Rassembler résidents en séjour Bleu et petits en colonie afin de tisser des liens entre générations : voilà le principe de l’expérience originale menée au village vacances CCAS du Cap d’Agde (Hérault) en février dernier. Une semaine test pour évaluer comment concilier les emplois du temps et créer de vrais moments partagés.
En cette mi-février qui signe le début des congés scolaires, le village vacances CCAS du Cap d’Agde se remplit doucement : une dizaine de résidents en séjour Bleu (plus de 75 ans) y est déjà installée, tandis que des grands-parents en villégiature avec leurs petits-enfants arrivent peu à peu. Jusque-là, rien de très inhabituel. Mais l’atmosphère, plutôt feutrée, de la maison familiale est quelque peu bouleversée par l’arrivée d’une quarantaine d’enfants âgés de 4 à 11 ans.
Deux colos régionales ont, en effet, pris leurs quartiers pour une semaine aux côtés des résidents. Une initiative inédite qui rassemble deux publics séparés par un écart de 70 années. « L’idée est de réunir dans un même lieu les petits en colo et les personnes en séjour Bleu afin qu’ils se retrouvent autour d’activités communes, et de favoriser ainsi les échanges entre eux », explique Sara Peisson, assistante séjours activités dans le Languedoc. Il s’agit donc de jeter des passerelles entre ces deux populations, de créer des espace-temps collectifs, afin d’encourager les interactions. Voire tisser des liens.
Jardinage, médiation animale, ou simple repas sont suffisants pour provoquer les rencontres. ©Marine Poron/CCAS
Les aînés et les enfants ont tant à partager
La compagnie des enfants est plébiscitée par les anciens. « Ça fait rudement baisser la moyenne d’âge », en plaisante un groupe de mamies qui s’est formé en arrivant au Cap, depuis devenues copines. « Les enfants, ça bouge. Ça met de l’animation. Un vrai bain de jouvence », résume le groupe. Au restaurant, les bambins mettent assurément de l’ambiance… et élèvent sérieusement le niveau sonore.
« C’est une belle idée que de mêler les colos avec les séjours Bleus. Je n’ai vu cela nulle part ailleurs ! souligne Marylise. C’est sympa de proposer des activités qui nous regroupent ». Cette agente des IEG de 65 ans, bénéficiaire de la CMCAS Lorraine Sud Haute-Marne, est venue au Cap pour retrouver sa copine Annie, 80 ans, venue de la CMCAS Clermont-Le Puy en séjour Bleu. Elle aussi apprécie cette mixité des âges : « Les petits sont curieux, plus ouverts. Ils s’intéressent à tout et posent des tas de questions ».
Ce séjour intergénérationnel offre l’opportunité de décloisonner les différentes catégories de populations, de s’ouvrir les uns aux autres, d’élargir en quelque sorte le vivre-ensemble. La légèreté, la bonne humeur de la jeunesse, galvanisent les plus anciens et les obligent à sortir de leur zone de confort. Tout reste donc à imaginer.
Un atelier de médiation animale
Ce mardi, la ferme pédagogique et itinérante La ferme de Sévy, basée à une quarantaine de kilomètres du Cap, s’est installée pour la journée dans le parc. Câline et Tempête, les deux brebis, accompagnées de leurs chevreaux, mais aussi la truie Porcinette font sensation… Les 4-8 ans, tout excités, s’agglutinent autour de l’enclos pour tenter de les caresser.
Muguette, 94 ans et Paul, 90, qui trottinent lentement dans les allées, sont attirés par ce remue-ménage. Ces deux-là se sont rencontrés lors du convoyage effectué par un bénévole de leur CMCAS, depuis Gap. « On a découvert que l’on habitait à côté l’un de l’autre », annoncent-ils, en rigolant. Depuis, ils passent le plus clair de leur temps ensemble. Les séjours Bleus n’ont-ils pas vocation à rompre la solitude et favoriser les rencontres ?
Quoi de mieux que les animaux et la nature pour rassembler la colo 4-8 ans et les résidents en séjour Bleu. @Marine Poron/CCAS
D’autres mamies en promenade, étonnées de voir des animaux dans un centre de vacances, s’arrêtent pour discuter avec les enfants. La glace est vite rompue.
« Vous préparez leur repas ? C’est gentil, ils vont être contents avec tous ces légumes », lance Muguette. « Ça crie comment les moutons ? », glisse Annie. « Bêêê », s’exclament les enfants en chœur. « Savez-vous ce qu’on fabrique avec la laine ? », poursuit Juliette, 85 ans, bénéficiaire de la CMCAS Franche-Comté. Et de raconter aux gamins comment, fillette, elle filait la laine pour tricoter des chaussettes, des bonnets et des gants. Les rires fusent. Disparues, envolées, les décennies qui les séparent.
« Il y a une similitude entre les personnes âgées et les enfants », conclut Muguette. Et c’est vrai : qu’on ait 6 ou 80 ans, on s’émerveille toujours devant les animaux. C’est un sujet qui fait l’unanimité.
Ça tombe bien, les petits comme les anciens sont intarissables en la matière. « L’animal est un vecteur de communication très efficace, on peut facilement entrer en relation avec lui. C’est un moyen idéal pour restaurer la confiance en soi, ou encore pour réapprendre des gestes oubliés pour les personnes âgées ou les malades par exemple », commente Séverine Montfort, fondatrice de la Ferme de Sévy et spécialiste en médiation animale.
Des Olympiades intergénérationnelles
Pour opérer le rapprochement entre les deux populations, il convient de concevoir des activités adaptées, où chacun puisse se sentir à sa place, malgré la grande différence d’âge. Aux Olympiades intergénérationnelles, organisées le mercredi après-midi, Arlette, 83 ans et Marie-France, 80 ans, bénéficiaires de la CMCAS Valence, ont vraiment assuré.
À la pétanque, au chamboule-tout et même à la course de relais, les deux super-mamies de Montélimar ont joué le jeu jusqu’au bout. Au quizz également, où elles ont aidé les enfants à trouver les bonnes réponses.
Au Grand jeu des Olympiades, les petits et les anciens font naturellement équipe. ©Marine Poron/CCAS
« C’était agréable, un plaisir de participer ! » s’exclame Arlette. « Ils sont mignons et mettent de la vie dans le centre. Puis comme ça, on garde le contact », s’enthousiasme Marie-France. Une réelle complicité s’est instaurée pendant le jeu. « C’était marrant qu’elles jouent avec nous », juge Enzo, du haut de ses 10 ans.
« Les enfants ont tant à nous apporter. J’adore les écouter raconter leurs aventures, confie Jules, 73 ans, bénéficiaire de la CMCAS Aude Pyrénées Orientales. Au fur et à mesure, ils viennent vers nous. À nous aussi, d’aller vers eux ». Et comme il le lui avait promis, Papy Jules – ainsi que le surnomment les petits –, s’invite à la table de Tito, 9 ans, pour partager son petit-déjeuner et taper la discute.
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