Les réseaux de chaleur sont une technologie aussi ancienne que pleine d’avenir. Les Romains la maîtrisaient déjà sous une forme rudimentaire, captant l’eau de sources chaudes pour alimenter thermes et bâtiments en hiver. Paris, Grenoble, Strasbourg ou Chambéry possédaient déjà des réseaux sophistiqués de chauffage urbain dans les années 1930. Mais la transition énergétique donne une nouvelle jeunesse à cette vieille technique.
Le principe est on ne peut plus simple. Une chaufferie alimente, à l’échelle d’une ville ou d’un quartier, un réseau de canalisations remplies d’un fluide caloporteur, c’est-à-dire transportant de la chaleur, lui-même relié à des stations d’échange au pied de chaque immeuble. Rançon de l’histoire, la majorité des chaufferies alimentant des réseaux de chaleur installées en France fonctionne aujourd’hui en brûlant des ressources fossiles, principalement du gaz naturel. Mais le vent est en train de tourner au profit de nouvelles sources. Comme l’indique le ministère de l’Environnement, « le développement des réseaux de chaleur est le seul moyen de mobiliser massivement d’importants gisements d’énergies renouvelables ».
Trois sources principales
Le premier est l’incinération des déchets urbains, qui alimente 24 % des réseaux de chaleur français, parfois associé à une cogénération d’électricité. La valorisation de la chaleur d’installation industrielle – comme à Dunkerque, en utilisant les rejets d’une usine sidérurgique, ou au pôle d’activité Val d’Europe, en Seine-et-Marne, où un réseau utilisant la chaleur issue de la climatisation d’un data center voisin vient d’être inauguré – en est une variante. Le second, en plein essor (15 %, mais en croissance rapide), est la biomasse, en particulier le bois, sous forme de copeaux ou de granulés. Du fait du caractère encombrant du stockage de cette ressource quasi inépuisable, le réseau de chaleur est la seule solution pour envisager le chauffage au bois de l’habitat collectif (43 % des Français).
Plusieurs collectivités viennent de remplacer leurs chaufferies au charbon ou au fuel par des chaufferies à bois. C’est le cas par exemple à Saint-Ouen, dont la chaufferie convertie au bois le mois dernier, alimente quelque 500 000 logements du nord de l’agglomération parisienne. Le troisième et dernier occupe une place encore modeste (3 %) mais appelée à progresser : il s’agit de la géothermie profonde. Creuser jusqu’à deux kilomètres de profondeur pour aller y chercher la chaleur terrestre coûte cher, de l’ordre de 10 millions d’euros par puits. Cet investissement n’est rentable que si la chaleur ainsi extraite dessert plusieurs milliers de logements. L’Ile-de-France compte à ce jour 29 réseaux de chaleur alimentés par la géothermie profonde, qui représentent les quatre cinquièmes du parc français en couvrant quelque 145 000 logements.
Et pour l’usager ?
Le coût moyen est de l’ordre de 60 euros/MWh, avec cependant des variations importantes, entre 25 et 120 euros du MWh selon l’étendue du réseau (plus il est vaste, plus la perte est potentiellement importante) et le mode d’alimentation de la chaufferie. Au final, le coût pour un appartement moyen est comparable à celui du chauffage au gaz, mais avec une émission de gaz à effet de serre bien moindre.
Rappelons que le chauffage des logements et des bureaux est responsable du tiers des émissions de gaz à effet de serre en France. C’est la raison pour laquelle les lois de Grenelle sur l’environnement, confirmées par la loi sur la transition énergétique, ont fixé pour objectif que les réseaux de chaleur assurent d’ici à 2020 un huitième de l’objectif national de développement des énergies renouvelables. Un fonds chaleur, doté de un milliard d’euros, a ainsi été créé pour aider les collectivités locales désireuses de construire un réseau de chaleur, et la TVA est pour l’usager au taux minimal de 5,5 % dès que la chaufferie fonctionne majoritairement aux énergies renouvelables. Dans tous les cas, l’investissement est élevé, mais les coûts de fonctionnement sont par la suite négligeables, ce qui permet un amortissement rapide.
La France a en la matière encore bien du chemin à parcourir. Les réseaux de chaleur ne représentent qu’un peu plus de 2 millions de logements et 5 % du marché du chauffage individuel, très loin derrière les pays de l’est et du nord de l’Europe où ils pèsent plus de 50%… et jusqu’à 95 % en Islande, pays volcanique qui a su ainsi exploiter ses ressources géothermiques naturelles.
L’écocité Smartseille innoveLes grandes entreprises des industries électrique et gazière sont particulièrement actives dans les domaines de la conception, de l’installation et de la maintenance de réseaux de chaleur. Quatre entreprises se partagent le marché en France, parmi lesquelles Dalkia (filiale d’EDF) et Cofely (filiale d’Engie). Le groupe EDF est également actif à travers sa filiale EDF Optimal Solutions, qui a été honorée au moment de la COP21 pour son travail au sein de l’écocité Smartseille, en cours de construction sur une friche industrielle de Marseille. Les 400 logements et 58 000 m² de bureaux, commerces et équipement publics seront équipés d’un réseau de chaleur alimenté par l’eau pompée dans le port de la cité phocéenne, à 12 °C en hiver et 26 °C en été en moyenne. Ce recours à la thalassothermie (récupération des calories de l’eau de mer) est une première en France pour un réseau de chaleur. Les travaux devraient être achevés en 2018. |