Daniel Gonzalez a troqué son costume de gazier et d’élu syndical pour celui de comédien. Formé à la Compagnie Maritime, à Montpellier, avant de partir à la retraite, il a trouvé sur scène un nouvel espace d’expression où « faire des choses que tu ne fais jamais dans la vie ».
Daniel Gonzalez nous invite à dîner chez lui, à Montpellier, un dimanche soir. Il a préparé des rillettes de sardines, une tarte aux poireaux et aux lardons, le tout arrosé d’un bon vin. Une soirée à son image : simple et généreuse. Le lendemain, l’ancien cartographe de GRDF joue dans une comédie dramatique montée par la Compagnie de la Goutte d’Ô. Il y interprète le rôle d’un auteur épris d’une actrice qui, elle, ne pense qu’à une chose : passer « encore un instant » – d’où le titre de la pièce – avec son mari disparu.
Daniel monte pour la première fois sur scène en 1999. Mais c’est en 2010 que son parcours théâtral décolle. Bloqué dans son évolution professionnelle en raison de ses engagements syndicaux (membre du CHSCT, président de sa SLVie, etc.), il part, à 56 ans, étudier et pratiquer le théâtre grâce à un congé individuel de formation. « Je suis passé de bac – 4 à bac + 5 », plaisante-t-il. Pourquoi bac – 4 ? « Parce que je m’étais barré du lycée quatre mois avant le bac. »
Celui qui ose « ouvrir sa gueule »
La scolarité de Daniel, dernier d’une famille de huit enfants, est chaotique. « Mon année de terminale a été une catastrophe. J’avais des notes pourries. » Le fils de pieds noirs d’origine espagnole est un adolescent timide qui passe son temps à faire le pitre. « J’étais un peu le boute-en-train de la classe, le clown de service. Faire le con, c’était ma manière de m’affirmer. J’étais celui qui osait ouvrir sa gueule et qui faisait rire les autres. » Un jour, un professeur arrivé en retard en classe lui demande d’un ton sec de fermer la porte derrière lui. « C’est vous qui êtes arrivé en retard, c’est vous qui fermez la porte », lui répond-il.
« Quand il y a des choses à dire, je les dis. Mais toujours avec politesse et bienveillance »
Cet esprit frondeur, il le doit sans doute à son père, cheminot à la SNCFA (chemins de fers algériens) et militant communiste, qui passa deux années derrière les barreaux pour avoir défendu l’indépendance de l’Algérie pendant la guerre. « Quand il y a des choses à dire, je les dis. Mais toujours avec politesse et bienveillance », précise Daniel. Lorsque Gaz de France s’apprête à ouvrir son capital, c’est lui qui prend la parole devant la direction de l’entreprise pour s’élever contre la privatisation. Plus tard, lors de son discours de départ à la retraite, il n’hésite pas à nommer tous ceux qui ont bloqué son déroulement de carrière. Et leur donne rendez-vous aux prud’hommes.
« Être féministe, c’est juste être humain »
À 68 ans, Daniel Gonzalez suit toujours de très près l’actualité sociale. Très sensible aux violences faites aux femmes et aux enfants, il a lu coup sur coup « La Familia grande », l’ouvrage-témoignage de Camille Kouchner sur l’inceste, « Impunité », l’enquête d’Hélène Devynck sur l’affaire PPDA, et enfin « Réparer les femmes », le livre choc du Dr Denis Mukwege, prix Nobel de la paix 2018, sur les atrocités commises en République démocratique du Congo. « Je m’informe, c’est ma façon d’être féministe, explique simplement Daniel avant de compléter : être féministe, c’est juste être humain. »
Dans la maison familiale, où il vit toujours, les portes et les murs parlent d’eux-mêmes. Ici, un « diplôme du papa le plus chouette du monde » ; là, une photo où transparaît la complicité qu’il entretient avec ses filles, Emma, Rosalie et Noëlie. « Avec les deux plus jeunes, on s’envoie même des lettres manuscrites avec enveloppe, timbre et tout. » Daniel ne fréquente pas les réseaux sociaux mais prend soin des relations, car il sait que la vie est fragile. Il y a huit ans, il a perdu sa fille cadette, Manon, emportée par une leucémie.
Formé au Centre dramatique national de Montpellier, Daniel Gonzalez est aujourd’hui un comédien accompli. Ce qu’il aime par-dessus tout dans le théâtre, c’est « faire des choses que tu ne fais jamais dans la vie ». Depuis novembre, il travaille sur une pièce d’Éric-Emmanuel Schmitt qui raconte la vie de Sarah Bernhardt. À partir du 6 mai, il jouera à la fois la mère de la célèbre actrice, sa sœur, son amant, son mari et son fils… Un sacré défi, qui se prolongera cet été à la CCAS, avec des représentations dans un ou deux villages vacances de l’Hérault.
Pour aller plus loin
Site internet : danielgonzalez.fr
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