La face polluée du numérique

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Censés réduire notre empreinte carbone, les smartphones, ordinateurs et tablettes sont l’épicentre d’une incroyable gabegie énergétique. C’est ce que révèle l’enquête édifiante du journaliste Guillaume Pitron. Dès lors, comment réduire leur impact ?

« Et si le meilleur était à venir ? Et si demain nos cinq sens pouvaient être augmentés ? Et si, grâce à l’intelligence collective, aux objets connectés, l’homme et son environnement interagissaient pour mieux orchestrer l’industrie, la ville, l’agriculture. Et vivaient au rythme de la nature pour mieux la préserver ? »

Cette publicité d’Orange, qui date d’il y a quatre ans, vante les mérites de la 5G et la promesse qu’elle contient : un monde intégralement virtuel, digitalisé, idyllique selon ses promoteurs, les Gafam en tête (Google, Amazon, Facebook, Apple, Microsoft). Le « tout numérique » est présenté comme la solution à tous nos problèmes, notamment sécuritaires, alimentaires et environnementaux.

34 milliards de smartphones, tablettes et ordinateurs

« C’est un futur où tout sera connecté – animaux, hommes, objets, végétaux – et où la consommation de données va littéralement exploser », prévient Guillaume Pitron, auteur d’une enquête édifiante sur l’impact écologique des industries du numérique, publiée en septembre dernier, « L’Enfer numérique. Voyage au bout d’un Like ». Le journaliste d’investigation a sillonné le monde pendant deux ans pour tenter de dresser le vrai bilan écologique de nos vies connectées. Et ses conclusions sont implacables : « La pollution digitale est colossale. »



Première responsable ? l’exploitation « [des] matières premières nécessaires pour fabriquer les 34 milliards de téléphones, tablettes et autres ordinateurs qui circulent aujourd’hui dans le monde. » Pour produire un smartphone, il faut plus de 50 minerais différents. Notamment du graphite, indispensable à la conductivité électrique des batteries, dont la Chine est le premier producteur mondial. Guillaume Pitron a réussi à pénétrer dans les très lucratives mines chinoises, qui se multiplient en empoisonnant l’eau, la terre et les travailleurs pauvres.

Deuxième facteur de pollution numérique : « Les réseaux de télécommunication (câbles, routeurs, bornes wi-fi) et les centres de stockage de données. » Ces data centers permettent de garder en mémoire, en plusieurs exemplaires, les quantités astronomiques d’informations que nous partageons (likes, commentaires, mails, photos, vidéos…). Afin d’assurer une continuité de service pour les internautes permanents que nous sommes, ces bâtiments-machines sont très largement surdimensionnés. Très gros consommateur d’énergie, le streaming est dans le viseur du think tank The Shift Project, qui a produit en 2019 un rapport intitulé « L’insoutenable usage de la vidéo en ligne ».

Regarder une petite vidéo dans le train ou dans le métro, quoi de plus rigolo ? « Chaque minute, 1,3 million de personnes se connectent sur Facebook, 4,1 millions de recherches sont effectuées sur Google, 4,7 millions de vidéos sont consultées sur YouTube », note le journaliste Guillaume Pitron. Or, les vidéos sont très énergivores, explique le « think tank » The Shift Project dans « L’insoutenable usage des vidéos en ligne » : « Dix heures de film haute définition, c’est davantage de données que l’intégralité des articles en anglais de Wikipédia en format texte ! » Et si on appuyait une minute sur pause ?

Avoir accès à tout, partout, tout le temps…

Avoir accès à tout, partout et tout le temps a un coût. Qu’il s’agisse de nos téléphones ou des données que nous produisons à chaque seconde, « l’industrie numérique mondiale consomme tant d’eau, de matériaux et d’énergie que son empreinte est le triple de celle d’un pays comme la France. Les technologies digitales mobilisent aujourd’hui 10 % de l’électricité produite dans le monde et rejetteraient près de 4 % des émissions globales de CO2, soit un peu moins du double du secteur civil aérien mondial », précise Guillaume Pitron.

En outre, moins de 20 % des déchets électroniques sont actuellement récupérés et recyclés. Nous sommes donc loin du monde vert et dématérialisé que les multinationales du numérique continuent de nous vendre.

Augmenter la durée de vie des smartphones : un vrai enjeu

Encouragée par les pouvoirs publics, la croissance du numérique se poursuit. Son impact écologique pourrait ainsi doubler d’ici à 2025. À moins que nous n’en décidions autrement. Le 15 novembre dernier, les parlementaires adoptaient une proposition de loi « visant à réduire l’empreinte environnementale du numérique en France ». Une première en la matière.

Mais le texte initial a été largement vidé de sa substance. Exit les mesures visant à prolonger la durée de vie des équipements électroniques ou à contenir l’invasion des « applis » dans nos téléphones.

Pourtant, « 80 % des impacts environnementaux du smartphone sont situés lors de sa fabrication, souligne l’association Halte à l’obsolescence programmée (HOP). Il est donc essentiel de lutter contre l’obsolescence des appareils numériques, et en particulier l’obsolescence logicielle qui accélère le renouvellement de nos produits. »

Alors que la durée de vie d’un smartphone est inférieure à deux ans, l’association veut pousser les pouvoirs publics à « créer un indice de durabilité des produits prenant en compte le logiciel, dissocier les mises à jour de sécurité et de confort, imposer la disponibilité des pièces détachées pour les smartphones et les ordinateurs pendant cinq ans au moins ». L’Ademe propose, quant à elle, un guide pour « réduire les impacts du numérique sur l’environnement » (téléchargeable en ligne, naturellement), intitulé « La face cachée du numérique ».


À lire

La face polluée du numérique | Journal des Activités Sociales de l'énergie | LEnfer numérique. Voyage au bout dun Like« L’Enfer numérique. Voyage au bout d’un Like »
2021, Les liens qui libèrent, 21 euros

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La face polluée du numérique | Journal des Activités Sociales de l'énergie | La guerre des metaux rares« La Guerre des métaux rares. La face cachée de la transition énergétique et numérique »
2018, Les liens qui libèrent, 20 euros

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