Que se passera-t-il si l’humanité poursuit son mode de développement actuel ? Que faire pour éviter l’emballement climatique ? Alors que débute la COP 21, rencontre avec Valérie Masson-Delmotte (1), climatologue au Laboratoire des sciences du climat et de l’environnement (2), élue femme scientifique de l’année en 2013.
« Si rien n’est fait pour réduire l’effet de serre lié aux activités humaines, nous irons à la fin de ce siècle vers un réchauffement moyen supérieur à 4°C par rapport à l’ère préindustrielle », écrivez-vous dans l’ouvrage collectif « Crime Climatique, STOP ! »
Nous sommes déjà dans une situation où ce sont les activités humaines qui sont les principales responsables du réchauffement observé depuis les années 1960. L’évolution future du climat dépend de l’ensemble des rejets de gaz à effet de serre (et surtout de dioxyde de carbone) passés, présents et à venir. Donc si on continue chaque année à émettre davantage de gaz à effet de serre, on peut s’attendre à une forte accélération du changement du climat avec toutes ses conséquences. Nous avons eu 0,8°C de réchauffement en cent ans. Et si on continue, on s’attend à 4°C de plus en cent ans. Ça nous amènerait à un niveau de températures qui n’a pas été connu depuis plusieurs millions d’années. Et ce serait aussi exceptionnellement brutal par rapport au rythme naturel du climat. Il faut savoir par exemple qu’entre une période glaciaire et une période chaude – c’est le plus gros changement que notre espèce ait connu -, il y a seulement 5°C d’écart en moyenne, et ces variations là se sont faites naturellement, avec un rythme de l’ordre de 1°C tous les mille ans. On est donc face à un risque de changement sans précédent par rapport aux capacités d’adaptation des écosystèmes, d’une part, et d’autre part devant un défi majeur parce qu’on est sept milliards de sédentaires aujourd’hui.
Quelles seraient les conséquences possibles d’un tel réchauffement ?
On s’attend à des impacts graves, généralisés et potentiellement irréversibles. Il y a des enjeux en termes de sécurité : un renforcement des événements météorologiques extrêmes (vagues de chaleur, fortes précipitations, submersion côtière) avec l’effet croisé de la montée du niveau des mers. L’enjeu est particulièrement important pour toutes les zones côtières. Avec 4°C de réchauffement, on ne peut pas exclure un risque de montée du niveau des mers de l’ordre du mètre à la fin du siècle. Ensuite, on s’attend à des conséquences en termes de sécurité alimentaire : les vagues de chaleur, par exemple, ont des effets qui contrarient les rendements agricoles. Il y a des risques de pertes d’écosystèmes, en particulier les coraux qui sont particulièrement exposés. Et des conséquences attendues sur les activités humaines qui dépendent de ces écosystèmes. Avec le constat que les populations les plus vulnérables sont les plus pauvres, que ce soit dans les pays du Sud ou dans les pays riches. Ceux qui vivent dans les zones à risque et qui n’ont pas les moyens de reconstruire suite à des dégâts importants sont les plus menacés.
Cela veut-il dire qu’il faut agir très rapidement pour éviter un emballement du réchauffement climatique ?
La vraie difficulté, c’est qu’il ne suffit pas de stabiliser les rejets de gaz à effet de serre pour stabiliser le climat. Si nos rejets restent les mêmes au niveau mondial, alors la concentration va continuer à monter dans l’atmosphère et le climat va continuer à changer de plus en plus vite. Il faut donc vraiment que ces rejets diminuent pour arriver à stabiliser le climat d’ici une cinquantaine d’années. Il y a vraiment des enjeux de temps long et de délai entre ce qu’on fait maintenant et les conséquences. Par exemple, si on veut limiter le réchauffement à 2°C (c’est l’objectif que se sont fixés les gouvernements et c’est inscrit dans les traités internationaux), il ne faudrait pas rejeter au total plus de 3200 milliards de tonnes de CO2 dans l’atmosphère. Or, on en a déjà rejeté plus de 2000 milliards entre 1750 et aujourd’hui. La marge de manœuvre est étroite. Cela veut dire par exemple que si nous restons au niveau des émissions de gaz à effet de serre de l’année 2014, si nous ne changeons rien, nous aurons atteint dans 20 ans ce cumul de rejets maximum. C’est cela qui indique le caractère d’urgence. Sachant que dans les rejets historiques de gaz à effet de serre il y a bien sûr une responsabilité plus grande des pays les plus développés. Ce point-là est au cœur des négociations de la COP21.
Les années qui viennent vont donc être cruciales.
La question, c’est à quelle vitesse on enclenche une trajectoire. Comment faire pour accélérer la baisse des rejets de gaz à effet de serre des pays riches et faire en sorte que les pays du Sud construisent leur développement ? C’est dans ces pays du Sud que se trouvent les populations jeunes, celles qui ont besoin d’un accès à l’énergie. Comment fait-on en sorte qu’ils construisent leur développement sans énergie carbonée, le plus vite possible ? Il faut accélérer les changements qui sont déjà à l’œuvre dans les pays riches et infléchir les trajectoires de développement des pays du Sud avec les technologies dont on dispose aujourd’hui, en construisant les systèmes financiers et les systèmes internationaux qui permettent leur déploiement.
Vous avez signé l’appel « Laissons les fossiles dans le sol pour en finir avec les crimes climatiques. » Quel est le sens de votre contribution ?
A titre personnel, je ne peux pas couper mon cerveau en deux et avoir d’une part mon activité scientifique et d’autre part rester muette sur le plan personnel. Les sciences du climat nous indiquent qu’il faut laisser la plupart des énergies fossiles dans le sol ou les exploiter sans rejeter de gaz à effet de serre, sinon il sera tout simplement impossible de maîtriser l’évolution du climat. Personnellement, j’ai interrogé ma propre banque qui est une banque coopérative. Je pense que souvent les gens n’ont pas la perception que leur petite épargne peut être utilisée soit du côté des problèmes (épargne investie pour continuer l’exploitation des énergies fossiles), soit du côté des solutions : c’est plus compliqué, plus délicat, parfois plus risqué, mais chacun a vraiment une marge de manœuvre importante avec un effet multiplicateur quand l’action est collective.
Avez-vous l’impression que les climatologues sont entendus par les gouvernements ?
Cela dépend des pays, des gouvernements. J’ai vraiment le sentiment qu’il y a une prise de conscience dans l’ensemble de la société. Mais il y a aussi beaucoup de réticences à cette prise de conscience parce que cela implique un changement. Ce qui est important c’est de voir où sont ces freins : qu’est-ce qui nous empêche de regarder en face ce constat scientifique (le réchauffement climatique) qui a déjà été établi il y a une vingtaine d’années et qui s’affine petit à petit ?
(1) Auteur de « Climat : le vrai et le faux » (ed. Le Pommier, 2011)
(2) Rattaché au Commissariat à l’énergie atomique (CEA)
Nous voulons presque tous sauver le climat. Il faut donc le plus rapidement possible, remplacer les énergies fossiles par des énergies renouvelables (et propres) et changer de modèle de société :plus juste répartition des richesses , moins productiviste, moins gaspiller. Question qui fâche: le tarif agent ?
Personnellement, j’essaie d’économiser le gaz et l’électricité mais pour faire mieux , je devrais investir dans l’isolation de mon logement. Incitation inverse avec notre tarif.Je suis pour une prime égale moyenne par ayant-droit en compensation de notre acquis mais que l’on paye le tarif normal.