Après les performances des athlètes français aux Jeux paralympiques de Pyeongchang, Emmanuelle Assmann, agente EDF et présidente du Comité paralympique et sportif français, se livre. Pour l’ancienne escrimeuse, cet élan doit nourrir les réflexions autour de la pratique sportive et de la question du handicap dans la société.
Avec une quatrième place au rang des nations et 20 médailles, quel bilan tirez-vous de ces Jeux ?
Je suis à la fois heureuse et fière ! L’équipe de France a été à la hauteur de ses ambitions et de son potentiel, et ce dans un esprit collectif. C’est une belle paralympiade qui s’achève avec des résultats à la clé et aussi une médiatisation extraordinaire (14 millions de téléspectateurs sur France Télévisions) et appréciable de l’événement.
Comment analysez-vous cette progression dans les résultats ?
C’est sans doute la confirmation de la stratégie que l’on avait mise en place lors des Jeux de Sotchi, en 2014. En partant avec une équipe paralympique resserrée pour viser ainsi le podium. De plus, la Fédération française handisport a aussi mis les moyens durant ces trois années de préparation. Notamment au niveau de l’encadrement et du nombre de stages qui ont été renforcés. Et puis nos leaders, Marie Bochet et Benjamin Daviet, ont confirmé leur talent, et des jeunes, comme Arthur Bauchet, se sont révélés. Ce qui a créé une véritable osmose dans ce collectif. Il faut rappeler que nous avons quand même sept médaillés sur onze athlètes !
Porte-drapeau de la délégation française, Marie Bochet, 24 ans, est revenue de Pyeongchang avec quatre médailles d’or.
Sur place, en Corée du Sud, avec Laura Flessel, ministre des Sports, et Sophie Cluzel, secrétaire d’État chargée des Personnes handicapées, avez-vous abordé la question du manque de moyens pour la pratique sportive des personnes en situation de handicap ?
On travaille avec la ministre au quotidien. Et on mesure l’ampleur de la tâche qu’il reste à accomplir. Car il faut avouer que cette belle réussite sur les Jeux d’hiver n’est pas forcément annonciatrice de succès pour les Jeux d’été… Les moyens que la Fédération française handisport a mis en œuvre pour ces jeux ne seront pas les mêmes pour les Jeux d’été, où il y a beaucoup plus de disciplines et d’athlètes !
Mais au-delà des moyens financiers, il est nécessaire de renforcer les moyens humains. Le mouvement paralympique fonctionne toujours avec une majorité de bénévoles… Et je pense qu’on est à la limite de l’exercice, face à une concurrence très forte et des pays qui, eux, se structurent et se renforcent de mieux en mieux. À nous de faire pareil, et on y travaille ! Notamment dans la préparation de Paris 2024.
Vous y pensez déjà ?
Oui, forcément. Pour ces Jeux, l’objectif sera double. Avoir une équipe de France performante, mais aussi faire en sorte que cet événement soit un accélérateur de changements, c’est-à-dire qu’il permette de faire évoluer le regard que notre société porte sur le handicap et d’améliorer l’accessibilité des infrastructures (sportives et transports).
Il s’agit de démontrer que les personnes en situation de handicap sont des acteurs à part entière de la société. Laquelle ne peut apporter des richesses que si elle est diverse. Si on se ressemblait tous, cela n’aurait pas grand intérêt ! Aussi, il faut intégrer les personnes en situation de handicap dans la construction de notre société au niveau professionnel, sportif…
Marie-Amélie Le Fur, agente EDF et triple médaillée aux Jeux paralympiques de Rio de 2016 (dont 2 médailles d’or), où elle a battu le record du monde de saut en longueur et au 400 mètres.
Le partenariat entre la CCAS et la Fédération française handisport est bien ancré depuis des années. Quels enseignements en tirer selon vous ?
Il faut d’abord saluer cette vraie volonté de pouvoir proposer des activités sportives sur les centres de vacances ainsi qu’aux personnes en situation de handicap. Car les répercussions sont visibles et réelles, y compris dans l’entreprise. En tant qu’agente EDF, je n’ai jamais eu l’impression que mon handicap était un frein. Au contraire, je suis accueillie avec mes compétences et mes capacités. D’ailleurs d’autres paralympiens travaillent dans le groupe, comme Marie-Amélie Le Fur, Cyril Moré, Émeric Martin…
Or, je crois que c’est dans l’expérience commune que l’on abolit à la fois les peurs et les poncifs. Pour le Comité paralympique comme, je pense, pour la CCAS et la Fédération française handisport, le cœur de notre mission, c’est de favoriser la pratique sportive des personnes en situation de handicap. Pour ma part, j’ai choisi le sport afin d’être autonome, de ne pas être tributaire et dépendante des autres. Mais les vertus sont multiples, il faut surtout avoir à l’esprit que le sport n’est pas réservé à une élite.
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