Cinq ans après le succès d’ »On lâche rien », le chanteur du groupe HK & les Saltimbanks, Kaddour Hadadi, n’a rien perdu de son désir d’éveiller les consciences.
Quel a été votre parcours ?
J’ai commencé la musique à 16 ans. Mon premier groupe, fondé au milieu des années 1990 à Roubaix où je suis né, s’appelait « Juste cause ». On faisait du rap conscient, engagé, avec déjà à l’époque une attention particulière à la musicalité et un goût de l’éclectisme : on aimait mélanger des samples de chansons françaises, de vieux standards de blues, de soul et de musique traditionnelle. Il y avait déjà cette curiosité musicale… Nos textes racontaient notre réalité et nos révoltes, mais on a toujours voulu aussi éveiller les consciences sur des problèmes plus larges. Nous nous sommes inspirés de cette fameuse maxime issue du Conseil national de la Résistance : « Créer c’est résister, résister c’est créer », pour inventer notre propre devise : « Faisons de nos vies une oeuvre d’art et de notre art une oeuvre de résistance ».
Quand avez-vous commencé à percer ?
Le déclic s’est produit en 2005 quand nous avons fondé le groupe MAP (Ministère des affaires populaires). C’est à ce moment-là que nous avons obtenu notre première « reconnaissance » professionnelle, couronnée par une « révélation » au Printemps de Bourges en 2006 qui nous a permis de sortir notre premier album dans la foulée. En 2009, HK & les Saltimbanks est né, et la chanson « On lâche rien », devenu l’hymne des manifestations, nous a valu un grand succès populaire.
Comment est né ce titre ?
On était en pleine époque Sarkozy. Il venait de déclarer à propos d’un conflit social : « Quand il y a une grève en France, on ne s’en aperçoit même pas. » Ce mépris envers des ouvriers qui acceptent de perdre une partie de leur maigre salaire pour défendre leurs droits, je ne l’ai pas supporté. La chanson est sortie d’un seul jet, comme on crache une colère.
Vous êtes aussi écrivain, Néapolis (1), votre deuxième roman, vient de paraître, il y est question de la Palestine, même si vous avez fait le choix de ne pas nommer le lieu où se déroule l’action…
Je suis allé en Palestine en 2007 lors d’une tournée avec MAP. C’est une expérience humaine unique, durant laquelle on constate de visu l’injustice et l’arbitraire de l’occupation. Paradoxalement, on rencontre des hommes, des femmes, des enfants qui ont grandi dans des camps de réfugiés, dans cette prison à ciel ouvert et qui, malgré tout, ont des étoiles plein les yeux… Je voulais trouver un moyen de faire partager ce sentiment-là sans entrer dans de vaines polémiques ou déchaîner les passions. Par la fiction, c’est possible ! J’ai choisi de mettre en scène un personnage amnésique ; il est donc sans a priori, sans préjugés et porte un regard « neutre » sur ce qu’il voit. C’est aussi une invitation à ne croire personne sur parole et à se rendre sur place pour forger son opinion.
On vous a vu sur la grande scène de la dernière fête de l’Humanité pour un concert dédié au peuple palestinien. Quel souvenir gardez-vous de ce moment ?
J’étais heureux et fier de jouer avec le groupe Gaza Team, des rappeurs de Gaza, car ils étaient les plus légitimes pour porter cette parole forte de solidarité envers leur peuple. La soeur de l’un des membres du groupe a été tuée cet été par un bombardement israélien. C’était particulièrement émouvant pour lui de pouvoir chanter en pensant à elle devant des dizaines de milliers de personnes.
(1) Éd. Riveneuve, 10 euros.
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