Tous les chemins mènent-ils à l’âge adulte ? Quels sont les choix supposés nous guider vers la maturité ? Dans un premier film étonnant et fin, l’Israélien Matan Yair nous invite dans l’univers bancal d’un ado turbulent qui cherche encore sa voie. Un film soutenu par l’Acid et la CCAS.
Asher, 16 ans, est un ado explosif, « hyperactif », dirait-on dans le langage psychoéducatif à la mode. Dans la petite ville de Herzliya près de Tel-Aviv (Israël), il s’apprête à passer son bac, non sans difficultés, au sein de sa classe de « cas difficiles ». Dans « les Destinées d’Asher », fiction plus ou moins autobiographique sélectionnée par l’Acid et soutenue par la CCAS, le réalisateur Matan Yair s’inspire de ses années d’expérience dans l’enseignement pour dépeindre le parcours du jeune Asher, tête de pioche aussi attachante qu’exaspérante.
L’on pourrait croire que son chemin est tout tracé : celui d’un gamin paumé, en échec scolaire, voué par la suite à la petite délinquance ponctuée de quelques passages en prison, comme son père. Mais l’histoire, comme le personnage, n’est pas si simple : loin d’être idiot, Asher croise la route d’un prof de littérature charismatique, Rami, aux méthodes peu orthodoxes. Grâce à des techniques participatives, à son sens du dialogue et de l’écoute, Rami captive ses élèves, qui se passionnent pour l’« Antigone » d’Euripide.
Le film de Matan Yair aborde un thème peu exploré par le cinéma israélien : celle de la jeunesse déscolarisée qui se cherche un avenir. Il se situe ainsi dans la veine des œuvres qui vantent avec brio les vertus de l’éducation, quelque part entre « le Cercle des poètes disparus » de Peter Weir et « l’Esquive » d’Abdellatif Kechiche. Mais c’est avant tout un film sur l’équilibre précaire de l’adolescence.
Un parcours sur le fil du rasoir
Asher est en effet tiraillé entre deux mondes : celui de son père, qui veut le voir reprendre l’entreprise familiale d’échafaudages, et pour qui les poètes ne sont bons qu’à figurer sur les billets de banque ; et celui de son professeur de littérature, qui le fascine, le galvanise, et pour qui il se sent le devoir de réussir son examen. Mais aussi entre celui de l’effort physique et du travail manuel, seuls capables de canaliser l’énergie brute de cet ado perpétuellement « hérissé », comme le lui fera remarquer Rami, et celui de l’éveil intellectuel et du plaisir que procure la littérature.
Le film oscille ainsi en permanence entre deux atmosphères, l’insouciance adolescente et la tragédie qui frappe sans prévenir, l’humour et la gravité, illustrant ainsi parfaitement l’exercice d’équilibre inconfortable auquel nous confronte cet âge de la vie.
La vie d’Asher ressemble fort aux échafaudages fragiles sur lesquels il travaille : sans trop savoir quoi faire de son grand corps dégingandé, il se voit également chamboulé par des émotions contradictoires qu’il ne maîtrise pas davantage (colère/ironie, désinvolture/sens du devoir, insolence/loyauté…). Si « les Destinées d’Asher » est un film d’apprentissage, il met aussi en lumière une vertu qui nous transcende tous : le dépassement de soi.
La fiche
Les Destinées d’Asher, de Matan Yair
Israël, Pologne, 2017, 1 h 33 min.
Avec : Asher Lax, Ami Smolarchik, Yaacov Cohen, Keren Berger.
Production : Green Productions, Film Produkcja, United King Films. Distribution : Les Acacias.
L’Acid : donner une chance à tous les films d’être vus
Ce film bénéficie du soutien de l’Association du cinéma indépendant pour sa diffusion (Acid).
Site Internet : www.lacid.org
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