1964, le nouveau départ

Photo années 50, départs en colonie CCOS, mère embrassant son fils.

70 ans plus tard, les départs en colonie de vacances procurent toujours les mêmes émotions ©DR

Après plusieurs années de gestion patronale des activités sociales, et de querelles entre les syndicats mis à l’écart, 1954 a marqué un tournant: la CGT et la CFTC ont signé un accord pour une reprise commune des AS. En 1955, par le décret du 3 février, le gouvernement de centre des œuvres sociales, formé de représentants du personnel, dont la mission est de répartir entre la CCAS et les CAS1 l’équivalent de 1% du chiffre d’affaires des IEG, comme l’avait prévu la loi de nationalisation de 1946.
Hélas, l’instabilité politique de la IVe République ne va pas permettre la mise en application du décret. Deux jours après sa publication, le gouvernement de Pierre Mendès-France est renversé et la valse des présidents du Conseil reprend. L’aggravation des événements en Algérie accapare la vie politique, et le dossier des activités sociales des électriciens et gaziers avance très lentement.
Cependant en 1957, en application du décret de 1955, se met en place un comité de coordination émanant des CAS (dont les conseils d’administration sont élus), qui élit Marcel Paul à sa présidence. Cet organisme est supposé être le grand argentier répartissant les fonds du 1% entre l’échelon local des CAS et l’échelon national d’une CCAS restant à constituer. En pratique, il peine à jouer ce rôle, faute de recevoir des directions des entreprises les informations financières nécessaires. Les activités sociales stagnent, et les salariés des IEG expriment régulièrement leur mécontentement de ne pouvoir partir en vacances dans les villages de toile, faute de place, les centres étant en nombre insuffisant pour accueillir un personnel en constante augmentation.

VETO DU GOUVERNEMENT AU RETOUR DE MARCEL PAUL

De Gaulle, dès son retour au pouvoir en 1958, reçoit les fédérations syndicales d’EDF et GDF et laisse entendre qu’il souhaite débloquer la situation. Les relations entre fédérations syndicales, très tendues au début de la décennie, s’améliorent. Toutes sont d’accord pour mettre en place au plus vite une CCAS capable de donner l’impulsion nationale dont les activités sociales ont un urgent besoin. Mais un obstacle imprévu surgit alors: le gouvernement refuse de nommer Marcel Paul administrateur de la CCAS. Alors que les administrateurs du CCOS d’avant 1951 étaient élus directement par les salariés, ceux de la CCAS sont, selon le décret de 1955, nommés par le gouvernement sur proposition des fédérations syndicales, au prorata de leurs résultats aux élections aux CAS. En dépit des protestations vigoureuses des fédérations, le gouvernement ne veut rien céder. Les raisons du veto opposé au retour de Marcel Paul dans l’administration des œuvres sociales restent inexpliquées. Tout juste le ministre de l’Industrie se fend-il d’une lettre relevant que «l’honorabilité et la compétence» du père du Statut des électriciens et gaziers n’est pas en cause.

Le contexte sanglant de la fin de la guerre d’Algérie aggrave ces tensions. Dans la nuit du 22 au 23 novembre 1961, un attentat de l’Organisation armée secrète (OAS), qui rassemble les ultras de l’Algérie française, frappe le domicile parisien de Marcel Paul. Ce dernier reprend des habitudes de la Résistance, changeant de domicile chaque soir, ce qui épuise sa santé fragile d’ancien déporté. Au sein de la Fédération CGT de l’énergie, dont il est toujours secrétaire général, des critiques se font entendre sur son autoritarisme et ses méthodes de travail. Au début de 1963, Marcel Paul tombe gravement malade.
La nouvelle équipe militante qui arrive à la direction de la Fédération CGT est fermement décidée à reprendre la gestion des activités sociales. C’est le sens de la décision prise à l’unanimité par le conseil d’administration de la CCAS, réuni le 3 mai 1963 et présidé par René Le Guen, ingénieur du gaz CGT.

LES FÉDÉRATIONS SYNDICALES SEULES GESTIONNAIRES

Deux arguments ont pesé dans la balance: d’une part, le gouvernement fait planer de nouvelles menaces en envisageant de signer un décret étatisant la gestion des activités sociales des électriciens et gaziers ; d’autre part, la nouvelle équipe fait le constat que même si le 1% prévu par la loi de nationalisation est devenu maximum et non plus minimum, ce taux équivaut à plus de 5% de la masse salariale – un taux sans égal dans les autres comités d’entreprise, leurs moyens étant généralement bien plus réduits.
Mais, avant de se lancer dans le grand bain de la gestion, les fédérations syndicales demandent une sorte d’audit, «une photographie, une description tournée vers l’avenir», selon l’expression de René Le Guen, des activités sociales des électriciens et gaziers, sur lesquelles les salariés n’avaient guère été informés durant les treize années de gestion patronale. Rassuré par ce rapport, même si une inquiétude demeure sur le poids des cantines, qui représente un cinquième du budget, alors que celles-ci devraient être prises en charge uniquement par la nouvelle CCAS, les fédérations syndicales décident de reprendre au 1er janvier 1964 sous leur seule responsabilité la gestion des activités sociales.
C’est le début d’une nouvelle période, marquée par un essor spectaculaire, que racontera le quatrième et dernier volet de cette série.

1 Ce sont les ancêtres des CMCAS.

Portrait photo de René Le Guen

René Le Guen, premier président de la CCAS, fut l’artisan en 1964, de la reprise en main par les syndicats de la gestion des Activités Sociales ©DR

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