Dans un documentaire sensible et lumineux, Christian Sonderegger nous livre l’histoire de son demi-frère, Coby, né Suzanna, au sein d’une famille américaine traditionnelle du Middle West américain. Un mélange des genres réussi, soutenu par l’Acid et la CCAS.
Le gyrophare d’une ambulance déchire la nuit. À l’intérieur, une équipe d’infirmiers urgentistes tente de stabiliser un nourrisson en détresse respiratoire. L’un deux se fait appeler Coby. Gestes précis, rapides, technique maîtrisée, à la seconde près. Ne manque plus que la bande-son trépidante pour se croire plongé au coeur d’une série médicale à la « Urgences » ou « Grey’s Anatomy ».
Ainsi débute « Coby », le documentaire de Christian Sonderegger promu par l’Acid et la CCAS, sans que le spectateur qui n’aurait pas lu le synopsis puisse se douter un seul instant de son sujet. Cette séquence introductive indique d’emblée le parti pris du film : loin d’une étude sociologique sur la transition (terme qui désigne l’évolution sociale, médicale et administrative d’un genre à l’autre), il s’agit avant tout d’un récit de vie, de l’histoire d’un individu pris dans sa globalité. Coby est un être humain, pas un sujet de société. On le découvre donc dans son quotidien, d’abord dans l’exercice de son métier, puis dans sa vie de famille.
Coby est né fille, dans une bourgade perdue du Middle West américain. Une petite fille perpétuellement en colère, en rébellion contre l’apparition progressive des marqueurs de sa féminité. À l’adolescence, il décide d’entamer son processus de transition, et procède à des injections régulières de testostérone, puis à une mastectomie, pour masculiniser sa poitrine. Accompagné par toute sa famille et soutenu à bout de bras par Sarah, sa petite amie, Coby est aujourd’hui un jeune homme apaisé, souriant, posé, à l’aise dans ses baskets. À 23 ans, il peut commencer à vivre la première année du reste de sa vie.
S’extraire de tous les stéréotypes
« Coby » pourrait être vu comme le pendant masculin du film « Finding Phong », Swann Dubus et Tran Phuong Thao, sorti il y a quelques semaines (lire notre chronique), qui retraçait le parcours d’un jeune Vietnamien ayant effectué sa transition pour devenir femme. De fait, la construction des deux œuvres présente de nombreuses similitudes : les interviews des proches du/de la protagoniste sont ponctuées de séquences d’archives vidéo que chacun.e a postées sur Youtube tout au long du processus. Les conséquences sur l’entourage sont également abordées ouvertement.
Mais là où Phong se montrait extravertie, expansive et affichait sa différence, Coby cherche à se fondre dans la masse. Et son « passing » (capacité d’une personne transgenre à apparaître aux yeux des autres comme celui ou celle qu’il a choisi d’être, sans que l’on ne devine qu’il y a eu transition) est plutôt réussi. Pour qui ne les connaît pas, Coby et Sarah sont un couple hétérosexuel tout ce qu’il y a de plus commun. Christian Sonderegger souhaite en effet ouvrir son film à un large public, non restreint à la communauté LGBT : c’est aussi pour cette raison qu’il choisit de faire pénétrer doucement le spectateur dans l’univers de Coby, de sorte qu’il apprenne à le connaître, qu’il puisse se dire que ce garçon pourrait être son ami ou son propre frère.
Les souffrances du jeune homme et les réticences initiales de la famille ne sont pas éludées, mais le réalisateur cherche à susciter l’empathie du public plutôt que l’apitoiement. Et une fois le choc de la révélation passé, les parents de Coby et son frère se révèlent des soutiens indéfectibles, faisant ainsi exploser le stéréotype de la famille américaine rurale et conservatrice, voire carrément « beauf ». La transition de Coby fait évoluer ses proches, elle libère une énergie nouvelle qui circule entre eux. Comme si ce parcours intime avait transcendé toute la famille.
La fiche
Un documentaire de Christian Sonderegger
France, 2017 – 1 h 17 min.
Production : Moïra Chappedelaine Vautier (Ciaofilm). Distribution : Epicentre Films.
L’Acid : donner une chance à tous les films d’être vus
Ce film bénéficie du soutien de l’Association du cinéma indépendant pour sa diffusion (Acid).
Site Internet : www.lacid.org
Plus d’infos sur ce partenariat sur ccas.fr
Née en 1992, l’Acid est une association de cinéastes qui œuvre à rendre accessible le cinéma indépendant à tous les publics, en lien avec l’action culturelle de proximité.
En cela, elle partage la philosophie de la CCAS, dont elle est partenaire. Afin d’offrir une vitrine aux jeunes talents, l’Acid présente une programmation au Festival de Cannes, et au festival Visions sociales de la CCAS.
Tags: Acid Cinéma Droits LGBT Festival de Cannes