Le collectif citoyen Alternatiba a rassemblé à Paris, les 26 et 27 septembre, quelque 60 000 personnes dans son village des alternatives. Objectif : montrer que les solutions aux dérèglements climatiques existent et qu’elles sont déjà entre nos mains.
Une marée verte déferle place de la République. Sous les vivats de la foule, des centaines de cyclistes aux couleurs d’Alternatiba, achèvent à Paris leur tour de France et d’Europe. 5637 kilomètres en presque quatre mois pour sensibiliser le public sur le changement climatique et les moyens d’y faire face. Alternatiba ? Un mouvement citoyen altermondialiste né il y a à peine deux ans à la faveur du premier grand village des alternatives au changement climatique organisé dans les rues de Bayonne. Depuis, des dizaines de villages similaires ont fleuri dans toute la France. Mais ce dernier week-end de septembre, à Paris, à deux mois de la conférence mondiale sur le climat (COP21), la mobilisation citoyenne est entrée dans une nouvelle dimension.
Le village bayonnais est devenu une grande ville avec ses quartiers, ses rues, ses jardins. 400 organisations ont planté leur tente place de la République au sein de 14 quartiers thématiques : climat, agriculture et alimentation, habitat, santé, énergie, migrations, transports, éducation… Au quartier habitat, une vingtaine de personnes, rassemblées autour d’une grande maquette pédagogique, découvrent les bienfaits de la maison en paille. « L’habitat est le secteur économique qui consomme le plus d’énergie », assure Aymeric Prigent, formateur à l’association pour la promotion et la construction d’habitation écologique en paille (Approche Paille). « La paille est l’isolant le moins cher qui existe ! »
Un peu plus loin, le département du Val-de-Marne présente lui aussi ses solutions pour le climat. « Nous sommes en train de mettre en place une plateforme de rénovation énergétique pour tous et en particulier pour les personnes en précarité énergétique », avance Quentin Hoffer, coordinateur de cette plateforme. Conseil en éco-gestes, installation de petit matériel économe et orientation des ménages vers des dispositifs permettant la prise en charge de travaux d’amélioration de l’habitat : il y a une convergence évidente entre la lutte contre le gaspillage et celle contre la précarité énergétique.
A chaque quartier ses solutions pour réduire notre empreinte carbone et transformer notre rapport à l’environnement. Au rayon « Agriculture et alimentation », l’ONG CIWF défend « un élevage respectueux des animaux, des hommes et de la planète ». Elle propose un guide du consommateur responsable ou « Comment choisir vos viandes, œufs et produits laitiers ». Une démarche qui tient en un slogan : « Quand vous mangez, vous votez ! » Côté consommateurs toujours, un site Internet de distribution alimentaire en France – Openfoodfrance -, membre du réseau international Openfood Network, est en train de naître. Il permettra bientôt de rapprocher producteur et consommateur en s’inspirant du système des Amap (Associations pour le maintien d’une agriculture paysanne).
Comme bon nombre de visiteurs du village, Cyril, étudiant en physique, n’est pas un militant. Pourtant, il trouve ici bien des nourritures stimulantes. « Contrairement à Internet, toutes les informations sont concentrées dans un même lieu et les gens sont très calés dans leur domaine ». C’est au contact de militants écologistes qu’il est devenu végétalien. « Manger moins de viande, c’est bon pour la planète et pour nous aussi. Et puis, buvons moins de lait, on n’est pas des veaux ! », s’emporte-t-il. Après ses études, Cyril aimerait exercer un métier « qui collabore avec la nature. » Son souhait : faire en sorte que la science soit « la plus propre possible ». Pour ce jeune homme qui pratique la méditation et le yoga, « respecter la nature est désormais un objectif primaire. » « Renouer avec la nature est une plus grande source de bonheur que de suivre un mode de vie d’hyper-consommateur », estime-t-il.
Alors que le week-end s’achève, la compagnie La divagante termine son spectacle d’humour absurde. En scène, deux personnages : un mécano et une infirmière. Leur décor : une dépanneuse et à l’arrière, une grosse boule bleue, la planète Terre, posée à l’envers, dans une brouette. « Faut-il la remettre à l’endroit ? » demande le mécano. « Notre but est d’informer, de sensibiliser et de mobiliser », explique le comédien Jean-Michel Vercoutter. Mais « depuis 24 ans qu’on travaille sur le thème de l’eau, de la mer et de l’océan, ça ne bouge pas au niveau politique », constate-t-il. « Il est temps de faire du concret, pas du blabla ! », lance Catherine Humbert (qui joue le rôle de l’infirmière) à l’intention des négociateurs de la COP21. Il y a malgré tout des signes encourageants, selon elle. « Les enfants sont aujourd’hui très sensibles aux questions d’environnement. A l’école, on plante, on parle diversité, on aborde des thèmes politiques comme le partage des richesses. »
Au-dessus de la grande scène, le slogan de la manifestation s’affiche en grand : « Changeons le système, pas le climat » Tout le week-end, les prises de parole se succèdent. Galvanisé par le succès populaire de l’événement, Txetx Etcheverry, porte-parole d’Alternatiba, salue l’avènement d’un « nouveau monde, celui de la sobriété, celui de l’agriculture paysanne, celui des énergies renouvelables. » Il invite sur l’estrade les grands acteurs de la transformation écologique et sociale : La NEF (avec son compte bancaire « Epargnons le climat »), Enercoop , la Confédération syndicale internationale, Emmaüs Lescar-Pau, les monnaies locales, Terre de liens, la Coalition climat 21 , qui regroupe plus de 130 associations et syndicats… Puis vient le tour d’Edgar Morin. « Quand on voit la diversité de ces stands, entonne-t-il, on se dit que tout doit changer ! » Le sociologue et philosophe voit dans ce grand rassemblement automnal, rien de moins que « l’acte de naissance d’une nouvelle civilisation ». Ce n’est en effet qu’un début. Prochaine étape, le 29 novembre, à la veille de la COP21, à Paris et dans le monde entier, pour la marche mondiale contre le changement climatique.
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