La reprise des Activités Sociales par les organisations syndicales au 1er janvier 1964 crée une forte attente au sein du personnel. De l’avis général, leur développement durant les treize années de gestion patronale dite provisoire avait été très insuffisant. Voici les organisations syndicales attendues au tournant. Aidées par un contexte de forte croissance économique, elles vont être au rendez-vous, non sans rencontrer des difficultés dans l’exécution de leur mot d’ordre: une gestion «par et pour le personnel».
Pour la nouvelle équipe, emmenée par René Le Guen, il importe de frapper fort dès la première année de reprise des Activités Sociales par les salariés, pour bien montrer qu’une ère nouvelle s’engage. Symbole parmi d’autres, la CCAS quitte les locaux parisiens de la rue de Calais, siège de l’ancien CCOS, pour dans des locaux mis à disposition par la direction, rue Jouffroy. Dès l’été 1964, il faut que le changement se fasse sentir: 2 000 enfants de plus en colonie de vacances, ouverture des premiers séjours d’hiver et règles d’attribution des places estivales plus transparentes – leur nombre a augmenté de 40 %. Autre symbole, les «chefs de camp» deviennent des «responsables de village de vacances».
Ce développement tous azimuts se fait au prix de quelques acrobaties budgétaires, assumées par l’équipe dirigeante de la CCAS, qui veut «gérer en luttant et lutter en gérant», en particulier face aux directions d’EDF et de GDF, qui rechignent à accorder les avances de trésorerie nécessaires à ces investissements. Une partie du personnel se plaint de la lenteur des changements: plus de 2000 lettres parviennent à la direction de la CCAS pour se plaindre de ne pas avoir eu de place pour les vacances d’été 1964, même si le nombre de refus a largement diminué.
DÉVELOPPEMENT SPECTACULAIRE DES ACTIVITÉS SOCIALES DÈS 1964
Avec le recul du temps, la CCAS gérée par les salariés a bénéficié d’un contexte économique exceptionnel: les guerres coloniales ont cessé, l’économie tourne à plein régime, et avec elle la demande d’énergie. Le budget des Activités Sociales des électriciens et gaziers, indexé sur 1% des ventes d’EDF et GDF, et réparti entre la CCAS et les CAS au prorata de leurs membres, ne cesse de progresser. C’est ce qui va permettre les investissements massifs menés à partir de 1964, symbolisés par la construction des grands villages de Super-Besse, Cap d’Agde, Le Brusc ou Marinca-Porticcio. Les villages de toile, symboles des premières années du CCOS, laissent peu à peu place aux villages de bungalows et autres maisons familiales, dont le nombre passe respectivement de 2 à 11 et de 0 à 27 entre 1964 et 1972. Chaque année durant dix ans, la CCAS consacre 30% de son budget à ses investissements pour l’avenir.
L’essor des Activités Sociales reprises en main par le personnel ne se limite pas à cette accumulation de chiffres. Des offres entièrement nouvelles sont proposées aux électriciens et gaziers : vacances pour les retraités, séjours d’hiver, offres adaptées aux enfants handicapés et surtout activités culturelles et sportives, lesquelles démarrent dès 1965. S’ensuit un immense besoin d’animateurs formés (5 000 par été dès 1965, chiffre qui ne fera que croître ensuite), ce qui va conduire la CCAS à créer en 1972 l’Iforep (Institut de formation, de recherche et de promotion): la formation de ces animateurs sera ainsi nourrie des meilleures avancées de la recherche en sciences sociales.
Car la société change, et avec elle les attentes des électriciens et gaziers. Dès le dixième anniversaire de la reprise des Activités Sociales par les salariés, deux tendances lourdes sont identifiées: la fréquentation des colonies de vacances estivales diminue alors que la demande de séjours familiaux augmente; et il est difficile d’obtenir le détachement de personnels d’EDF et GDF qui pourront assurer l’encadrement des Activités Sociales en bénéficiant de la formation nécessaire. En toile de fond à ces débats, une discussion sur la conception même des Activités Sociales. En 1967, pour la première fois depuis 1964, la CFDT, la CFTC, FO et l’UNCM votent contre le projet de budget de la CCAS: ces organisations réclament l’augmentation de l’aide aux vacances versée directement aux ménages. La CGT, dont les administrateurs – majoritaires – sont les seuls à voter le budget, défend au contraire l’idée d’une organisation collective, et non individuelle, des Activités Sociales. La gestion au quotidien d’un vaste réseau de villages vacances et des milliers de salariés qui y travaillent ou y interviennent confronte aussi les fédérations au paradoxe de voir se former, à partir du début des années 1970, des sections syndicales dans une CCAS gérée par les syndicats eux-mêmes. L’effervescence sociale suivant mai 1968 ne fera qu’amplifier les contestations.
Participation des salariés des IEG à leurs Activités Sociales; appréciation de leurs dimensions collective et individuelle; contradictions inévitables de syndicats devenus employeurs: toutes ces questions nées de la reprise des Activités Sociales par les salariés restent l’objet de débats soixante ans plus tard. Mais elles ne peuvent faire oublier le formidable développement, qu’aucune autre corporation n’a connu, des Activités Sociales des électriciens et gaziers depuis 1964.
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