Premier épisode de notre chronique en trois parties sur la Retirada : après la chute de Barcelone, en janvier 1939, civils et militaires républicains espagnols espèrent trouver en France une terre d’accueil, mais se heurtent à des conditions de rétention indignes.
Cœur battant de la République espagnole, capitale industrielle du pays, Barcelone la rouge tombe aux mains des troupes franquistes le 26 janvier 1939 presque sans combats.
« Barcelone, quarante-huit heures avant l’entrée de l’ennemi, était une ville morte. Si on a perdu, c’est tout simplement parce qu’il n’y avait plus de volonté de résistance, ni dans la population civile, ni dans certaines troupes que cette atmosphère avait contaminées », écrira le chef de l’état-major général républicain, Vicente Rojo.
Aux yeux de tous, il est clair que le combat engagé trois ans et demi plus tôt par les républicains contre la sédition du général Franco est perdu. La chute de la Catalogne, puis de ce qui reste de l’Espagne républicaine dans le quart sud-est du pays n’est plus qu’une question de semaines. Les représailles franquistes ont en revanche, elles, commencé. Dans Barcelone, on fusille à tout-va syndicalistes, socialistes, anarchistes, communistes ou républicains.
Le grand exil
C’est pour fuir ces massacres que se met en place, dans le plus grand désordre, un exil vers la France : la Retirada. Civils et militaires, ces derniers le plus souvent débandés et sans commandement, fuient vers le nord, dans l’espoir de passer en France. En plein hiver, sous la neige, démunis, ayant tout abandonné dans leur fuite, harcelés par l’artillerie et l’aviation des franquistes et de leurs alliés allemands et italiens, les républicains se massent à la frontière, que le gouvernement français tient hermétiquement fermée par les gendarmes mobiles et des troupes d’infanterie.
Mais devant l’afflux, il cède le 28 janvier en ouvrant la frontière aux femmes, enfants, vieillards et soldats blessés, qui ne pourront cependant passer que par contingents de 2 000 personnes. Quelque 100 000 militaires, eux, restent bloqués, alors que ce sont précisément les plus menacés par les représailles franquistes. Le 5 février, le gouvernement français cède à nouveau : les militaires sont autorisés à passer en France, à condition de déposer leurs armes.
Près de 500 000 réfugiés
En deux semaines, 475 000 Espagnols passent la frontière au Perthus, à Cerbère, à Prats-de-Mollo, au Boulou, à Bourg-Madame et autres villages des Pyrénées-Orientales. Ils croient être sauvés, accueillis en réfugiés par une autre république.
« Pour des centaines de milliers d’Espagnols, la Retirada est synonyme de nouvelle vie. Une nouvelle vie au sein des pays où ils ne sont pas les bienvenus, car en plus de la mauvaise image donnée par la presse de droite, les réfugiés portent en eux les stigmates profonds des trois ans de guerre sanglante », écrit Sofia Medinilla dans « Mémoires non égarées de la Retirada », un recueil de témoignages de réfugiés espagnols paru en 2015 aux Presses universitaires de Perpignan.
La plupart d’entre eux vont très vite perdre leurs espoirs de nouvelle vie en découvrant la manière dont ils sont accueillis en France, comme on le racontera dans le 2e épisode.
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Contez-moi… la Retirada : les camps sur la plage
L’exil, fil rouge pour trois CMCAS
Les CMCAS Aude-Pyrénées Orientales, Languedoc et Toulouse ont choisi de prendre pour fil rouge de leur action en 2019 la question des migrations, de l’accueil des réfugiés et de leur intégration dans notre pays.
Alors que des milliers de personnes continuent de traverser la Méditerranée au péril de leur vie, ces questions résonnent tout particulièrement dans ces départements occitans et catalans en cette année anniversaire de la Retirada.