Les questions de politique énergétique ne sont pas au cœur de l’élection présidentielle américaine. Muets sur le sujet durant la bataille des primaires, Hillary Clinton et Donald Trump n’en ont pas davantage débattu lors de leurs affrontements télévisés. Pourtant, leurs propositions en la matière sont diamétralement opposées.
Les deux mandats de Barack Obama ont connu une véritable révolution de la politique énergétique américaine. Deux dates la symbolisent : en 2009, les États-Unis sont devenus le premier producteur mondial de gaz naturel, et, en 2014, le premier producteur de pétrole. Même si le pays est encore loin de l’indépendance énergétique (sa production n’assure que 60 % de sa consommation), il a en tout cas progressé en ce sens, grâce à l’exploitation des gaz de schiste et autres pétroles non conventionnels dont son vaste territoire regorge. Mais le bilan des huit années de présidence Obama ne se limite pas à ce boom des hydrocarbures « made in USA ». Convaincu du danger du réchauffement climatique, l’administration Obama a aussi œuvré au développement des énergies renouvelables, à la limitation de l’utilisation du charbon dans les centrales thermiques, ou encore à l’efficacité énergétique, avec à la clé une diminution des émissions nationales de gaz à effet de serre.
« Développement » contre « transition »
Développer la production nationale d’hydrocarbures ? Ou favoriser la transition énergétique ? Ces deux héritages de la présidence Obama divisent les candidats à la présidentielle, Trump étant partisan de la première option et Clinton de la seconde.
Dans son principal discours sur la politique énergétique, tenu en mai dernier dans le Dakota du Nord (deuxième État pétrolier après le Texas, dont son conseiller en matière d’énergie, Kevin Cramer, est le représentant), Donald Trump n’a, comme à son habitude, pas fait dans la nuance. Pour lui, l’objectif premier est l’indépendance énergétique des États-Unis. « L’Amérique a un potentiel énergétique incroyable qui reste inexploité », a-t-il déclaré. Trump défend donc l’assouplissement des réglementations environnementales encadrant l’exploitation des gaz et pétrole de schiste, ainsi que l’industrie du charbon. Il souhaite aussi, quitte à contredire son objectif affiché d’indépendance nationale, relancer le projet d’oléoduc reliant les raffineries du golfe du Mexique aux gisements de sables bitumeux de l’Alberta canadien, bloqué par l’administration Obama.
Les énergies renouvelables ne l’intéressent guère. « Le soleil est très cher. Le vent est aussi un problème, c’est très cher, ça ne marche pas sans subvention. Mais en dépit de tout cela, je suis favorable à tous les types d’énergie », a-t-il déclaré. Enfin, l’ancien magnat de l’immobilier new-yorkais a promis, s’il est élu, de rejeter l’accord conclu lors de la COP 21 à Paris sur la limitation des émissions de gaz à effet de serre.
Le programme d’Hillary Clinton est, en tous points, l’antithèse de celui de son rival républicain. Le réchauffement climatique est pour elle une évidence, et elle s’est engagée à faire ratifier au plus vite l’accord de Paris par le Congrès, s’il n’a pu l’être avant. « Je veux plus de vent, plus de solaire, des biocarburants plus avancés et plus d’efficacité énergétique. Nous fixerons un objectif de dix ans pour générer suffisamment d’énergie renouvelable pour alimenter chaque maison en Amérique », a-t-elle déclaré. Les chiffres qu’elle avance sont ambitieux : un tiers de l’électricité d’origine renouvelable en 2020 (contre 13 % aujourd’hui) et 500 millions de panneaux solaires à la fin de son mandat, soit huit fois le nombre que compte aujourd’hui le pays. Là où Trump vante la dérégulation, Clinton est le chantre de l’implication de l’État, promettant un programme de 60 milliards de dollars en faveur des énergies renouvelables, et l’amplification des mesures fiscales pour les particuliers, les entreprises ou les collectivités locales s’engageant dans la décarbonisation de leurs activités.
Discrétion sur le nucléaire
Restent deux sujets, brûlants, sur lesquels ni Trump ni Clinton n’ont pris position. Le premier est le Tafta (Transatlantic Free Trade Agreement), accord de libre-échange entre l’Union européenne et les États-Unis, dont le projet (pour le moment au point mort) propose de « favoriser l’autorégulation de la part de l’industrie en matière d’exigences d’efficacité énergétique », soit un renoncement organisé à toute politique énergétique publique. Le second est celui du nucléaire. Les États-Unis ont le premier parc au monde de centrales, même si l’atome n’assure que 20 % de leur production électrique, mais aucune nouvelle centrale n’a été construite depuis les années 1970. Le parc vieillit, et il sera de la responsabilité du prochain président de le renouveler. Sur cette question centrale, les deux candidats se sont montrés à ce jour bien discrets.