L’univers des IEG, et de l’industrie en général, demeure à ce jour essentiellement masculin. Problème d’image, stéréotypes tenaces, autocensure sont autant d’obstacles à l’entrée et à la progression des femmes dans les métiers de la branche. Les trentenaires ne font pas exception à la règle, mais bénéficient pourtant d’avancées pour l’égalité femmes-hommes.
« L’industrie, c’est aussi pour les filles ! » Tel pourrait être le leitmotiv des entreprises des Industries électriques et gazières qui souhaitent féminiser leur filière. Car, pour l’heure, le constat n’est pas brillant : en 2020, on comptait 28,1 % de femmes dans la branche ; 26,9 % dans les comités de direction (Codir) des entreprises de 50 à 300 salariés et 34 % dans ceux des entreprises de plus de 300 salariés. Conscientes de l’importance de l’enjeu d’égalité professionnelle, les entreprises de la branche se mobilisent. Ainsi, en 2021, chez EDF SA, 62 % des femmes recrutées l’ont été dans des métiers techniques et SI (système d’information). En presque vingt ans, la part des femmes dans ces métiers techniques a triplé pour atteindre 16,6 % en 2020. Et plus largement, le groupe vise l’objectif de 36 à 40 % de femmes dans ses effectifs globaux d’ici à 2030.
Mais les stéréotypes demeurent solidement ancrés dans les mentalités : tous les métiers de l’industrie ont la réputation d’être plutôt masculins. C’est pourquoi un certain nombre de dispositifs ont été mis en place pour déconstruire les idées reçues. « Il faut y travailler dès le collège, explique Nathalie Leconte, cadre de la Direction mobilité et dialogue social chez Engie. Nous avons créé le dispositif ‘J’apprends l’énergie’ [JAL], qui fait intervenir des ambassadeurs du groupe dans les établissements scolaires. »
« Le problème vient autant de l’autocensure chez les femmes que d’une tendance à la reproduction sociale et genrée chez les recruteurs hommes »
Laetitia Villedieu, en charge de la communication sociale, de la filière ressources humaines et de la marque employeur pour EDF.
EDF a développé un système de « marrainage » similaire, grâce à son partenariat depuis 2011 avec Elles bougent, une association qui propose entre autres aux jeunes filles de visiter de sites de travail. « Le problème vient autant de l’autocensure chez les femmes que d’une tendance à la reproduction sociale et genrée chez les recruteurs hommes, constate Laetitia Villedieu, en charge de la communication sociale, de la filière ressources humaines et de la marque employeur pour EDF. Nous sommes donc attentifs à la parité dans les jurys de recrutement. Nous faisons aussi appel à des influenceuses comme Clara Marz, qui recueille en vidéo les témoignages de femmes employées par EDF à propos de leur métier. »
Ce sont les perspectives d’évolution qui ont convaincu Vanessa Chevalier, 36 ans, d’entrer à GRDF en 2020. Fille d’agente, elle travaillait auparavant dans l’animation, notamment pour les colos CCAS. « Je suis actuellement conseillère clientèle à Brétigny [Essonne, ndlr]. C’est la porte d’entrée idéale lorsqu’on n’a pas de diplôme, d’autant que j’ai été bien formée. Depuis mon arrivée, je constate que de nombreuses femmes qui ont commencé, comme moi, au bas de l’échelle ont aujourd’hui des fonctions d’encadrement. »
Pourtant, aujourd’hui encore, la progression des femmes dans la carrière reste souvent plus lente que celle des hommes. « Nous essayons d’appliquer la stratégie du cylindre, répond Laetitia Villedieu. Elle vise à augmenter le nombre de femmes mais à tous les niveaux de l’entreprise, et pas seulement à l’entrée. Par exemple, la féminisation des Codir a été intégrée dans les indicateurs d’intéressement et dans ceux des bonus des dirigeants. Nous avons préféré l’incitation plutôt que l’obligation pour susciter l’engagement des recruteurs. »
Faire évoluer les mentalités
La mise en place d’actions concrètes doit aussi s’accompagner d’une évolution des mentalités. Mathilde Vial, 36 ans, est entrée à EDF en 2006 en tant qu’agente d’exploitation au service électrique de la centrale de Grand’Maison (Isère). Après avoir obtenu un BTS électro-technique, elle a été reçue par une responsable des ressources humaines pour un recrutement sur un poste à astreinte dans une première usine : « Elle m’a demandé si j’avais l’intention d’avoir des enfants, ce qui risquait de poser problème pour le poste ! Je suis allée postuler ailleurs chez EDF. » Aujourd’hui mère de deux jeunes enfants, elle occupe un poste avec astreinte de technicienne principale d’exploitation à la centrale hydroélectrique de Saint-Guillerme (Isère). « Ça reste compliqué pour une femme, d’autant que mon conjoint travaille de nuit. » Mathilde fait un peu figure d’exception car « les postes à astreinte demeurent de fait largement occupés par des hommes », reconnaît Laetitia Villedieu.
« C’est en partie l’aspect physique du métier de technicienne d’exploitation qui m’a attirée. […] C’était plutôt l’environnement exclusivement masculin que je craignais. »
Élodie Dechery, 33 ans, est appui métier en ingénierie chez Enedis à Massy (Essonne).
Et quid de l’impact de la mixité dans les équipes ? Élodie Dechery, 33 ans, est appui métier en ingénierie chez Enedis à Massy (Essonne). « Après un premier job de coiffeuse, je me suis retrouvée en recherche d’emploi. C’est en partie l’aspect physique du métier de technicienne d’exploitation qui m’a attirée : j’allais devoir grimper sur des poteaux de plus de 13 mètres de haut et ça me plaisait. C’était plutôt l’environnement exclusivement masculin que je craignais. » De fait, lorsqu’elle est arrivée en 2014 en tant qu’apprentie à l’agence Enedis de Maurepas (Yvelines), elle était la première femme à entrer dans cette unité depuis trente ans. « Une femme dans ce milieu doit avoir du caractère, car elle fait face à du sexisme tous les jours. » C’est pourquoi les entreprises s’attachent à mener de nombreuses actions de sensibilisation à la lutte contre le harcèlement et les comportements sexistes. La génération actuelle de femmes trentenaires bénéficie de cette prise de conscience et de ce nouveau mouvement enclenché au sein des IEG, mais comme le dit le slogan : « Allez les filles, on lâche rien ! »
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