Réalisée par l’Association des amis de la fondation pour la mémoire de la déportation dont la CCAS est partenaire, l’exposition « Lutetia 1945, le retour des déportés » est visible dans différents lieux de la capitale jusqu’à la fin du mois de mai.
C’est la première fois qu’une exposition raconte l’histoire de ces quatre mois. Celle du retour à Paris des survivants des camps de concentration, soit 48 000 personnes sur 166 000 déportés de France (parmi lesquels 76 000 juifs dont 11 000 enfants) pendant la Seconde guerre mondiale. Du 26 avril à la fin du mois d’août 1945, un tiers de ces rescapés passe par l’hôtel Lutetia. Lieu de retour à la vie mais aussi lieu de prise de conscience de l’ampleur de la tragédie pour la population. A travers quinze panneaux, l’exposition retrace l’accueil de ces survivants. Comment s’est faite la réquisition de l’hôtel Lutetia ? Comment sont mis en place l’équipe médicale mais aussi le contrôle des arrivants par des militaires afin d’écarter les faux déportés ? Sans oublier le rôle des nombreuses associations de Résistants et des bénévoles. Les témoignages sont nombreux. « L’incompréhension était totale : nous débarquions d’un autre monde, inimaginable pour eux », écrit le résistant Yves Léon, déporté en 1943 à Sachsenhausen. « A peine commencions-nous à raconter, que nous suffoquions. À nous-mêmes, ce que nous avions à dire commençait alors à nous paraître inimaginable. » écrit Robert Antelme, résistant déporté à Buchenwald le 17 août 1944.
« Vous n’y verrez que peu de photos : il n’en existe que très peu », explique Marie-Josèphe Bonnet, historienne et commissaire de l’exposition. « Une dizaine tout au plus, comme si cet événement échappait à la représentation, pour tracer dans nos cœurs et nos mémoires un chemin beaucoup plus profond, creusé à même la souffrance humaine. » Et elle ajoute : « Nous sommes à présent responsables de la transmission de cette histoire auprès des jeunes générations. »
Extrait de l’exposition
Enfant abandonné recueilli dans une rue parisienne le 12 juillet 1900, Marcel Paul travaille à 13 ans comme valet de ferme. Pendant la Première Guerre mondiale, il est mobilisé dans la Marine. En 1918, il travaille dans le bâtiment. Ayant adhéré au Parti communiste en 1923, il est élu aux élections municipales de 1935 dans le XIVe arrondissement de Paris. Mobilisé en 1939 dans l’Infanterie, fait prisonnier, il s’évade et rejoint la Bretagne, puis Paris.
Très actif dans le milieu de l’éclairage et des services publics, il s’investit dans l’Organisation spéciale où il apprend, à partir de juillet 1941, le maniement des explosifs avec France Bloch-Sérazin. Arrêté le 13 novembre 1941, transféré à la prison de la Santé, jugé en février 1943 par la Section spéciale, il est condamné à quatre ans de prison. Livré en février 1944 aux Allemands, il est déporté le 27 avril 1944 (par le convoi dit «des Tatoués») à Auschwitz (matricule 186187) et transféré le 14 mai à Buchenwald. Rapatrié en priorité avec des personnalités, il repart aussitôt à Buchenwald s’occuper du retour des autres déportés.
Nommé Ministre de la production industrielle, en novembre 1945 dans le gouvernement du Général de Gaulle, il fait adopter dès le 2 décembre la nationalisation de la Banque de France et des organismes de crédit. Restant à ce poste dans les gouvernements de Félix Gouin et de Georges Bidault, il fait voter, le 8 avril 1946, la nationalisation de l’énergie et organise la création d’EDF-GDF.
Voir deux autres extraits :
Les initiatives de déportés
La réquisition du Lutetia
Deux questions à Marie-Josèphe Bonnet, historienne et commissaire de l’exposition
Pourquoi parler de la Libération des camps soixante-dix ans après ?
C’est d’abord un événement historique très important : la fin du nazisme, la libération des camps et le retour à la vie. J’ajoute qu’une exposition comme celle-ci a une fonction thérapeutique. Beaucoup de souffrance a été accumulée dans les familles, il est important qu’elles puissent voir, comprendre, accepter ce qui s’est passé. Je le vois auprès des descendants que j’accompagne sur des travaux d’archives. Je pense que c’est la fonction de l’histoire : partir des faits et les expliquer. La connaissance du passé permet aussi de faire des analogies avec le présent.
Pourquoi les récits des déportés ont-ils été en partie occultés ?
Il s’agit d’une histoire terrible. Les gens qui n’avaient pas vécu la déportation ont été soudain confrontés à une souffrance incommensurable. C’était écrasant et extrêmement difficile à entendre. Comme ça l’est pour les descendants de déportés. Seuls les faits permettent d’aborder l’innommable et l’indicible. Ensuite, il y a aussi le poids d’une culpabilité qui s’est inversée des collaborateurs et de leurs descendants sur les déportés rescapés. J’observe qu’il y a encore un interdit sur le sujet de la collaboration encore notamment dans certaines petites villes de province où des familles de collaborateurs gardent une emprise. Il y a encore des endroits en France où il est impossible de parler de la Résistance, de la collaboration. Lorsque les déportés sont rentrés, ils l’ont fait en catimini, ils n’étaient d’ailleurs pas nombreux non plus…
Voir l’exposition à Paris
• Mairie du Xe arrondissement : du 23 au 30 avril
• Mairie du IIIe arrondissement : du 2 au 9 mai
• Archives de Paris : du 11 au 14 mai
• Fondation EDF, espace Electra, rue Récamier (VIe arrondissement) : du 15 au 20 mai
Pour en savoir plus : www.afmd.asso.fr
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