Dans « La Déflagration des buissons », conte magnifiquement illustré, Julie Chapallaz nous mène sur les pas d’Edgar, un homme amnésique parti à la recherche de son frère jumeau et qui tente de comprendre le monde dans lequel il vit. La plasticienne et scénographe franco-suisse s’amuse avec les mots et les images pour nous offrir un étonnant voyage à travers la forêt et ses mystères. Le monde sauvage peut-il soutenir Edgar dans sa quête ? Aidera-t-il l’humanité à retrouver sa vitalité ?
L’histoire
Lorsqu’Edgar se réveille, il ne se souvient plus de rien. Autour de lui, la vie est comme figée : les gens se sont tous endormis en pleine activité, chez eux, dans la rue, dans les bars, à la laverie… Que faire, où aller, quel sens à donner à tout cela ? Persuadé qu’il a un frère jumeau, l’homme aux lunettes rouges part à sa recherche, dans la forêt qui borde la ville. Un univers mystérieux, où il va rencontrer des femmes aux mœurs pour le moins surprenantes et un docteur encore moins ordinaire.
« La Déflagration des buissons », de Julie Chapallaz, éditions FLBLB, 2022.
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Julie Chapallaz : « J’ai une forme de nostalgie pour le monde sauvage »
« La Déflagration des buissons« est un livre difficile à résumer. Peut-on dire que c’est l’histoire d’une quête ?
Julie Chapallaz – Oui, c’est ça. Edgar, le personnage principal, est en quête de son histoire. Il essaie de mieux comprendre le monde dans lequel il vit. Il essaie de voir ce qu’il peut en faire.
Vous décrivez des humains mystérieusement accablés par le sommeil et l’amnésie. Pouvez-vous nous en dire plus ?
C’est un peu burlesque et grotesque de s’endormir comme ça, à n’importe quel moment. C’est à la fois comique et dramatique parce que, à cause de cette léthargie, de cette narcolepsie, les humains n’arrivent pas à vivre autrement que dans la surface de la vie : ils n’arrivent pas à se souvenir des liens qu’ils ont les uns avec les autres, ils ont du mal à parler de sentiments, à nommer les choses. Tout est donc un peu superficiel.
Le monde animal et végétal constitue le fil rouge de ce roman-photo. Etes-vous fascinée par la vie sauvage ?
Ce sont en effet des sangsues, des fourmis et des orties qui vont aider les humains à retrouver leur vitalité. J’ai une forme de nostalgie pour ce monde sauvage car nous avons un peu coupé notre lien avec lui. Je suis fascinée par les rites multiséculaires, par l’ »homme sauvage », par le rapport qu’on peut imaginer avoir eu dans le passé avec la nature et les animaux. Quand on fait parler des animaux dans un roman-photo, quand on donne du pouvoir à ce qui nous entoure, c’est un peu comme si tout redevenait vivant.
Pour Edgar, la vitalité vient aussi de la paire de lunettes rouges qu’il trouve : il est persuadé qu’il a un frère jumeau et ça lui donne une impulsion pour partir à sa recherche. Il se dit : « Il faut que je fasse quelque chose de ma vie, que je trouve un moyen de ne plus dormir, que je comprenne où je suis et ce qui m’est arrivé. »
Pour réaliser ce livre, vous avez pris des photos d’animaux. Vous êtes même allée photographier des ours dans un parc animalier ! Était-ce important pour vous ?
Oui, nous (les humains) avons une longue histoire commune avec l’ours. C’est un peu l’alter ego de l’homme en sauvage et c’est un peu pour cela qu’il a été banni : on le considérait comme un animal un peu vil, qui représentait les bas instincts de l’homme. J’ai trouvé un parc animalier dans le Jura suisse où j’ai pu observer les ours de très près.
J’ai vraiment eu l’impression de voir des hommes dans une peau d’ours : il y a chez eux un mélange de sauvage et de douceur. J’ai aussi contacté des muséums d’histoire naturelle pour photographier des ours naturalisés car j’avais besoin de faire des gros plans de pattes, de gueules, etc. J’ai beaucoup utilisé les photos d’un grizzli empaillé.
Est-ce que la période du confinement de 2020, durant laquelle la nature sauvage s’est déployée en l’absence des humains, a orienté le contenu de ce livre ?
En tout cas, c’est pendant cette période que j’ai vraiment commencé à réaliser le livre. Ce monde endormi, c’est quelque chose que je pressentais, qui était déjà dans l’air du temps et qui s’est matérialisé avec le Covid.
Ce roman-photo a dû vous demander beaucoup de travail entre les prises de vue, le découpage, le collage, le montage, l’écriture…
Oui, j’ai commencé à travailler sur ce projet cinq ou six ans avant la publication. Je suis quelqu’un d’assez lent : j’ai besoin de digérer les choses, de faire de nombreuses recherches, de m’imprégner d’expériences, de rencontres, de voyages.
Vous avez dû faire un casting pour vos personnages afin de pouvoir les photographier dans tout un tas de situations et d’expressions différentes ?
C’est ça [rires]. C’était hyper drôle. Souvent les prises de vue étaient assez courtes, elles duraient une heure ou deux. En fait, ces personnages sont des gens que je connais et que j’ai contactés pour savoir s’ils accepteraient de jouer dans le roman-photo.
Vous semblez prendre beaucoup de plaisir à jouer avec les images. C’est aussi une manière de jouer avec le lecteur ?
J’essaie effectivement d’instaurer un jeu avec le lecteur, que ce soit en réalisant les images ou à travers la mise en page et le rythme du livre. Avec cette question permanente : qu’est-ce qu’il va bien pouvoir se passer quand on va tourner la page ?
Avez-vous un projet de livre ou de BD en cours ?
Je travaille sur un projet de BD autour du western, avec une technique d’estampe un peu particulière qui consiste à réaliser des images par frottage. J’aime adapter ma démarche d’expérimentation plastique à la thématique abordée.
Cet été, vous irez à la rencontre des bénéficiaires dans les villages vacances. Que leur proposerez-vous ?
Un petit atelier d’introduction pratique au roman-photo, qui sera ouvert aux enfants et aux adultes. Puis un temps de rencontre, où j’expliquerai comment j’ai travaillé, les techniques que j’ai utilisées, et où je raconterai des anecdotes autour du livre.
Des livres à lire, des auteurs à rencontrer
Tout l’été, retrouvez les livres de la sélection littéraire CCAS dans les bibliothèques de vos villages vacances, et rencontrez leurs auteurs au cours des Rencontres culturelles estivales.
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