Pour une femme, s’engager dans une carrière artistique a toujours requis une certaine dose de non-conformisme et de rébellion. George Sand, Frida Kahlo et ORLAN sont des exemples de femmes qui à bien des égards se sont réinventées pour trouver leur place et laisser une trace dans l’histoire de l’art et du féminisme.
Si Amandine Aurore Dupin (1804-1876) est restée célèbre c’est peut-être autant, voire moins pour son engament politique, son activité journalistique ou son œuvre littéraire très abondante que pour sa vie amoureuse tumultueuse et sa tenue vestimentaire masculine ! C’est en tout cas sous le pseudonyme de George Sand que l’amie berrichonne de tous les grands hommes de son temps, de Delacroix à Flaubert en passant par Balzac ou Victor Hugo, a conquis sa place auprès d’eux. Au point qu’à sa mort, Dostoïevski écrira dans son Journal d’un écrivain en 1876 « Les femmes de l’univers entier doivent à présent porter le deuil de George Sand, parce que l’un des plus nobles représentants du sexe féminin est mort, parce qu’elle fut une femme d’une force d’esprit et d’un talent presque inouïs. Son nom, dès à présent, devient historique, et c’est un nom que l’on n’a pas le droit d’oublier, qui ne disparaîtra jamais »
Quant à Frida Kahlo (1907-1954), cette surdouée mexicaine qui se destinait au départ à la médecine, la peinture a été pour elle le moyen de s’échapper d’un corps qui tout au long de sa vie l’emprisonna dans d’atroces souffrances. Exorciser la douleur par la couleur, projeter sur la toile ou sur l’acier, qui souvent servait de support à ses œuvres, les blessures physiques ou morales qui la faisaient saigner : tel a été l’élan qui a fait de cette artiste aux multiples autoportraits, une figure majeure, trop libre pour être « classable », de l’histoire de l’art. Reconnue par ses pairs, notamment français, l’œuvre de Frida Kahlo suscite l’admiration des surréalistes qui voudraient bien l’associer à leur mouvement… André Breton, subjugué, écrit : « l’art de Frida Kahlo est un ruban autour d’une bombe». Et pourtant, dans les années 1930, après l’arrivée au pouvoir des Nazis, Frida écrit son nom « Frieda », de Frieden, « la paix » en allemand. Communiste, cette passionaria rebelle, qui alla même jusqu’à falsifier sa date de naissance pour la faire coïncider avec celle de la révolution mexicaine, a toujours trouvé la force de s’imposer parmi les plus grandes figures artistiques, intellectuelles et politiques de son époque.
Se faire une place dans le monde de l’art, pour ORLAN, qui tient à se que l’on écrive en majuscules le nom qu’elle s’est choisi, est aussi passé par un engagement physique : « Je suis devenue féministe car j’ai vite compris que le corps était politique. Et aussi que la peinture était une vieille histoire aux mains des hommes. J’ai alors exploré le principe du corps-sculpture ». Ainsi l’artiste, après s’être mise en scène sur des photos ou des performances, a décidé de faire appel à la chirurgie : entre 1990 et 1993, elle a mis en scène sept opérations de chirurgie plastique ayant pour but de transformer son visage… Aujourd’hui, avec ses implants de silicone protubérants au-dessus des arcades sourcilières, une chevelure bicolore noire et blanche et de grosses lunettes rondes, l’artiste revendique de ne pas passer inaperçue : « On m’aborde, on me questionne. C’est ce que j’ai voulu : que mon corps soit un lieu de débat public. »
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