Svitlana Romanko : « Les importations de gaz de Russie alimentent ses crimes de guerre »

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Svitlana Romanko – © Sergii Horichok

Cesser d’acheter le pétrole et le gaz russes est le meilleur moyen de favoriser la paix et la préservation du climat, plaide Svitlana Romanko. L’avocate et militante ukrainienne appelle aussi les électriciens et gaziers français à tendre la main à leurs collègues ukrainiens dont les installations, de Kharkiv à Lviv, sont la cible des attaques russes depuis deux ans et demi.

 

Que signifie « Razom we stand », l’organisation non gouvernementale que vous avez fondée ? Quels sont ses objectifs ?

« Razom we stand » veut dire « Nous résistons ensemble ». J’ai créé cette ONG suite à la grande campagne internationale « Stand with Ukraine » lancée au début de l’invasion à grande échelle de l’Ukraine par la Russie, fin février 2022. Cette campagne rassemblant 850 organisations de 60 pays visait à interdire les importations de carburants fossiles ainsi que les investissements dans ces carburants, et de reconstruire l’Ukraine à partir des énergies renouvelables.

Nous voulons que l’Ukraine devienne un modèle de transition énergétique. Aujourd’hui, nous cherchons toujours à convaincre la France et d’autres pays comme l’Allemagne, la Belgique ou l’Espagne d’interdire les importations de gaz naturel liquéfié (GNL) en provenance de Russie, afin de mettre fin à cette guerre en Ukraine, mais aussi afin de libérer le monde des dictateurs dont les crimes sont alimentés par la vente de carburants fossiles.

Nous pensons que Poutine peut être vaincu sur le terrain économique en privant la Russie des profits qu’elle tire de ces ventes de gaz et de pétrole. C’est à la fois la paix et le climat qui sont en jeu.

 

 

 

Votre campagne contre les énergies fossiles commence-t-elle à porter ses fruits ?

Oui. En 2022, nous avons contribué à interdire les importations de charbon russe et à imposer le plafonnement du prix du pétrole russe importé par l’Union européenne (UE), même si c’est loin d’être suffisant. Notre ONG est aussi très active en Ukraine : nous avons déjà utilisé une partie des 50 milliards d’aide accordés par l’UE pour entamer la reconstruction de notre pays sur des bases plus écologiques. L’une de nos principales demandes consiste à remplacer nos centrales à charbon par des installations renouvelables. Nous avons démontré que cela est techniquement réalisable. Doucement mais sûrement, l’Etat ukrainien commence à mettre en œuvre cette politique de transition énergétique. Nous en sommes fiers.

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© WSCHÓD, Poland

Depuis le printemps dernier, la Russie s’attaque aux sites de production ukrainiens. Dans quel état se trouve le système électrique ?

La Russie a débuté sa guerre en ciblant les transformateurs, les sous-stations et les réseaux de distribution afin de provoquer une pénurie d’électricité en Ukraine. Depuis le printemps 2024, des attaques massives de drones et de missiles ciblent directement les centrales électriques, en particulier les centrales au charbon qui fournissaient du courant à de nombreuses petites villes. Les dommages sont gigantesques. Environ 90% des capacités de production d’électricité thermique ont été détruites. Et en mars dernier, la plus grande centrale hydroélectrique a été détruite. Les installations électriques alimentant les stations d’eau potable ont aussi été visées.

Le secteur de la santé est-il particulièrement affecté par ces destructions ?

Oui. Les hôpitaux ont besoin d’être alimentées continuellement en énergie. Il ne faut pas de coupure d’électricité pendant les interventions chirurgicales. Pour faire face à ces problèmes, on installe maintenant des panneaux solaires sur les hôpitaux. C’est même devenu obligatoire dans l’est et le centre du pays.

L’avantage des installations renouvelables décentralisées, c’est qu’elles ne peuvent pas être détruites facilement pas des drones ou des missiles.

L’hiver commence tôt en Ukraine. Craignez-vous que des coupures massives d’électricité et de chauffage ?

Habituellement, on allume le chauffage dès le mois d’octobre. À cause des attaques russes sur ses centrales et son réseau, l’Ukraine fait face aujourd’hui à une terrible crise. Nous sommes dans une course contre la montre et contre le froid : il faut réparer les tuyauteries endommagées, rechercher des carburants alternatifs, se procurer des tentes chauffantes, etc. Plus généralement, nous avons besoin de systèmes de chauffage géothermiques, de pompes à chaleur, de chaudières à biomasse, de chauffe-eau solaires.

 

Le 16 avril dernier, vous avez signé une tribune dans Le Monde appelant la France à venir en aide au secteur énergétique ukrainien. Que peut faire la France ?

La France continue à importer massivement du gaz russe. Elle est le premier client européen de GNL, ce qui est très choquant pour nous. Les expéditions de GNL russe vers la France ont plus que doublé au cours du premier semestre 2024.

Il y a une grande contradiction : la France paye à la Russie des milliards en échange de ce gaz et en même temps elle fournit de l’aide à l’Ukraine. Nous faisons actuellement campagne contre les importations de GNL russe en France mais les Français ne sont pas conscients de ces enjeux. Le gouvernement français, comme les autres pays développés, a échoué à prendre des décisions contraignantes contre la Russie.

Mais la bonne nouvelle c’est que la France est un des leaders en Europe en matière de production d’électricité photovoltaïque. Elle dispose également de technologies très avancées dans le domaine des réseaux intelligents et des solutions énergétiques renouvelables. C’est pourquoi nous appelons les entreprises énergétiques françaises à partager leurs compétences et à envoyer des ingénieurs et des experts pour former nos travailleurs.

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© Sergii Horichok

Comment les salariés français du secteur de l’énergie peuvent-ils aider leurs collègues ukrainiens très durement touchés par la guerre ?

Depuis février 2022, la Russie a commis 133 000 crimes de guerre en Ukraine. Beaucoup de personnes sont mortes ou ont été blessées sur la ligne de front. Il y a aussi eu beaucoup de victimes parmi les travailleurs de l’énergie. Au total, nous avons perdu entre 3,5 et 4,8 millions d’emplois, et 4,5 millions de personnes sont parties se réfugier à l’étranger.

Pour aider leurs collègues ukrainiens, les travailleurs français de l’énergie peuvent partager leurs compétences, soit en tant que volontaires, soit dans le cadre de formations en ligne.

Étant donné que beaucoup d’hommes ont été tués, nous avons aussi besoin de former des femmes au métier d’ingénieure ou de technicienne d’installation de panneaux solaires.

Enfin, si chaque salarié français pouvait donner 5 euros pour aider les hôpitaux à s’équiper de panneaux solaires, cela pourrait vraiment changer les choses.

Une autre manière de nous soutenir est de signer notre manifeste pour une nouvelle Ukraine et pour un nouveau monde et de nous aider à faire pression sur le gouvernement français : il faut interdire les importations de GNL qui alimentent les crimes de guerre de la Russie.

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© Sergii Horichok

 

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