Les Rencontres européennes du moyen métrage de Brive-La-Gaillarde (Corrèze), présidées par le comédien Jean-Pierre Darroussin, ont baissé le rideau le 19 avril. Vingt-deux films en compétition, un panorama japonais et une jeune réalisatrice récompensée trois fois. Depuis douze ans, le moyen joue dans la cour des grands.
Vingt films sur vingt-deux. Elles s’excusent presque de n’avoir pu voir la totalité de la compétition européenne. Lucette, agent en inactivité, et Michelle, le programme en main, expliquent que cette année « vraiment, la sélection est au top ». Ni vraiment cinéphiles, ni amatrices de films à grand spectacle, elles viennent ici depuis des années parce qu’elles militent pour cette promotion des jeunes créateurs. « On voit bien, dit Lucette, que les films sont faits avec des petits budgets, mais aussi avec une grande sensibilité artistique. Rien à voir avec Bienvenue chez les Ch’tis ! » Et puis, que l’on se le dise, les deux copines – soixante-dix ans passés –, qui se sont d’ailleurs rencontrées dans ces festivités, fonctionnent au coup de cœur. Le dernier ? Souvenirs de la Géhenne, une odyssée tragique et raciste dans une cité du Nord-Pas-de-Calais, qui se termine par le meurtre d’un jeune Maghrébin. « Un documentaire de société avec des gens simples qui parlent de choses simples », résume Michelle, pressée de rentrer en salle. Peut-être assisteront-elles au dialogue entre les deux cinéastes Céline Sciamma et Pierre Salvadori, prévu en fin d’après-midi, mais pas aux tables rondes ni aux ateliers. Lucette n’y tient pas, c’est trop technique et elle « n’y tâte rien ».
Fidèle parmi les fidèles, Claude Peyrie, ancien agent et bénévole au festival, est à tu et à toi avec Bernard Duroux, le directeur du Rex, cinéma Art Déco devenu la plateforme du moyen métrage et un repère pour les agents le reste de l’année. « Un partenariat permet aux bénéficiaires de prolonger un peu le festival avec des rencontres et des projections. Un peu comme ce qui se fait à Cannes », sourit Claude, dont les mains rugueuses viennent de passer quelques jours à ressortir tapis rouge et tables dans la cour du complexe d’art et d’essai. Mais d’ici la clôture, il aura atteint la quarantaine de projections-rétrospectives, hommage à René Vautier compris. « C’est vrai qu’ici on a l’impression de faire partie de la famille », commente Patrick Vialatte, président de la CMCAS Tulle-Aurillac. « Au début, c’était une affaire de spécialistes. Et petit à petit, un noyau d’agents s’est constitué. Aujourd’hui, ce rendez-vous avec les réalisateurs et producteurs est attendu tous les ans, plébiscité même par le conseil d’administration », souligne-t-il avant de remettre à Héloise Pelloquet le prix du public doté par la CMCAS. La jeune réalisatrice, fraîchement sortie de la Fémis (1), salue le geste. « Qu’est-ce que je vais faire de cet argent ? Tout simplement financer une partie de mon prochain tournage cet été », la suite de Comme une grande qui suit les turpitudes d’Imane, une adolescente habitant l’île de Noirmoutier (Vendée). Le film, qui oscille entre la fiction et la vraie vie d’une teenager à l’heure des selfie, a raflé trois prix au total.
Entre le ciné-concert organisé par la CCAS et la dotation de la CMCAS, « cela représente 8000 euros du 1% des IEG. Une aide conséquente dans une période difficile où certaines collectivités réduisent leur soutien. Surtout, ajoute Patrick Vialatte, c’est l’engagement envers nos bénéficiaires pour qu’ils puissent accéder à un cinéma différent ». Sébastien Bailly, l’ancien délégué général des rencontres, sensible à ceux qui lui ont fait confiance « alors que le projet était encore sur le papier », raconte qu’il a vu des électriciens venir au festival dès la première année. « D’abord modestement et c’est bien normal, rappelle-t-il, le moyen métrage est un format hors norme – entre trente et soixante minutes – et qui n’était reconnu nulle part ». Puis il a vu monter en puissance un intérêt. « Je dois dire que j’ai été épaté par l’ouverture d’esprit parce qu’il y a des films parfois difficiles. Mais les gens restent dans la salle, par envie de comprendre la proposition. » Avec les agents, le réalisateur estime qu’il a fait venir ce qu’il appelle le grand public.
(1) École nationale supérieure des métiers de l’image et du son de Paris
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