Jeudi 13 août, au centre de tourisme d’Anglet, la CCAS proposait dans le cadre de ses rencontres culturelles un spectacle à la croisée de la danse, du théâtre et de la performance. Le duo argentin de « Un Poyo Rojo » a fait le bonheur des petits comme des grands. On y était.
Il est 21h. Alors que les vacanciers entrent dans la salle de spectacle du centre de vacances d’Anglet, le spectacle a déjà commencé. Sur scène, dans un décor de vestiaire de sport, deux danseurs s’échauffent, dos au public, sur une musique latino endiablée.
Et soudainement, la musique s’arrête. Vient le silence. Un silence assourdissant. Les deux danseurs font face à la salle, figés, le regard impassible. Partant d’une chorégraphie en petits mouvements rapides et synchronisés, façon langue des signes, les danseurs semblent petit à petit possédés tantôt par la danse classique, les acrobaties, le kung fu, le patinage artistique, le hip hop ou même le break dance. Avec pour seule musique le souffle des corps. Le moment est presque grave, on voit deux êtres qui dansent dans l’espace, pour exprimer l’indicible, pour survivre peut-être. Deux êtres qui virevoltent, qui semblent agités par des pulsions, des vents contraires.
Mais très vite, les premiers rires fusent. Ceux des enfants d’abord. Car les danseurs poussent la danse à un tel extrême, caricaturant avec brio le ballet, les danses de salon ou de boite de nuit, que le comique fonctionne. Comme dans un film de Chaplin.
Jouant avec un vieux poste de radio, les danseurs improvisent des gags dansés en jonglant entre les stations locales, façon battle. Le public est hilare. Et trouve enfin des réponses à trois questions essentielles, à savoir : comment enfiler son short sans toucher terre, quelle est la différence entre un humain et un coq, et est-il possible de chanter dans la bouche de quelqu’un. Irrépressiblement attirés l’un par l’autre, épuisés par une lutte sans merci, les deux personnages finissent par baisser les armes, dans un tendre bisou. Le public applaudit chaudement. Et gagne même un bonus hilarant. L’un des danseurs se lance dans un brillant lipsing de la chanson « éblouie par la nuit » de Zaz, animant son visage de mimiques à faire pâlir d’envie les personnages les plus dingues de Gotlib.
Rencontre avec le public
Après le spectacle, public et artistes se rencontrent autour d’un moment convivial. Les danseurs, Luciano Rosso et Alfonso Baron, arrivent souriants, accompagnés de leur metteur en scène, Hermès Gaido, et de leur équipe lumière et son. Le spectacle existe depuis 2009, a connu un gros succès en Argentine, et depuis 3 ans, les artistes tournent beaucoup en Amérique Latine et en Europe. L’an dernier, ils ont été repérés à Avignon par la CCAS, qui a décidé de les programmer dans 8 de ses centres de vacances cet été. Anglet est le dernier de la tournée. Luciano évoque la genèse de ce spectacle si particulier : « Nous sommes autodidactes. On a commencé par le sport, puis la danse, le théâtre, la musique. On touche à tout. A la base, je vivais avec mon copain et Hermès, le metteur en scène. Beaucoup de scènes de notre vie quotidienne le faisaient rire, et un jour on s’est dit qu’on allait en tirer un spectacle. Alfonso s’est greffé au projet plus tard. Pour nous, au théâtre, tout part du corps. On n’écrit pas, on joue. On essaie des choses, on improvise. »
Dans le public, des enfants, des adultes, des ados. Pourtant, leur spectacle est parfois osé, dans la provocation. « On a déjà vu des gens partir en cours de spectacle. Ou mettre une main devant les yeux de leurs enfants. Mais même ces réactions sont positives pour nous, car ça veut dire que quelque chose a touché ces gens profondément. Quand on fait de l’art, on n’a pas pour vocation de plaire à tout le monde. »
Et pourtant, ce soir, à Anglet, c’est carton plein. Amanda Couderc, conseillère à la Rochelle est venue avec sa fille Lolita, 15 ans. Elles sont à Anglet pour deux semaines : « C’était hyper étonnant. Je ne m’attendais pas à ça. J’ai été vraiment scotchée : il y avait beaucoup de souplesse, de force, et d’émotion aussi. On était surpris, tout au long du spectacle. Les moments de silence étaient très forts, ils ont réussi à faire passer plein de choses. Ça me donne envie d’aller voir des choses comme ça plus souvent. »
Même écho pour David Galibert, agent à la centrale de Blayais, à côté de Bordeaux. Il est venu avec sa femme Christelle et toute leur tribu : Lucas, Floriane, Mathis et Nolan. « C’était super ! Ils ne parlent pas, mais on comprend tout. C’est universel. Chaque génération peut prendre ce qu’il veut, il y a plusieurs registres. Même les petits ont ri. »
Un peu plus loin, Valérie et Jean-Michel Esnard discutent avec leur fille Charlène. Ils sont venus d’Angoulême en Charente. Charlène, danseuse depuis des années, est scotchée : « C’était original et surprenant, entre la danse et le théâtre. J’ai fait de la danse classique, du hip hop et du moderne jazz, et ce qu’ils ont fait, c’était vraiment très fort. J’ai beaucoup aimé la façon qu’ils avaient de pousser le comique de ces danses, de les désacraliser, c’était drôle. On n’y serait jamais allé de nous-même et pourtant, on a adoré. Alors merci la CCAS ! »
Les deux danseurs sont émus, et aussi surpris de l’accueil dans les centres CCAS : « C’est très différent de ce qu’on a l’habitude de faire. Dans un théâtre, les gens sont abonnés ou ont fait la démarche de payer leur billet. Là ils ne viennent pas à nous, c’est l’inverse. On vient les chercher sur leur lieu de vacances. C’est un beau défi, ça nous garde éveillés. C’est l’essence même du théâtre. »
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