Fils et petit-fils d’agents, Laurent Eyraud-Chaume a découvert la scène à 11 ans, dans une colo CCAS. Devenu comédien et metteur en scène, il défend, notamment auprès des jeunes, y compris à la CCAS, un théâtre émancipateur teinté d’humour.
C’est au Café des Familles, à Gap, non loin de l’immeuble où il a grandi, que nous attend Laurent Eyraud-Chaume. L’acteur et metteur en scène de 40 ans apprécie cet endroit où se retrouvent parents et enfants. En digne descendant d’une lignée d’énergéticiens – il est fils et petit-fils d’agents des Industries électriques et gazières – il engage la conversation sur les Activités Sociales, évoquant d’une voix enjouée le lien qu’il entretient avec la CCAS.
Un lien quasi ombilical, enraciné dans l’histoire familiale, comme il aime à le rappeler : « J’ai grandi avec « CCAS Informations » dans mon salon, lance-t-il. Tous les ans, c’était le même rituel. Dès qu’on recevait le catalogue, on choisissait la destination des prochaines vacances. » Selon ses propres estimations, Laurent Eyraud-Chaume aurait séjourné plus d’une trentaine de fois dans les centres de vacances de la CCAS. Voilà qui vous bâtit un homme.
« Pour moi, trois semaines de colo, ça valait une année à l’école !, s’enflamme-t-il. Les centres de vacances, c’était vraiment un apprentissage de la liberté. Nos parents nous laissaient carte blanche, ce qui n’était pas toujours le cas à la maison. »
À 11 ans, première scène et premier succès
C’est lors d’un séjour pour les 11-12 ans qu’il découvre la scène. Habituellement, les activités sont à dominante sportive, mais, cette année-là, le directeur de la colo, ancien élève d’une école d’art dramatique, décide de monter un atelier théâtre. Issu d’une famille peu sensibilisée au monde du spectacle, le jeune Laurent se prend au jeu et finit par monter sur scène. A sa grande surprise, il fait rire toute l’assistance. « Je veux faire du théâtre ! », lance-t-il à sa mère une fois rentré à la maison.
Problème : l’atelier théâtre de Gap affiche déjà complet. Sa mère fait des pieds et des mains auprès de la direction pour qu’on accepte son fils, déjà privé de foot en raison de son asthme. Et ça marche. De la naissance d’une vocation à la réalité du métier, il faudra encore quelques années, mais la petite plante ne demande qu’à grandir. « Au départ, le théâtre était surtout un prétexte pour pouvoir se marrer entre copains, se souvient Laurent. Mais petit à petit, j’y ai pris goût. »
À 16 ans, en feuilletant le catalogue de la CCAS, il découvre l’existence d’une colo « Paroles et musique » animée par le chanteur et compositeur Karim Kacel : « Il nous poussait à écrire nos propres chansons, et ensuite on partait faire la tournée des centres pour y jouer nos textes, comme une vraie compagnie. C’était une expérience incroyable pour des jeunes de notre âge ! Cette colo a vraiment été un déclic pour moi. »
Un théâtre accessible à tous
Depuis, Laurent Eyraud-Chaume continue de partager sa passion avec les agents et leur famille en se produisant dans les centres de vacances avec la compagnie « Le Pas de l’oiseau » qu’il a cofondée en 2004.
Conscient que la plupart des bénéficiaires vont très peu au théâtre, le comédien et metteur en scène propose des pièces accessibles au plus grand nombre. Comme « l’Héritage », spectacle qu’il a notamment joué l’hiver dernier au centre de Morillon, en Haute-Savoie, et qui aborde le thème de l’utopie : peut-on transformer la réalité ? Comment réinventer le vivre ensemble ? Quelle place pour la transmission et l’engagement dans nos vies ?
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Ce qui compte le plus aux yeux de cet ardent défenseur de l’éducation populaire, ce sont les moments d’échange avec le public à l’issue de chaque représentation. Des moments plus importants que la pièce elle-même, insiste-t-il.
« Au théâtre, chacun rentre chez soi une fois le rideau baissé, alors que dans les centres de vacances on peut plus facilement engager la conversation avec les artistes. C’est souvent dans les petites institutions que la rencontre est le plus intéressante », confie-t-il. Pour Laurent, donner la parole aux spectateurs est un moyen de désacraliser le théâtre, qui, estime-t-il, souffre encore d’une image élitiste. « Lors de mes tournées dans les centres, j’ai remarqué que les gens se sentaient parfois complexés vis-à-vis du théâtre. » Face à ce complexe, le jeune quadragénaire avance un argument imparable : « Le théâtre, c’est important, mais ce n’est pas grave. »
L’imaginaire, moteur de l’émancipation
De l’humour, de solides valeurs humaines et un inébranlable désir de transmission : tel est le terreau sur lequel Laurent Eyraud-Chaume construit son « théâtre poétique d’utilité publique ». Un projet à hauteur d’homme, d’ados et d’enfants. Avec sa comparse comédienne Amélie Chamoux, il anime des classes théâtre dans les collèges et les lycées, des classes de découverte en partenariat avec la Fédération des œuvres laïques, des stages d’initiation dans les comités d’entreprise et… les colos CCAS.
Il monte aussi des ateliers à la MJC de Veynes, où il habite. Le 26 octobre, dans ce village de 3 000 habitants situé à 25 km de Gap, il organisait son premier festival (« La Fureur de dire ») avec la compagnie Le Pas de l’oiseau. Objectif : mettre en avant l’expression sous toutes ses formes, notamment la parole de la jeunesse.
Les jeunes ? « On n’a pas grand chose à leur apporter, si ce n’est du temps pour l’imaginaire et la réflexion, et quelques techniques », expliquait Laurent Eyraud-Chaume dans une récente tribune. Car l’imaginaire est « comme un muscle à exercer ». Un muscle doté d’un pouvoir magique, celui de « faire de chacun un créateur, un artisan ‘oeuvrier’ de sa propre vie. »
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