Basée sur des règles orthographiques plus neutres et égalitaires, l’écriture inclusive suscite la polémique.
C’est un point, un petit point dansotant sur les lignes d’un manuel de CE2 qui a allumé la polémique qui agite la France depuis septembre. Un « point médian (·) » suspendu entre « la fin de l’invisibilisation des femmes » et le « péril mortel ». Car péril en la langue de Molière il y aurait pour les Immortel·les qui ont fustigé une « aberration ». Et au fil des débats, on a entendu parler de « charabia », de « délire » et d’« agression de la syntaxe »… Fichtre ! De l’autre côté, les tenant·es de l’écriture inclusive, puisque tel est l’objet de la controverse, parient sur cet outil de promotion de l’égalité entre femmes et hommes.
Accord sensible
L’écriture inclusive ne saurait cependant se résumer à ce point de la discorde. Cette graphie nouvelle, qui inclut les femmes dans la langue en les rendant grammaticalement visibles, est le fruit de pratiques militantes féministes remontant aux années 1970. Le temps de peaufiner cette arme égalitaire qui comporte plusieurs volets pour un seul objectif : rendre aux femmes la place qui leur revient, dans la langue comme dans la société. Premier volet : la féminisation des noms de métiers et de fonctions. Deuxième volet : ne plus se contenter du terme masculin, censé être générique, mais mentionner aussi les femmes. Par exemple : « les salariés des IEG » deviennent « les salariés et les salariées des IEG » ou, autre possibilité, « les salarié·es des IEG ». Troisième préconisation : proscrire, pour les accords en genre, la fameuse règle serinée à des générations d’élèves, à savoir « le masculin l’emporte sur le féminin ». Et adopter l’accord de proximité, avec le substantif le plus proche. Par exemple : « Il portait des gants et une cravate vertes. » Ou bien encore, l’accord de majorité : « Un bouquet composé d’une dizaine de roses et d’un iris blanches. »
« Le langage structure notre pensée »
C’en est trop, s’insurgent les détracteurs qui dénoncent une entreprise de féminisation de la langue à marche forcée. Car l’Académie l’affirme, on ne peut légiférer en matière de langue. C’est pourtant ce qui s’est passé au XVIIe siècle, rappelle l’historienne Éliane Viennot, avec la masculinisation de la langue menée par la vieille dame du Quai Conti. En effet, jusqu’à cette date, on disait autrice, administresse, peintresse, charpentière… Et on pratiquait l’accord de proximité. Pour preuve, ce vers de Racine : « Armez-vous d’un courage et d’une foi nouvelle. » Il s’agit donc de « nouveautés bien anciennes ! » ironise Éliane Viennot, qui constate que nous avons en la matière trente ans de retard sur le Canada, la Belgique et la Suisse. Et elle ajoute : « Le langage structure notre pensée : il ne fait pas que la refléter, il l’oriente ! ».
Une question en guise de conclusion, cher·ère lecteur·rice : aviez-vous noté que depuis quelques mois déjà le Journal des Activités Sociales appliquait cette graphie inclusive ? Non sans tâtonnements certes, car il n’est pas si aisé de changer des habitudes enracinées depuis l’école primaire. Quoi qu’il en soit, nous n’avons reçu – quasiment – aucun courrier à ce sujet ! Nous voulons croire que c’est parce que ce choix vous paraissait aller de soi.
Ils et elles le disent
« Une langue n’est jamais neutre »
Florence Marois, 62 ans, retraitée de RTE, CMCAS Toulouse
« Pourquoi devrait-on dire « directeur de cabinet » pour une femme alors que « directrice d’école » ne choque personne ? Toutes les évolutions rencontrent une résistance, mais la langue est vivante et évolue aussi sous l’effet des associations, des forces sociales… Une langue n’est jamais neutre, c’est pourquoi je suis favorable à l’écriture inclusive. Mais il faut y aller en douceur, progressivement. Et surtout il ne faut plus enseigner cette règle sexiste du masculin qui l’emporterait sur le féminin ! »
« La langue française est un patrimoine »
Stéphane Feron, 52 ans, formateur en CNPE, CMCAS Ardennes Aube Marne
« Imaginez un roman en écriture inclusive, ce serait illisible ! Je suis un amoureux de la langue de Molière, de sa beauté, de son harmonie, et je ne vois aucune raison de la compliquer inutilement, juste pour céder à une mode. Il y a bien d’autres combats à mener pour promouvoir l’égalité, celui des salaires notamment. La langue française est un patrimoine, laissons à l’Académie française le soin de la faire évoluer sans la défigurer, en la respectant. »
Pour aller plus loin
« Guide pratique pour une communication publique sans stéréotype de sexe », téléchargeable sur le site du Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes.
« Non, le masculin ne l’emporte pas sur le féminin ! Petite histoire des résistances de la langue française », d’Éliane Viennot, éditions iXe, 2014, 128 pages, 14 €
Quand j’ai lu votre article sur le point médian j’ai cru à une grosse blague ! est ce que nos enfants vont vraiment apprendre ça à l’école ? mais c’est n’importe quoi !
Ne parlons pas de la difficulté et de l’inconfort de lire les phrases avec ce point (c’est comme quand on met tous les 3 mots des E entre ( ) pour accorder au féminin) mais en plus les règles d’accord
de proximité ça dépasse tout entendement !
Je suis une femme et je suis d’accord pour une égalité entre hommes et femmes, mais une femme reste une femme et un homme reste un homme. Il faut de l’équilibre en tout.
Ces féministes font un tort considérable dans la société. Elles ont des problèmes d’identité ou que sais je, et bien qu’elles les règlent au lieu d’imposer à tout le monde des idées complètement loufoques !
Quand on est bien dans ses baskets on s’en fiche de dire qu’on est professeur ou auteur au lieu de dire professeurE ou auteurE. Je trouve ça très choquant quand je le vois écrit comme ça. Ca n’enlève rien à l’identité des femmes de ne pas mettre le E !
Et comme le dit si bien Stéphane Feron dans votre article, bonjour les dégats pour lire un roman avec le point médian ! je lis beaucoup mais si on en arrive là je n’ achèterai plus de livres, je trouve ça dramatique