin, en inactivité, a travaillé dans l’hydraulique avant de rejoindre le nucléaire. ©Éric Raz/CCAS

Titulaire d’un Bac F4 génie civil, Bernard est embauché dans le secteur de l’hydraulique en 1979, à la Région de l’équipement Alpes Marseille (Réam). Le début d’une vie de nomade pour celui qui, très tôt, « a épousé la liberté, la justice et l’équité ».

De son premier poste de contrôleur de travaux dans le nord de l’Aveyron – sur le chantier de Montézic pour la réalisation d’une Station de transfert d’énergie par pompage (Step) d’une puissance de 900 MWe – aux grands programmes hydrauliques de la Corse et de la Guyane, pour terminer sa carrière par un  poste d’ingénieur responsable de conception dans le nucléaire, le militant syndical acquiert un savoir-faire et un esprit militant qu’il met plus tard au service des plus jeunes en tant que formateur, et qu’il transmet à sa fille !

« Dans l’hydraulique, nous restions en principe deux à trois ans sur un chantier pour la partie génie civil. Et ce qui me plaisait, entre autres, lorsque je quittais un aménagement, un barrage, c’était ce sentiment du devoir accompli et le côté pérenne que cela représentait. »

Pour Bernard, les acquis sociaux, les vacances, les droits, la santé, la solidarité au travail et l’envie collective d’œuvrer, décuplée par un statut protecteur et des garanties collectives, sont des fondamentaux, qu’il a défendus toute sa carrière ! « Il est indéniablement plus facile de travailler lorsque nous n’avons pas à nous préoccuper de nos droits ! Et, à mes débuts, c’était le cas ! »

« Alors, aujourd’hui, même si c’est plus dur, l’histoire ne doit jamais s’effacer. À EDF, comme ailleurs, il n’y a pas de fatalité. Et c’est ce que je continue à dire à Géraldine, dont je suis fier d’ailleurs, et aux jeunes que je côtoie. »

La petite fille : Géraldine Marin, la niaque en héritage

Géraldine Marin, ingénieure dans le nucléaire à la DIPDE (CMCAS Marseille), héritière d’une longue histoire d’amour familiale avec EDF et le service public. ©Éric Raz/CCAS

Petite, en classe, à la question « qu’est-ce que tu veux faire plus tard ? », Géraldine répondait : « Ingénieure dans le nucléaire. » À la maison, elle « buvait » les histoires du père, son modèle, ce « père fier de ce qu’il faisait », qui racontait à ses filles son boulot en rentrant. « Un jour, il m’a même offert un livre sur les barrages hydrauliques pour que je comprenne leur fonctionnement. »

Architecte ensemblier depuis le 1er septembre, « le dernier poste occupé par mon père avant sa retraite », Géraldine, 38 ans, a fait du chemin depuis son embauche, en 2011, au CNPE de Flamanville tranches 1-2. Un parcours qu’elle doit à la fois à la culture de l’entreprise et à son histoire familiale, estime-t-elle.

« J’ai aujourd’hui la responsabilité de travailler sur la prolongation de la durée de vie des centrales nucléaires en permettant le remplacement des générateurs de vapeur. Et comme j’ai baigné dans l’histoire d’EDF, à travers le parcours de mon père notamment, j’ai des convictions, des armes pour me battre et la conscience politique que mon travail doit avoir un sens, une utilité. Avoir le sens du service public, c’est avoir le sentiment qu’on travaille non pas seulement pour avoir un salaire à la fin du mois mais surtout pour la population. Pour conserver cet état d’esprit, il faut préserver le statut et ne pas briser cet héritage. »

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