Au bord de la Méditerranée, à Mandelieu-La Napoule (Alpes-Maritimes), la 14e édition du festival Visions sociales nous invite cette année à explorer les voix et images de l’espérance. L’occasion renouvelée de découvrir des films marquants et d’en débattre avec leurs auteurs. A suivre jusqu’à vendredi.
Devant la scène, face au public nombreux, Françoise Davisse raconte comment elle a suivi pendant deux ans, en 2012 et 2013, seule avec sa caméra, les ouvriers de l’usine d’Aulnay-sous-Bois (voir notre interview). « Comme des lions » (2015), son magnifique documentaire, retrace leurs quatre mois de grève et deux années d’engagement contre la fermeture. La curiosité, le plaisir de la rencontre et aussi l’envie d’aller plus loin animent ce premier débat.
« Merci d’avoir permis de rendre visibles tous ces invisibles. Ce que vous avez fait est magnifique. Mais tant qu’il n’y aura pas une réaction plus large, on continuera à avoir ces fermetures d’usines… », commente un premier spectateur. « Que gardez-vous de cette expérience ? », interroge Mireille, spectatrice venue d’Avignon. Réponse de la réalisatrice : « La confiance. Deux ans de dialogue, de construction, de rencontres avec l’intelligence personnelle et collective m’ont apporté confiance et sérénité. » Cette première projection a donné le ton : celui de l’espoir, antidote à la résignation.
Quelques heures plus tard, ouvrant la soirée inaugurale dans une salle comble, Michel Lebouc, administrateur de la CCAS et président de la commission Activités Culturelles, se dit impressionné « de vous voir si nombreuses et nombreux. » Dans cette période difficile pour les AS de l’énergie, il réaffirme la « volonté des Activités Sociales de continuer à lutter pour la culture ». Avant de laisser la parole à Tony Gatlif, parrain de cette quatorzième édition de Visions sociales, il cite un proverbe gitan : « Le plus beau des feux commence par des brindilles. » « Même sous la pluie », reprend Tony Gatlif, avant d’ajouter avec sa fougue et sa liberté de parole : « Le cinéma social est en éveil. Tous les cinéastes dont vous avez voir les films font des choses sans attendre l’argent. Avec courage. Ils travaillent parfois seuls avec une caméra. Ils nous montrent que le cinéma peut changer la pensée. En tout cas, c’est ma conviction car je suis optimiste. Je suis très heureux de déclarer ouvert ce 14e festival de Visions sociales. » Long tonnerre d’applaudissements pour ce généreux parrain qui ne ménagera pas son temps, par la suite, pour répondre, en aparté, à toutes celles et ceux qui le souhaitent.
Pour l’heure, pas de longs discours. Place aux films, au minimum trois par jour. Ce soir « Geronimo » (2014), suivi dimanche matin de « Swing » (2002). Les deux nous plongent chacun à leur manière dans la culture et la musique manouches. « Swing, C’est un film dont on sort grandi. Vous nous touchez au cœur. Je travaille dans un ciné-club. Comment faire pour le diffuser dans les ciné-clubs ?», s’enquiert un mélomane auprès de Tony Gatlif.
Plus tard, à propos de la perception de la culture manouche, le parrain explique encore : « A travers mon travail, j’ai voulu rendre justice à cette communauté dont je suis en partie issu, comme un avocat. Lorsque je présentais mon premier film sur ce sujet, les journalistes me posaient souvent cette question : “Mais pourquoi ils volent ?” Alors, j’ai continué film après film. Aujourd’hui je pense que la compréhension est meilleure. Je pense qu’on a gagné pas mal d’amis. »
Entre les projections, des petits groupes se forment. On discute, on boit un verre… D’autres regardent l’exposition de photos noir et blanc « Travailler à Fessenheim », d’Eric Dexheimer. Plus tard dans la journée, « Demain », de Cyril Dion et Mélanie Laurent (2015). Le film part à la recherche de solutions effectives permettant de sauver l’humanité de l’effondrement des écosystèmes. On y trouve des expériences abouties dans tous les domaines (agriculture, énergie, habitat, économie, éducation, démocratie…). Et les nombreux experts interrogés font voler en éclats les vieilles idées reçues. Aux Etats-Unis, en Grande-Bretagne, en Inde, en France et ailleurs, des femmes et des hommes font la démonstration que rien n’est inéluctable. « Une nouvelle vision du monde peut émerger où chacun a plus de pouvoir, plus de responsabilités. Il n’est pas trop tard. Mais il faut bouger. Maintenant », martèlent les réalisateurs.
La force de bouger, Fatima Elayoubi, immigrée d’origine marocaine, l’a trouvée pour élever seule ses deux filles avec un salaire de femme de ménage. Elle a écrit deux livres. Son histoire a inspiré Philippe Faucon pour son film « Fatima » (2015). Elle dit « parler au nom de toutes les Fatima qui travaillent dans l’ombre, seules, loin de leurs familles et se contentent de pleurer dans leur cœur ». Celle qui a dû se battre pour apprendre le français est aujourd’hui intarissable : « On est riches, tous les êtres humains. Mais s’il n’y a pas de langue, il n’y a pas de rencontres. » Ovations dans la salle.
La dernière pépite proposée ce dimanche est signée du Chilien Patricio Guzman. Avec « Le Bouton de nacre » (2015), œuvre envoûtante et singulière, le documentariste nous entraîne dans sa quête des traces des crimes du passé et de leur impunité. De quoi parle-t-il ? Des liens invisibles qui relient tout ce qui existe. De l’eau, des étoiles, du sort des nations indigènes de Patagonie, des disparus de la dictature… Et il en construit un récit aussi fascinant que poétique.
>A suivre toute la semaine d’autres grands moments de cinéma, de débat et de rencontres. Entrée libre.
Tags: Cinéma Visions sociales