Grâce au documentaire L’Honneur des gueules noires de Jean-Luc Raynaud, dix-sept mineurs grévistes ont pu obtenir réparation de leur préjudice par la justice française. Soixante-cinq ans après !
Le 23 octobre 2014, la mairie de Paris organise une soirée hommage aux mineurs de la grande grève de 1948. À l’écran, un documentaire réalisé par Jean-Luc Raynaud. Parmi les invités d’honneur, Christiane Taubira, garde des Sceaux, annonce que le gouvernement déposera un amendement au projet de loi de finances 2015 reconnaissant le « caractère discriminatoire et abusif de leur licenciement ». Autrement dit des allocations « réparatrices » pour les survivants et leurs descendants. Pour les familles, l’aboutissement d’un long parcours qui a duré plusieurs décennies. Pour le réalisateur, une victoire contre l’injustice et l’oubli : « On brise là un tabou, celui de la reconnaissance des torts de l’État. On le doit bien sûr à la volonté de Christiane Taubira, sensible à ses questions de discriminations d’État mais aussi au film qui a fait son chemin dans les consciences. Un an de réalisation n’est rien au regard des soixante-six ans qu’ont dû attendre les mineurs. » Leur faute ? Avoir protesté contre la baisse de leur salaire.
Une âpre lutte contre le temps
Octobre 1948 : des milliers de mineurs du Nord sont en grève depuis bientôt huit semaines. Leur décision va rapidement leur coûter leur travail et leur honneur : 3 000 sont licenciés, un millier condamnés à de la prison ferme. À leur libération, ils sont interdits de travail aux Charbonnages de France, inscrits sur liste noire dans la région, expulsés de leurs maisons. « Des familles entières et leurs descendances durablement humiliées. Mais aucune ne peut, pour des raisons évidentes de survie, intenter une action en justice avant la retraite : elles avaient d’autres chats à fouetter… », raconte Jean-Luc Raynaud. Début des années 2000. Désormais retraité, Georges Carbonnier tente de retrouver ses anciens camarades mineurs. Objectif : intenter une action en justice. Aidés de leurs avocats, ils saisissent les prud’hommes et la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité (Halde). En mars 2011, la cour d’appel de Versailles leur donne raison. C’est à ce moment que Jean-Luc Raynaud entreprend de raconter leur histoire. « C’est un pan de l’histoire méconnu. La répression qui été orchestrée en 1948, par un gouvernement de gauche, équivalait à celle d’un état de guerre. Ils ont arrêté des mineurs qui ne faisaient que la grève alors qu’il s’agissait d’un droit constitutionnel depuis 1946. » Mais voilà qu’à la fin 2011 l’histoire les écrase une nouvelle fois : la ministre de l’Industrie, Christine Lagarde, se pourvoit en cassation considérant que la justice n’avait pas eu raison d’indemniser ces mineurs. Elle obtient la cassation pour argument de… prescription. Retour à la case départ.
En interrogeant les pères, les fils, les petits-fils et petites-filles et bien sûr les épouses de ceux qui ne sont plus là, le film montre comment s’opère la généalogie de l’injustice et de la honte. Et l’importance de la réparation même si celle-ci ne sera jamais que symbolique. Ce n’est qu’en octobre 2014 que les anciens mineurs et leurs descendants sont réhabilités. « Pour la première fois, l’État français reconnaît ses torts envers des ouvriers grévistes. C’est une des vocations du film documentaire d’être acteur de l’histoire et d’avoir en tout cas une fonction civique. Selon moi, la plus belle chose qu’il peut faire », confie le réalisateur.
Prochaines diffusions sur la chaîne parlementaire Public Sénat : • samedi 9 mai (22h) • dimanche 10 mai (18h) • lundi 11 mai (17h15) • samedi 16 mai (15h15) |
ENFIN
BRAVO DOC
serge