Lui, encadrait les séjours jeunes ; elle, soignait les enfants. Jacqueline Belle a traversé trente ans de colos aux côtés de feu son mari, Jacques. Penchée sur les albums photo constitués par ce dernier, et ses collections de timbres conservés à leur domicile, la pétillante nonagénaire évoque avec nous les souvenirs des jolies colonies de vacances.
Andernos, Crozon, Binic, Manzac-sur-Vern, Vioux… Peut-être êtes-vous parti en colo, entre 1948 et 1986, dans l’un de ces centres de vacances ? Alors vous figurez sûrement sur l’une des photos prises par Jacques Belle, ancien agent EDF à Grenoble qui, chaque année en juillet et août, troquait sa casquette d’électricien pour celle d’économe, et s’occupait des achats de nourriture et de matériel pour les petits colons. « Pendant trente ans, il a demandé à être détaché pour encadrer les colos. Il adorait ça ! », se souvient sa femme Jacqueline, qui nous reçoit dans sa maison de Dieupentale, dans le Tarn-et-Garonne, où le couple s’est installé à la retraite.
Un véritable trésor
Sur la table de la salle à manger, elle a entreposé quelques albums sélectionnés parmi des dizaines d’autres. Méthodique et méticuleux, année après année, Jacques Belle, mort en 2011, a pris de nombreuses photos en noir et blanc, qu’il développait lui-même. Tel un reporter, cet homme de grande taille, dont la silhouette évoque celle de Jacques Tati, ne se contentait pas de photographier les jeunes et l’équipe d’encadrement dans les activités quotidiennes ou festives. Il prenait également en photo les bâtiments et les espaces environnants.
Jacqueline Belle tourne les pages d’un album pris au hasard et sourit à l’évocation de certains souvenirs. « Nous arrivions dans les colos une semaine avant tout le monde, pour ouvrir les bâtiments. Une fois, nous avons trouvé des restes de repas de l’année précédente dans le four ! » Comme elle ne voulait pas se contenter de suivre son mari, elle a passé le diplôme d’aide-soignante afin d’assister le médecin. « Je soignais les bobos, j’épouillais parfois ! C’était une autre époque, soupire-t-elle. Plus libre. Une nuit, alors qu’on passait dans les dortoirs pour vérifier si tout allait bien, on a découvert des polochons dans les lits des jeunes et même dans ceux des moniteurs ! Ils étaient tous sortis s’amuser ! Je ne sais pas s’ils oseraient faire cela aujourd’hui ! »
Passion philatélie
Un peu dépassée par la quantité d’albums photos et les milliers de diapositives que son mari a laissées derrière lui et qu’elle va léguer à ses trois enfants, Jacqueline Belle ouvre un buffet et nous montre d’autres albums, tout aussi nombreux. Philatéliste passionné, Jacques Belle a également constitué de nombreuses collections de timbres et fondé un journal d’information philatélique sur la région grenobloise, « Le Petit Arago ».
Désireux de partager sa passion, il animait des ateliers philatéliques à la CMCAS de Grenoble. Sa collection de timbres sur la Révolution française, riche et documentée, vaut leçon d’histoire. Tout comme celle consacrée à Marcel Paul, héros de la Résistance, ministre de la Production industrielle, fondateur d’EDF-GDF et du CCOS. On y apprend par exemple que le timbre de Marcel Paul, émis le 13 novembre 1992 pour commérer le dixième anniversaire de sa mort, « est le résultat d’une longue démarche des électriciens et gaziers sous l’impulsion de Philat’EG national (club national dédié à la philatélie, ndlr), afin d’honorer sa mémoire ».
Jacqueline Belle nous a dévoilé avec émotion les collections philatéliques de son mari. ©Sébastien Le Clézio/CCAS
Sa collection phare est consacrée aux barrages hydroélectriques. Au cours de sa carrière, Jacques Belle a travaillé sur les barrages des Pyrénées mais sa femme ne se souvient plus quel poste il occupait. Avec le temps, elle a oublié ce détail… Mais se souvient que naîtra de cette nouvelle fonction une passion supplémentaire.
Cette fois, Jacques Belle ne s’est pas contenté de constituer une collection de timbres sur les barrages dans le monde, il l’a également enrichie de billets de banque illustrés de barrages. « On parcourait les salons, les brocantes, raconte Jacqueline Belle. À la maison, je n’entendais parler que de barrages ! » Avec l’aide de Philat’EG national, il réalisera une revue didactique, « Des Barrages et des timbres », distribuée aux adhérents et amis, et qui a concouru à des championnats internationaux de philatélie.
« Grâce aux colos, conclut Jacqueline Belle, nous avons découvert de magnifiques régions : la Bretagne, le Pays-Basque, la Normandie… J’aimerais retourner dans les colos, refaire tout le circuit ! »
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