Galin Stoev : ouvrir le théâtre

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Le nouveau directeur du Théâtre national de Toulouse a mille projets en tête pour y inviter le grand public. ©Tsvetelina Belutova

En prenant la direction du Théâtre national de Toulouse, le Bulgare Galin Stoev va pouvoir réaliser son rêve : disposer d’un lieu pour expérimenter sa propre conception du théâtre. Un art qu’il entend bien démocratiser en attirant un public le plus large possible.

À la tête du Théâtre national de Toulouse (TNT) depuis le mois de janvier, le metteur en scène bulgare Galin Stoev a apporté dans ses bagages un projet culturel très ambitieux qui repense la place du théâtre dans la Ville rose. Nommé en mars 2017 par la troisième ministre de la Culture de François Hollande, Audrey Azoulay, Galin Stoev, qui aura 50 ans l’an prochain, a longuement détaillé son programme dans son bureau, une petite salle vitrée, où il nous reçoit.

Avec sa queue-de-cheval, son sweat à capuche, son sourire et son allure juvénile, on le croit sur parole quand il parle de son désir d’ouvrir le TNT à des personnes qui n’y ont jamais mis les pieds. Un vœu qui doit être partagé par de nombreux metteurs en scène, à cela près que lui veut vraiment « ouvrir » le théâtre. C’est-à-dire en pousser les murs et bousculer les mentalités.

Désacraliser le théâtre

Dès 2019, le vaste hall d’entrée du TNT, sombre et d’une élégance froide voire glaciale, sera complètement transformé. « Aujourd’hui, les théâtres sont bâtis comme des sanctuaires, on a l’impression qu’il faut une sorte d’expérience supérieure pour y être légitime, lance-t-il. N’oublions quand même pas que chez les Grecs, la scène était l’un des arts les plus démocratiques, un temps fort et festif. »

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Le théâtre national de Toulouse. ©Francois Passerini/TNT – CC BY-SA 4.0

Pour que chacun se réapproprie le lieu, le hall sera complètement réaménagé en espace de vie ouvert à tous. Il y aura bien un bar et un restaurant populaire ouvert non stop six jours sur sept, mais aucune obligation de consommer pour ceux qui voudront y lire ou profiter de la wi-fi. « On pourrait imaginer, ajoute-t-il, que dans cet espace il y ait aussi des ateliers, comme des stages couture par exemple. L’objectif est de désacraliser le théâtre, pour que chacun se sente autoriser à y entrer, et qu’un jour, celui qui n’a jamais assisté à une représentation ait simplement envie d’aller voir ce qui se passe sur scène, juste de l’autre côté de la porte. »

Cirque, slam et magie

Pour déclencher cette curiosité, Galin Stoev va commencer par varier la programmation. Tout en continuant à miser sur la qualité, à côté des pièces classiques et contemporaines, il va proposer du cirque, de la nouvelle magie, de la musique, de la danse, du slam… « L’important, c’est l’émotion qu’une œuvre offre au public, insiste-t-il. Les gens payent pour consacrer deux heures de leur temps à vivre quelque chose qu’ils ne connaîtraient pas chez eux, dans leur travail, dans la rue ou devant la télévision. C’est un espace privilégié, et tout le monde peut en profiter. »

Quand on lui demande si cette envie de populariser la culture lui vient de son enfance passée dans un pays communiste, il reconnaît qu’en effet, à cette période, la mixité sociale était bien réelle. En revanche, il attribuerait son envie d’ouverture à ses multiples voyages. Au fil des spectacles qu’il montait à travers le monde, sur de grandes scènes reconnues comme la Comédie-Française ou dans de petits théâtres clandestins, il a pu observer différentes façons de faire du théâtre, que ce soit artistiquement ou dans la façon d’attirer le public. Tout ce qu’il a vu et expérimenté en vingt-cinq ans de carrière a ouvert une foule de pistes qu’il a envie d’explorer à Toulouse.

888 ambassadeurs

Parmi les actions qu’il souhaite mettre en œuvre, le directeur lance un projet baptisé « 888 ambassadeurs du TNT ». 888, c’est le nombre de fauteuils dans la grande salle du théâtre. « L’idée serait de proposer aux spectateurs les plus fidèles de ’s’acheter’ un fauteuil le temps d’une saison. Ils auront leur nom inscrit sur le dossier et l’obligation d’offrir ce fauteuil au moins une fois dans l’année à quelqu’un qui n’est jamais allé au théâtre. »

Galin Stoev : ouvrir le théâtre | Journal des Activités Sociales de l'énergie | 47134 Danse Delhi

« Danse Delhi », première mise en scène de Galin Stoev au TNT, sur un texte d’Ivan Viripaev. ©Guergana Damianova

Ces parrains auront également un rôle d’éducateur, puisqu’ils devront guider leur filleul dans le choix du spectacle. « Notre souhait, c’est que le filleul devienne ambassadeur à son tour et emmène au théâtre quelqu’un qui n’y est jamais allé. » Cette mesure vient en complément du dispositif « Première fois au théâtre », réservé aux habitants des quartiers populaires de Toulouse. Pendant une saison, un petit groupe de volontaires participent régulièrement à des ateliers où on les prépare à assister à un spectacle par des lectures et des discussions, des exercices ou des improvisations.

« Délire artistique »

Pour mieux faire résonner le théâtre dans la cité, s’inspirant du Festival d’Avignon, Galin Stoev va organiser une biennale. « La première aura lieu en 2019. Ce sera un temps fort dans la métropole toulousaine avec des spectacles partout dans la ville, dans des endroits insolites. Nous voulons un délire artistique de deux semaines pour tout le monde, une ivresse. Nous inviterons des équipes internationales pas forcément très connues, mais qui font un travail intéressant. »

Objectif : délocaliser des spectacles du TNT dans des théâtres de périphérie

Ce sera également un lieu de rencontres professionnelles, avec des stages pour de jeunes acteurs ou metteurs en scène. Parallèlement, il prévoit de délocaliser des spectacles du TNT dans des théâtres de périphérie, avec lesquels il nouera des partenariats. Pour éviter que les jeunes comédiens toulousains ne partent à Paris ou dans d’autres villes, il veut créer une émulation, inciter à ce « qu’émerge une constellation » de troupes qui resteront travailler à Toulouse. Pour cela, la petite salle du théâtre sera entièrement réservée à des artistes en résidence qui montreront régulièrement leur travail au public et « témoigneront de leur processus théâtral ». Le dernier étage du théâtre sera transformé en espace d’hébergement pour les recevoir.

Distrait à l’école

Et lui, Galin Stoev, comment est-il arrivé au théâtre ? « J’étais très distrait à l’école ! avoue-t-il. Et à l’âge de 7 ans, ma mère m’a dit : ’Je vais t’emmener dans un endroit où tu pourras faire tout ce que tu veux, mais à l’école, essaie de suivre.’  » Elle l’a donc inscrit au théâtre pour enfants de sa ville natale de Varna, en Bulgarie. Il y jouait des classiques comme Shakespeare ou Molière… « En grandissant, nous nous sommes aperçus que les pièces qu’on nous proposait étaient expurgées de toutes connotations sexuelles, s’amuse-t-il. Nous nous sommes précipités sur les originaux. C’était une manière intelligente de nous faire lire ! »

Il y reste jusqu’à l’âge de 18 ans, avant de suivre les cours de l’Académie nationale des arts du théâtre et du cinéma de Sofia. Dès 1991, il commence une carrière de metteur en scène et de comédien et rencontre très vite le succès. Ses mises en scène sont rythmées, vivantes ; il sait parler de choses graves ou profondes tout en gardant une sorte de légèreté dans le traitement.

Il parcourt le monde pour présenter ses pièces, devient artiste associé au Théâtre de La Colline à Paris, fonde la compagnie Fingerprint en 2005 à Bruxelles (où il résidait avant de prendre la direction du TNT), donne des cours à Londres, Sofia ou Manchester, reçoit des prix, réalise un film (« The Infinite Garden »)… puis se lasse de cette « vie nomade ». Il ressent alors le besoin de se poser et choisit Toulouse comme terre d’accueil. Pourquoi Toulouse ? « Car c’est loin de Paris ».


Pour aller plus loin

Théâtre national de Toulouse Midi-Pyrénées

À venir : « Souffle », de Tiago Rodrigues, du 19 au 22 juin. Créé le 7 juillet 2017 au Festival d’Avignon.

Billetterie du théâtreVoir les tarifs

S’y rendre : 1 rue Pierre-Baudis, Toulouse.

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