Principale cause du réchauffement climatique, les émissions de CO2 issues des énergies fossiles étaient dans le viseur de la COP26, organisée à Glasgow, en Écosse, du 31 octobre au 12 novembre. Pas sûr, néanmoins, que la ruée vers les énergies renouvelables suffise à contenir la hausse du mercure.
« Un nouveau système énergétique est en train d’émerger. Et le marché du photovoltaïque, de l’éolien, des batteries à haute performance et de l’hydrogène dépassera bientôt en taille celui des anciennes énergies. » Invité à ouvrir le 22e colloque du Syndicat des énergies renouvelables (SER), le 7 octobre dernier à Paris, Fatih Birol, directeur exécutif de l’Agence internationale de l’énergie (AIE), est l’homme du moment.
Le magazine « Time » l’a placé parmi les 100 personnalités les plus influentes du monde. Il faut dire que l’AIE a pris cette année un tournant historique : née en 1974 pour gérer l’approvisionnement mondial en pétrole, l’agence a décidé de ne pas soutenir les nouveaux investissements dans le charbon, le pétrole et le gaz. Sa nouvelle mission : promouvoir les « énergies vertes ».
Lorsque Barbara Pompili, ministre française de la Transition écologique, s’exprime à son tour au colloque du SER, elle se place d’emblée dans les pas du directeur exécutif de l’AIE : « Tous les indicateurs sont au rouge. Il faut sortir des fossiles au plus vite et développer massivement les renouvelables », notamment en « tripl[ant] notre capacité photovoltaïque d’ici à 2028 ».
Où sont les minerais de la transition ?
Miser massivement sur les énergies renouvelables et les véhicules électriques n’est pas sans risques. Certains minerais nécessaires à ces industries sont mal répartis sur la planète ou difficilement accessibles pour des raisons géopolitiques. Faut-il alors rouvrir des mines en France ?
Le sujet est explosif. Au niveau mondial, d’autres métaux pourraient tout simplement manquer à brève échéance. « Dans un scénario climatique de + 2 °C, on va consommer [d’ici à 2050] 90 % du cuivre présent dans la croûte terrestre, 87 % de la bauxite et 83 % du cobalt », prévient Emmanuel Hache, économiste et prospectiviste chez IFP Énergies nouvelles.
Dix-huit fois plus de voitures électriques en 2030 ?
Fatih Birol et Barbara Pompili ont participé tous les deux à la COP26, organisée à Glasgow du 31 octobre au 12 novembre. Objectif de cette nouvelle conférence des Nations unies sur le climat : tenter de limiter à 1,5 °C la hausse des températures en atteignant à l’horizon 2050 la « neutralité carbone » (zéro émission nette).
À l’échelle planétaire, cet objectif implique, d’ici à 2030, de multiplier par plus de quatre la capacité de production d’électricité photovoltaïque et par dix-huit le nombre de voitures électriques. Le secteur énergétique, qui génère environ trois quarts des émissions de gaz à effet de serre, est nécessairement au centre de toutes les attentions. Car, si le dérèglement climatique est irréversible, il est encore possible – et vital – de limiter son ampleur. La plupart des décideurs politiques réunis à Glasgow en sont convaincus : pour « sauver le climat », il faut mettre le paquet sur l’innovation technologique. Passer d’une croissance économique climaticide à une croissance vertueuse.
Pour y parvenir, ils comptent sur les progrès à venir en matière d’efficacité énergétique (transports, bâtiment, industrie, etc.) et de captage et stockage du CO2. Ce « marché [est] promis à une croissance exponentielle », se réjouit Sylvie Cornot-Gandolphe, consultante en énergie et autrice d’un récent rapport sur le sujet.
Mais ces technologies de captage et de stockage sont aujourd’hui inoffensives au regard des milliards de tonnes de gaz à effet de serre que l’activité humaine dégage chaque année dans l’atmosphère. Surtout, les solutions technologiques risquent d’être très insuffisantes face au mur climatique qui se présente devant nous. Elles ne remettent en cause ni notre mode de vie ni les inégalités d’accès à l’énergie. Elles ne nous incitent pas non plus à moins consommer. La sobriété est pourtant préconisée par un nombre croissant d’organismes et d’entreprises. Comme l’Ademe – l’Agence de la transition écologique – ou le Réseau de transport d’électricité (RTE).
Prospection frénétique dans le Grand Nord
L’histoire des énergies est davantage une histoire d’addition que de transition. Le charbon ne s’est pas substitué au bois, pas plus que le pétrole n’a éclipsé le charbon. Combien de temps faudra-t-il pour que les énergies « décarbonées » (hydraulique, nucléaire, éolien, photovoltaïque, hydrogène « vert », biomasse, biogaz…) enterrent les énergies fossiles ? « Il y a une énorme demande de gaz et de charbon du fait de la reprise économique : 6 %, c’est la plus forte croissance depuis cinquante ans », observe Fatih Birol.
De fait, si l’Agence internationale de l’énergie tourne politiquement le dos aux industries les plus polluantes, la fin du charbon et des hydrocarbures n’est pas pour demain. Pour preuve, l’activité frénétique qui agite actuellement le Grand Nord, région la plus touchée par le réchauffement climatique : le quotidien « Le Monde » y a dénombré pas moins de « 599 champs pétroliers et gaziers, en production, en développement ou découverts ».
En l’absence de régulation internationale, la fête continue donc pour les multinationales de tous les continents, dont TotalEnergies. Les très nombreux accords commerciaux qui existent aujourd’hui favorisent les intérêts privés au détriment de l’intérêt général. Le Traité sur la charte de l’énergie, épinglé dernièrement par la Cour de justice de l’Union européenne, permet ainsi à une entreprise d’attaquer un État qui voterait une loi contraire à ses intérêts financiers.
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