Entre sport-loisir et compétition de haut niveau, la Fédération française handisport (FFH) cultive le bon compromis. En cette année paralympique, si une grande « moisson d’or » aux jeux de Rio (du 7 au 18 septembre 2016) est un objectif avoué, pour son président Gérard Masson, c’est loin d’être une obsession. Fervent défenseur du sport pour tous, cet agent EDF œuvre sans relâche pour améliorer, par ce biais, la condition des personnes handicapées. Rencontre.
En fin d’année dernière, l’opération « Gagnons Rio », dont la CCAS est partenaire, était lancée par la FFH(1). Quel en est le principe ?
C’est un appel aux dons, sous forme de tombola, que nous organisons depuis longtemps. L’idée est de récolter des fonds, lesquels, je le précise, ne viennent en aucun cas se substituer à l’aide de l’État qui nous finance en majorité pour les jeux paralympiques. Ceci dit, notre ambition de bien figurer à Rio, sans pour autant viser l’or à tout prix, nous incite à étoffer notre délégation. Ce qui est un droit ! Ainsi, les sommes récoltées serviront à payer le staff, les « extérieurs », les accréditations, etc., à préparer aussi les jeux d’hiver 2018 à Pyeongchang en Corée du sud, et une partie sera bien sûr redistribuée à nos clubs.
Être à la fois ambitieux pour les jeux de Rio tout en réfutant l’idée d’une course aux médailles, n’est-ce pas paradoxal comme attitude ?
Non, c’est plutôt réaliste. Si nous visons le top 10 des nations au Brésil, c’est à partir du bilan des jeux de Londres 2012 (16ème au rang des nations avec 45 médailles au total). On se doit de progresser et on en a les moyens. Viser l’excellence, comme dans toute compétition, ne veut pas dire se fourvoyer. Notamment vis-à-vis de nos partenaires, comme la CCAS. D’ailleurs, tant qu’on ne nous jugera pas sur la performance, je serai président de cette fédération.
Avec des prérogatives bien définies ?
Absolument ! Nos partenariats, comme avec la CCAS, EDF, etc., sont basés sur une démarche de pratique du sport-loisir fondée sur un principe d’éducation populaire. Notre grande problématique, à ce titre, reste toutefois de se faire connaître. Car même si nous sommes en progression en terme de licenciés – nous étions 16 000 il y a 10 ans pour 36 000 aujourd’hui, alors qu’on devrait être 100 000 – attirer des jeunes demeure complexe, notamment dans les zones rurales.
Pourtant la médiatisation du handisport est exponentielle depuis des années ?
Oui. Cet intérêt, certes, nous fait du bien, mais les écueils persistent. Car seul le haut niveau est télédiffusé. Or, soit la personne se considère trop handicapée pour « reproduire » les exploits des athlètes, soit celui qui souffre d’un handicap moindre est réticent à l’idée de rejoindre un club… De plus, nos pépinières d’antan qu’étaient les centres de rééducation et les écoles se sont déchargées, pour des raisons économiques, de leur rôle de facilitateur d’accès à la pratique sportive des non valides. Et puis il y a toujours ce problème d’accessibilité… qui reste un fardeau insupportable pour la vie d’une personne handicapée en général.
C’est la raison pour laquelle vous soutenez avec ferveur la candidature de Paris 2024 ?
Mais toutes les villes, ou plutôt les pays, qui ont eu les jeux olympiques et paralympiques ont gagné 20 ans ! Et en France, si sur le plan du matériel, de la santé, on a avancé, sur l’accessibilité, en revanche, le chantier reste colossal. Or, si la candidature de Paris est retenue, on ne pourra pas éluder ce sujet. Le monde du handicap doit aussi apporter sa pierre à l’édifice et ne pas rester sur des positions réfractaires et des postures « claniques ». Il faut bien comprendre que nous sommes dans un monde de valides avec des handicapés et non le contraire… D’ailleurs, à la fédération, nous considérons qu’il faut former des ambassadeurs chez les valides. Ce sont eux qui sont le plus aptes à inciter leurs congénères à se « surpasser ». C’est aussi une question de vivre ensemble !
A ce titre la team EDF qui regroupe des valides et des handicapés en est un bon exemple ?
Oui. Et je suis fier de ce partenariat avec EDF entrepris en 1992 à Barcelone, grâce à la CCAS… Aujourd’hui, ce sont 17 champions réunis en « team » depuis 7 ans qui ont un palmarès commun au niveau des médailles. Tous sont des sportifs de haut niveau qui se fréquentent, vivent une passion commune sous la bannière EDF, qu’ils soient salariés du groupe ou pas. Cette démarche permet aussi de montrer que le sport s’adresse à tout le monde, sans barrière… Avec en filigrane, cette notion de groupe, de respect dans un certain esprit corporatiste.
Pour finir, un mot sur le Guide handisport 2015/2016, la « bible » de la FFH…
Ah oui ! Et j’en suis fier. Il faut s’y plonger. Tout y est répertorié. Notre but, à travers cette publication, est d’informer, de donner des repères, des conseils aux personnes désireuses de s’engager dans une discipline, de rejoindre un club. Et de bien faire comprendre qu’il y a de la place pour tous. Si on arrive déjà, grâce à ce guide, à mieux nous faire connaître, c’est en partie réussi.
(1)↑ Gagnons Rio ! Opération solidaire handisport Pour soutenir l’équipe de France handisport aux Jeux paralympiques de Rio, qui auront lieu du 7 au 18 septembre 2016 au Brésil, la Fédération Française Handisport (FFH) organise une grande tombola, accessible dans l’espace Culture et Loisirs. À la clé, de nombreux lots à gagner, et l’assurance que l’intégralité des ventes sera reversée à la FFH. Plus de renseignements : Gagnons Rio, Une tombola pour les jeux paralympiques de Rio |
Bravo mon Gérard. Toujours un bonheur immense que de te suivre … Cath