« Le Premier Jour de paix » : l’utopie d’un avenir radieux pour l’humanité

Elisa Beiram, autrice du « Premier Jour de paix », sélectionné par la CCAS en 2024 pour intégrer ses bibliothèques, viendra parler de son roman durant l’été dans les villages vacances. ©Chiara Edwards

Lassée de lire des romans d’anticipation plus pessimistes les uns que les autres, la jeune autrice de science-fiction Elisa Beiram donne sa vision du futur dans ce deuxième roman publié dans la prestigieuse collection « La dentelle du cygne » aux éditions L’Atalante. Elle sera en tournée cet été dans les villages vacances de la CCAS pour évoquer entre autres l’irénologie, ou la science de la paix.

L’histoire

2098. Le réchauffement climatique a fait son œuvre. Les populations se massent dans les derniers et rares espaces encore vivables, et les États-nations, privés de leurs frontières, peinent à s’entendre et à maîtriser les nombreux conflits. Du vieil Aureliano, dans son village de Colombie, à Esfir, l’émissaire de la paix constamment sur la route, et à America, la diplomate : chacun à son échelle se bat pour la paix.

« Le Premier Jour de paix », d’Elisa Beiram, éditions L’Atalante, collection « La dentelle du cygne », 2023, 192 p.

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Elisa Beiram : « La paix, ce n’est pas l’absence de conflits »

À l’image de « 1984 » (1949) ou du « Meilleur des mondes » (1932), œuvres matrices du genre, la plupart des dystopies expriment une vision très pessimiste de l’avenir de nos sociétés. Pourquoi avoir choisi de prendre le contre-pied ?

Elisa Beiram – Il y a une véritable profusion de dystopies, que ce soit en littérature, en BD ou au cinéma. Je pense que cela a un effet délétère sur la manière dont on envisage le futur, alors qu’aujourd’hui, plus que jamais, on a besoin de croire à l’avenir. Il suffit de regarder une série comme « Black Mirror » : le réel rattrape désormais la fiction. La dystopie permet d’alerter, mais nous sommes maintenant bien au fait de la situation et nous pouvons avoir tendance à nous y habituer, puisque nous en avons déjà vu ou lu la description. Avec ces fictions toujours pires que la réalité, on peut même se dire que, finalement, on ne s’en sort pas si mal. J’avais envie d’aller contre ça, cela ne nous aide pas à avoir envie d’agir, voire cela nous paralyse.

Vous vous inscrivez donc dans une tendance de la science-fiction dite humaniste ?

Oui, j’aime citer « Fondation » d’Isaac Asimov, une des œuvres qui m’ont forgée. C’est sa vision positive du futur qui me porte dans la science-fiction et non le genre post-apocalyptique, où des communautés s’entredéchirent, luttent pour la survie. On a intérêt à aller repuiser dans une SF plus humaniste.

« Il était important de voir comment il est possible de dépasser sa propre violence dans son village et de propager une culture de la paix. Et, à l’échelle mondiale, de réconcilier les puissances. »

Votre roman foisonne d’éléments de compréhension et d’explications sur votre vision de ce futur à court terme. Comment avez-vous procédé pour étayer vos extrapolations ?

On trouve une courte bibliographie à la fin du livre, mais il suffit de lire « Les Guerres du climat », de Harald Welzer – écrit en 2008 – si l’on veut savoir ce qui va nous arriver… C’est très déprimant, mais très éclairant également. Cela permet de comprendre que cela n’a pas toujours été comme ça et qu’il n’y a aucune raison que cela perdure.

Le sujet de la paix, de la résolution de conflit, m’était totalement étranger à l’origine. C’était une espèce d’idéal inatteignable, une utopie. À force de lire, la résolution des conflits est devenue un sujet très concret, à toutes les échelles. Il était important de donner à voir comment il est possible de dépasser sa propre violence dans son village et de propager une culture de la paix. Et, à l’échelle mondiale, de réconcilier les puissances.

La recherche de la paix est même reconnue comme une science…

Une science qui a pour nom irénologie. Elle compare la violence à une maladie. Il ne s’agit pas d’éradiquer toute violence, comme on peut éradiquer un virus, mais de trouver de meilleurs traitements et d’apaiser. La paix, ce n’est pas l’absence de conflits, c’est la capacité à les résoudre de manière constructive.

Quel a été le déclic qui vous a amenée à écrire sur le sujet ?

La lecture de « Réjouissez-vous », de Steven Erickson. Un livre de SF dans lequel la violence est rendue impossible par l’intervention d’extraterrestres, qui se sentent « obligés » d’intervenir puisque l’espèce humaine met en danger sa propre planète. J’ai trouvé que le principe était jouissif mais utilisé de manière un trop peu facile, à l’américaine… Je l’ai repris mais avec plus de nuances.

Vous faites dire à l’un de vos personnages que les gens se battent pour les ressources et « rien d’autre au fond« . Cela signifie-t-il que les notions d’enrichissement personnel ou d’expansion étatique seraient devenues obsolètes ?

La carte du monde que j’imagine est bien défigurée. Il ne reste que quelques zones habitables qui traversent différents pays, les frontières n’ont donc plus lieu d’exister. Les exodes massifs, qui sont pour moi le présupposé de la paix, impliquent de devoir se confronter à l’Autre pour se rendre compte qu’il n’est pas si différent de nous…

Cela ne veut pas dire que les combats idéologiques ne se poursuivent pas pour autant, l’idéologie étant le plus souvent le prétexte au conflit. Se reproduire puis étendre son influence relève de l’instinct de survie, mais un système qui s’est construit sur l’exploitation, la spoliation et qui ne vise que l’accumulation n’a plus lieu d’être dans un monde où les ressources se raréfient.

Votre roman est conseillé dès l’âge de 15 ans, avez-vous déjà eu des retours de jeunes lecteurs ?

J’ai reçu récemment sur Instagram le témoignage d’un jeune qui me confiait que « Le Premier Jour de paix » était son premier livre pour adultes, en dehors des ouvrages imposés à l’école. Et qu’il lui avait donné envie d’en lire d’autres. C’est sans doute le témoignage qui m’a fait le plus plaisir parmi tous ceux que j’ai reçus.

En recourant à la science-fiction pour sensibiliser les lecteurs à la question des conflits, micro comme macro, vous considérez-vous comme une militante de la paix ?

Je crois en l’humanité, c’est aussi bête que cela et je crois que l’on peut s’en sortir. Rappelez-vous l’Empire romain, dont le déclin a duré quatre siècles. Nous pensons que nous vivrons un effondrement du même type et qu’ensuite nous pourrons construire autre chose. Mais cela ne fonctionne pas comme ça. Les changements sont très longs à se mettre en place, raison de plus pour agir dès maintenant. Dans le déclin des vieux mondes, il y a toujours les graines de ce qui doit naître ensuite. C’est important de l’avoir en tête dans nos actions de tous les jours.

Des livres et des rencontres pour l’été

Cet été, découvrez plus de 150 titres sélectionnés par la CCAS, dont des ouvrages en gros caractère : romans, polars, documentaires, bandes dessinées, mangas, poésie, science-fiction… il y en a pour tous les goûts !

Et pour anticiper vos lectures de vacances, vous pouvez déjà feuilleter la sélection adulte et la sélection jeunesse, à retrouver dès le mois de juillet dans les bibliothèques des villages vacances, sur la Médiathèque en ligne et sur la Librairie des Activités Sociales (Bénéficiez d’une participation de 25% de la CCAS  sur votre commande + frais de ports offerts ou réduits).

Voir aussi : les rencontres culturelles de l’été