Si la préhistoire est l’adolescence de l’humanité, alors les jeunes en colo à Domme (Dordogne) en ce mois de juillet 2015, sont en parfaite connexion avec leurs ancêtres chasseurs-cueilleurs des bords de la Vézère.
Au programme de ce groupe de jeunes âgés de 15 à 17 ans en séjour au cœur de la Dordogne : cinéma, préhistoire, spéléologie et activités nautiques. La semaine avait débuté par une visite à Lascaux, « complètement impressionné par toutes ces peintures et ces dessins géants » se rappelle Julian. Un beau show néandertalien ! Mais encore insuffisant, car on ne gravit pas les quelque 500.000 barreaux de l’échelle du temps de la préhistoire sans préparations, ni repères indispensables pour apprécier ce vaste panorama temporel. La semaine suivante s’ouvre sur une visite du pôle international de la préhistoire, aux Eyzies-sur-Tayac, capitale mondiale des « âge farouches ».
Ici, notre groupe est en terre familière. Depuis l’année dernière, un partenariat avec les Activités Sociales et les CMCAS de la région a été scellé avec les deux grandes institutions culturelles des Eyzies : le pôle international et le Musée national de la préhistoire. Leur séjour, d’ailleurs en est directement issu. Une belle occasion de mettre en boîte les impressions des visiteurs sous la direction du cinéaste Yves Gaona’ch, pour la réalisation du film final. Le séjour est basé sur l’autonomie de ce groupe de 14 jeunes, qui prennent complètement en charge leur vie quotidienne, sous la direction de leur directeur Jean Le Fort, jeune prof de 26 ans : « je suis fils d’agent et j’ai fait pas mal de colos avant de devenir encadrant. C’est un grand plaisir ».
Un bal des pompiers et une nuit plus tard, toute la bande, est accueillie dans le joli jardin du centre des Monuments nationaux par Cécile Gizardin, universitaire éclairée et pétulante animatrice conférencière, pour un atelier archéologique, au pied de la haute falaise qui se dresse à l’aplomb du village. Le centre surplombe le cours de la Beune, affluent de la Vézère, et le vaste cirque cerné de parois calcaires où se nichent des dizaines d’abris préhistoriques, ornés pour la plupart, qui ont valu à la vallée d’être classée au patrimoine mondial de l’Unesco.
Dans l’atelier, aux murs de pierre encore frais, la réplique d’un carroyage pareil à ceux que mettent en place les archéologues sur un site de fouille, quadrille un tapis de sable en-dessous duquel sont enfouis les fac-similés des restes types de présences humaines. La bande ne perd pas une miette des explications, des commentaires et des anecdotes de Cécile dont la passion et le talent n’enlèvent rien à la rigueur scientifique. Un régal. C’est parti pour deux heures de chantier et… de tournage.
On se relaie, avec recueillement, à la caméra et à la perche son pour enregistrer le travail réalisé au pinceau et à la petite pelle des amis vraiment très concentrés. Peu à peu, les vestiges pédagogiques émergent. Les commentaires aussi. Côme déplie son double mètre, pour rappeler que « les chevaux, si présents en Eurasie, avaient pourtant presque totalement disparus d’Amérique » déclare-t-il. Et d’ajouter, une côte attribuée à un équidé à la main « oui, la préhistoire c’est ma passion ! ». On sourit : Côme est un chouette mec.
Coralie approche doucement la caméra de Clara, penchée sur son « carré ». Comme nous l’affirmera plus tard Yves le cinéaste : « naturellement et avec beaucoup de talent, elle nous a fait une image conforme, au « nombre d’or », comme ça ! C’est rare ». C’est aussi cela la colo : un révélateur.
Cécile, juchée au-dessus du plan de fouille en équilibre sur un large bastaing, fait le point des découvertes : « ici, qu’est-ce qu’a découvert Paola ? un foyer. On voit nettement la trace noire qu’a laissée la combustion ». Une diversion vers les pièges de la datation que les mouvements géologiques peuvent venir perturber, intervertissant joyeusement les couches l’une sur l’autre. « Comment dater notre fouille ? questionne Cécile. Voyez la découverte d’un harpon plat par Anatoli qui ne s’attendait pas à détenir la clé du problème. Le harpon est plat, donc en bois de cerf. Les rennes ont disparu à la dernière glaciation. Les os des cerfs qui les remplacent il y a 10.000 ans, fourniront des harpons ronds ».
Cécile rappelle à quel point « L’archéologie préhistorique a besoin de l’interaction et de l’échange d’autres spécialités comme la médecine, la physique». On passe de la législation de l’archéologie, aux récentes découvertes ; de la représentation symbolique au magdalénien, aux premières sépultures ; de l’aiguille à chas à l’invention de la soupe ! La philosophie n’est pas en reste : « de toutes les espèces d’hominidés qui vivaient sur la planète, une seule est demeurée : la nôtre, celle des homos sapiens ; les races n’ont pas de fondement et seule l’adaptation à son milieu a fondé les différences physiques et culturelles ». Les questions fusent : « notre espèce va-t-elle disparaître ? » s’interroge Vincent.
« Une nouvelle ère s’ouvre, celle de l’anthropocène », répond Cécile. Celle où l’homme devient directement partie prenante de la survie de son milieu et de lui-même ». Trois heures ont passé. Toutes les interrogations trouveront leurs réponses quelques jours plus tard, à deux pas, dans la visite de l’abri Pataud et dans les galeries du Musée national. En attendant, place à une descente de la Dordogne en paddle et à deux jours de rando-bivouac en canoë…
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