Dans « Belinda », Marie Dumora dresse le portrait sensible et rayonnant d’une jeune fille qui lutte pour survivre, entre petites combines et rêves de mariage. Un film soutenu par l’Acid et la CCAS.
La première chose qui frappe chez Belinda, c’est la force de son regard. Tour à tour facétieux, vaguement mélancolique et rieur, il nous laisse lire en elle à livre ouvert. Ses doutes, ses espoirs, ses errances. L’histoire de sa vie.
Voilà plus de quinze ans que la cinéaste Marie Dumora suit la jeune femme, membre de la communauté yéniche, population semi-nomade établie, entre autres, dans l’est de la France. Elle la rencontre en 2002, sur le tournage du film « Tu n’es pas un ange », qui conte l’histoire d’enfants abandonnés et placés en foyer, dont les parcours chaotiques ne parviennent pas à étouffer la pulsion de vie qui est en eux.
Belinda, 9 ans, habite dans une institution avec sa sœur Sabrina, 10 ans. Elles ne se quittent jamais. Jusqu’au jour où Sabrina est transférée dans un autre établissement. Après ce premier film, Marie Dumora fait de l’Est sa terre d’élection filmique. Elle recroise Belinda par intermittence, au hasard de ses tournages, puis la retrouve à 23 ans, lumineuse, bouffant la vie par tous les bouts, et passionnément amoureuse de Thierry. La cinéaste décide alors de retracer son parcours à travers les bribes de séquences tournées en pointillé tout au long de ces années.
On la suit ainsi à travers trois âges de sa vie : l’enfance dans le foyer, les fugues, le patin sur les lacs gelés d’Alsace ; l’adolescence, tirant déjà vers l’âge adulte, puisque responsable d’une ribambelle de bambins issus de la tribu familiale retrouvée ; enfin la vingtaine, l’amour, la petite délinquance, le mariage. Belinda ne lâche rien. Jamais. Malgré les obstacles, les désillusions, son séjour en prison ou ceux de ses proches. La clope au bec, pendue en permanence au téléphone pour tenter d’abolir les distances, c’est une passionnée, qui court pour rattraper le temps perdu en « conneries » [petits délits, ndlr], s’échine à trouver le chemin du bonheur.
Saga familiale
À travers le parcours de Belinda, c’est le destin de tout un clan qui est mis au jour. Les liens y sont puissants, au point de conduire Belinda elle-même en prison, pour un motif follement romanesque : elle monte une arnaque aux faux PV pour rassembler la somme nécessaire à son mariage. Elle sortira de détention avant son compagnon, et on suivra avec bonheur cette héroïne de tragédie grecque, sorte de Pénélope attendant son Ulysse durant de longs mois, toujours digne et droite.
Si le milieu est modeste, aucun misérabilisme dans la façon de filmer de Marie Dumora. La pitié ne l’intéresse pas. Elle préfère la détermination de ses personnages, ainsi que leurs moments lumineux qui, toujours, se déroulent en famille. Ce n’est probablement pas par hasard. Les Yéniches appartiennent à ces minorités nomades persécutées et déportées durant la Seconde Guerre mondiale, ce qui a renforcé leur cohésion dans les familles, les villages. C’est cette petite histoire dans la grande, associée à une rage de vaincre et à une joie contagieuses, qui font de Belinda une guerrière des temps modernes, fougueuse et attachante.
L’Acid : donner une chance à tous les films d’être vus
Ce film bénéficie du soutien de l’Association du cinéma indépendant pour sa diffusion (Acid). Née en 1992, l’Acid est une association de cinéastes qui œuvre à rendre accessible le cinéma indépendant à tous les publics, en lien avec l’action culturelle de proximité. En cela, elle partage la philosophie de la CCAS, dont elle est partenaire. Afin d’offrir une vitrine aux jeunes talents, l’Acid présente une programmation au Festival de Cannes, et au festival Visions sociales de la CCAS.
Site Internet : http://www.lacid.org/
Plus d’infos sur ce partenariat sur ccas.fr
La fiche
« Belinda », documentaire de Marie Dumora
France, 2017, 1h47 min
Sorti en salles le 10 janvier 2018
Production : Gloria Films, Les Films d’Ici, Quark Production et Digital District
Distribution : New Story