Agnès Bihl et la vie rêvée des autres

Couverture du livre la vie rêvée des autres ©DR/éditionsDonQuichotte

Couverture du livre la vie rêvée des autres ©DR/éditions DonQuichotte

Auteur et interprète, Agnès Bihl vient de publier son premier roman « La Vie rêvée des autres ». Invitée lors de la soirée du 50e anniversaire de la reprise des Activités Sociales à la Géode à Paris l’an passé, cette artiste engagée avait publié en 2013 36 heures de la vie d’une femme (parce que 24, c’est pas assez).

Ce qui marque le lecteur dans votre livre, c’est qu’on y croise des gens simples, des gens de la vie de tous les jours.

Agnès Bihl : Oui, ce qui m’intéresse ce sont les petits court-métrages de la vie de tous les jours. Mes personnages sont des gens normaux, ce ne sont pas des héros. C’est mon univers où se côtoient des gens qui n’ont pas une vie extraordinaire au premier sens du terme mais qui ne se laissent pas faire non plus. Ils ont des petits tracas, mais aussi des petits bonheurs, des grandes joies et des grands espoirs.

On y croise aussi un personnage central : Jacob Schulmann, victime de la déportation.

A.B. : Il avait 8 ans pendant les rafles à Angers et il ne s’est jamais remis d’avoir eu la présence d’esprit de s’être caché dans le poêle à charbon pendant l’intervention de la police française. Pourquoi n’a-t-il pas caché sa petite sœur ? Pourquoi s’en est-il sorti et pas sa famille ? C’est tout ce passé et 80 ans d’histoire.

À ses côtés, Ferdinand, Fatoumata, Mado mais aussi Delphine et Magalie. On va découvrir leurs vies…

A.B. : Oui, je m’immisce dans la tête de ces personnages que j’ai entièrement imaginés et créés. J’ai eu envie de voir comment ils vivaient et de rentrer dans leur intimité. Il y a effectivement trois personnes âgées : Ferdinand et Jacob, 80 ans, le petite jeunette de 77 ans, et deux jeunes trentenaires Delphine et Magalie. Dans ce livre, on se rend compte que quel que soit le milieu socioculturel ou l’âge, il y a des questions fondamentales qui sont toujours les mêmes.

Les personnes âgées symbolisent la fin de vie, mais aussi l’avenir ?

A.B. : Bien sûr, pour les plus anciens mais aussi pour Delphine et Magalie les petites-filles de Madelaine. La fin de vie, c’est peut-être un sentiment d’exclusion, celui de ne plus aller assez vite pour cette société qui exige plus de performance, d’immédiateté et de répondants. Comment font ces personnes de quatre-vingts ans pour appuyer sur les claviers de téléphone quand on a de l’arthrose ? Vivre avec ces nouvelles technologies ? Se déplacer dans les escaliers du métro à Paris lorsqu’on est une personne à mobilité réduite ? Ce sentiment d’être en marge de la société lorsqu’on a trente ans on peut aussi l’avoir. Avoir l’impression lorsqu’on est une femme de ne pas toujours assurer, être jolie, au taquet et prouver que l’on a des compétences. Il faut toujours se sur-donner. Il y a le côté Wonder Woman pour les plus jeunes, et ce côté à toute vitesse pour les plus âgées.

C’est un roman où l’on sourit, mais aussi où l’on aborde la question de la maltraitance dans les maisons de retraite.

A.B. : Malheureusement, je n’ai rien inventé pour ces passages. Il y a des cas assez nombreux de mal traitance épouvantables. En l’occurrence, je n’avais pas envie de m’appuyer sur des faits imaginés. On ne laisserait pas un bébé dans sa couche mouillée, et parfois on peut laisser une personne âgée envahie par la honte. Il y a une citation de Thierry Tournebise, psychosomaticien qui dit «  la difficulté pour les personnes âgées, c’est qu’elles traversent une période de leur vie que tous ceux qui s’occupent d’elles n’ont jamais traversé eux même »». L’empathie, c’est quelque chose qui se perd. Plus qu’un roman sur la vieillesse, c’est un roman sur l’empathie.

Mais c’est aussi un roman basé sur la solidarité, où trois vieux essayent la colocation à quatre-vingt ans pour des raisons de moyens, mais aussi pour des raisons humaines, d’entraides et d’écoutes. Ils parlent la même langue, ils ont le même rythme

Vous dénoncez aussi l’extrême droite. 

A.B. : Oui, j’ai un personnage qui s’appelle « Connard ». C’était assez jouissif de le baptiser comme ça. C’est un parti basé sur l’exclusion. Ce mouvement grossi, et cela me fait très peur. Le roman débute avec Jacob Schulmann qui venait de Hongrie ; aujourd’hui, on chartérise des gens parce que Guinéens. Dans mon roman, un petit garçon demande ce qu’est un étranger ? Et Madeleine répond : c’est quelqu’un que l’on ne connait pas encore. Aujourd’hui, heureusement que la France est métissée et mixte, qu’il y a des coutumes et des accents différents. Pourquoi un accent bourguignon serait plus noble qu’un accent algérien. C’est de la musicalité.

Et puis dans l’écriture, vous puisez dans toutes ces langues de France.

A.B. : Oui, la deuxième partie de ce roman se déroule à l’Ile-D’yeu, dont je suis amoureuse. J’emploie donc beaucoup du patois vendéen mais aussi camerounais grâce au personnage de Fatoumata. Vous savez, le mot rescapé est d’origine de patois lorrain. Avant on disait réchappé. A la suite d’un accident minier, les journaux parisiens ont utilisé ce mot de rescapé pour la première fois. C’est comme cela qu’une langue évolue.

Deux ans après votre premier ouvrage, la question du féminisme est présente.

A.B. : Absolument, car je ne suis pas une chèvre (Rires). J’ai donc le regard d’une femme sur la société et il y a énormément de boulot à faire.

La Vie rêvée des autres, Agnès Bihl – éditions Don Quichotte, 2015, 18,90 €.

Pour connaître les prochaines dates de concerts d’Agnès Bihl, cliquez ici

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