À l’occasion des vingt ans du partenariat avec le festival de cinéma Premiers plans d’Angers, le jury CCAS a récompensé « Digger », film grec qui raconte le combat acharné d’un homme face à une compagnie minière. Malgré le contexte sanitaire, le festival angevin poursuit sa mission : révéler au public des réalisateurs de talent.
Nikitas a toujours vécu dans la forêt, riche et généreuse, du nord de la Grèce. Mais le temps se gâte : une compagnie minière convoite sa propriété et son fils réapparaît pour réclamer sa part d’héritage. « C’est un film où il y a de belles valeurs humaines, dans lequel les personnages sont très émouvants. Un film sur la protection de la nature, sur l’équilibre difficile entre intérêts économiques et écologie. »
Comme ses six autres camarades du jury CCAS, Élisabeth Robert, retraitée d’Enedis depuis deux ans et demi, a été très touchée par « Digger ». Ce premier long métrage de fiction réalisé par le grec Georgis Grigorakis a remporté, dimanche 31 janvier, le prix du jury CCAS lors du 33e festival Premiers plans d’Angers.
L’histoire du pot de terre contre le pot de fer
Élisabeth est d’autant plus émue par le sujet du film qu’avant de s’installer près d’Angers, elle a vécu en Lorraine dans la vallée de la Fensch, où « des familles entières » ont rempli la marmite grâce à l’industrie minière et sidérurgique. « L’homme détruit beaucoup plus que ce que la nature lui offre. On vit à crédit une bonne partie de l’année », déplore la jeune retraitée.
Au-delà du vibrant plaidoyer pour la forêt que « Digger » représente, « ce qui nous a plu, c’est l’histoire du pot de terre contre le pot de fer, l’homme face à la compagnie minière », enchaîne Alain Lollier, responsable du jury CCAS. « Et puis la relation père-fils qui vient s’immiscer au milieu de tout ça… À la fin, on avait les larmes aux yeux », lâche-t-il.
Coïncidence étrange, la relation entre un père et son fils est également au centre du film couronné par le Grand prix du festival : « Ibrahim ». « Nous avons été surpris par la grande qualité des films proposés cette année », souffle Alain, qui s’occupe depuis longtemps du jury CCAS. Une cuvée 2021 remarquable, donc, mais pas uniquement pour sa programmation…
« On n’avait pas le droit de laisser tomber ! »
En raison de la situation sanitaire, la 33e édition du festival angevin dédié aux premières œuvres d’auteurs européens (courts et long métrages, films d’animation) n’a ressemblé à aucune des précédentes. Des salles vides, des réalisateurs et des jurés confinés chez eux… Sur les neufs films de la sélection officielle, le jury CCAS n’a pu en voir qu’un seul en salle (en projection privée). Quatre des sept jurés se sont réuni chez Elisabeth.
« On a poussé les meubles, on a aligné les canapés et on a déroulé le grand écran. » Rien à voir avec « l’ambiance si particulière du festival », « mais on a quand même retrouvé de la convivialité », sourit Elisabeth. « On a vu deux films par jour, avec une pause galette et cidre entre les deux. Ce sont des moments de partage qui font du bien » dans le contexte actuel, confirme Alain.
Comme tant d’autres événements culturels, Premiers plans aurait très bien pu être annulé cette année. Et le jury CCAS n’était pas loin de jeter l’éponge. Ce qui aurait fait de cette édition un bien triste anniversaire pour ce beau partenariat né il y a tout juste vingt ans.
« Après toutes ces années, témoigne Alain, on n’avait pas le droit de laisser tomber ! » Membre du jury pour la cinquième fois, Elisabeth acquiesce, elle qui « aime le cinéma et l’ambiance des salles » sans être une grande cinéphile : « c’était inimaginable qu’on abandonne le jury ! Ce festival est trop important dans la région. Il faut protéger le cinéma ! », insiste-t-elle.
Soutenir les jeunes réalisateurs
Georgis Grigorakis, 38 ans, réalisateur de « Digger », prix du jury CCAS du festival Premiers plans 2021. ©DR
« Nous sommes très conscients de notre fragilité », admet Véronique Charrat, responsable action culturelle de Premiers plans. Pourtant, « cette expérience nous a regonflés », assure-t-elle : « nous nous devons de soutenir les jeunes réalisateurs. Ils vont pouvoir repartir de cette édition avec le label « Premiers plans », et pour certains avec un prix. C’est très important pour la suite de leur carrière. »
Même s’il n’a pas eu la chance de rencontrer son public à Angers, Georgis Grigorakis, auteur de « Digger », prix du jury CCAS, est peut-être un futur grand réalisateur. « Il a en tout cas une vraie patte d’auteur, une manière de réinventer le monde. Son film peut conquérir le cœur des spectateurs », assure Véronique Charrat. Les salles obscures étant toujours fermées, « Digger » ne sortira pas le 10 février comme prévu. Mais il sera projeté cet été dans une dizaine de villages vacances.
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