Florence Fremont, 34 ans, travaille comme technicienne de conduite depuis huit ans à l’Agence de conduite régionale Enedis de la banlieue est de l’Île-de-France. Elle fait partie des 1 % de femmes qui occupent ce poste sur le territoire.
Il faut montrer patte blanche pour accéder aux bureaux de l’Agence de conduite régionale (ACR). « La salle de conduite est un lieu sensible où certaines données sont confidentielles », souligne Florence qui « badge » ici depuis 2012. Et pour cause : toute la moitié est de l’Île-de-France (du 91 au 93 en passant par le 77) dépend de ce poste de surveillance stratégique chargé d’assurer la continuité du service électrique des clients du réseau. Travaillant ici en 2 × 8 et parfois en astreinte, elle est la seule femme parmi les dix techniciens de conduite.
Sa formation suit une ligne droite : « J’ai appris la mécanique auprès de mon père, qui aimait bricoler. Puis, j’ai commencé à refaire l’électricité dans la maison familiale. Les études classiques m’ennuyaient un peu. À côté de chez moi, dans ma rue, je me souviens qu’il y avait un poste source (qui transforme le 400 000 V en 20 000 V disjoncteur, et alimente les postes publics, ndlr) et cela m’intriguait… » Sans doute prémonitoire.
Elle enchaîne BEP, CAP, bac pro, puis poursuit un BTS en alternance à l’Agence de maintenance exploitation poste source de Paris (Ameps) où elle est la première femme. « Des travaux furent réalisés pour créer des vestiaires pour femmes à mon arrivée », se remémore-t-elle. « Lorsque je suis partie, une autre femme a intégré la formation, cela m’a fait plaisir de penser que j’avais ouvert la voie. À l’Ameps, j’aimais être en relation avec le RTE : comprendre leur réseau me facilite certaines planifications aujourd’hui. »
Un travail d’équipe
Pas moins de six écrans ornent chacun des six postes de travail de la salle de commande où les alertes lumineuses et sonores laissent peu de répit. Autour d’elle ce matin, il y a Rachid, Julien, Walgens, Antony, Christophe. « On est tout le temps au téléphone et devant les écrans. » Les bureaux ajustables permettent de travailler assis ou debout.
Embauchée en 2012, elle apprécie l’aspect relationnel du métier : échanges avec les agents d’exploitation, mais aussi avec les différents clients, privés ou publics, dans les transports ou secteurs de la santé ou encore avec les producteurs qui sont dans la région (souvent des éoliennes). « Nous pilotons à distance les postes sources. Lorsqu’un incident est détecté, il faut les réalimenter et parfois envoyer un technicien intervenir manuellement, afin d’isoler la zone en incident et réalimenter les clients impactés. Sur le terrain, les agents qui interviennent sont un peu mes yeux, mais je dois aussi assurer leur sécurité, raison pour laquelle je dois parfois dire stop. »
Un échange d’informations crucial qui permet d’accorder les manœuvres de réalimentation pour minimiser le nombre de clients impactés. Pour cette pro de l’électrique, chaque panne est pourtant nouvelle. Même si aujourd’hui, lendemain de tempête, elle sait que pas mal de petites branches cassées chatouilleront les lignes et provoqueront « des microcoupures qui ne dureront que quelques minutes jusqu’à ce que la branche tombe ».
« Au téléphone, j’entendais un grand silence… »
Facile de travailler dans un milieu masculin ? « Oui. » Et elle sourit à l’évocation de ses débuts : « Les premières fois où j’ai pris des appels téléphoniques à ce poste, j’entendais un grand silence après m’être présentée, puis mon interlocuteur reprenait : “Heu… je suis bien à l’ACR ?” Oui, oui… »
Florence aime bien « la relation de confiance et le feeling » qui s’établit au fil du temps avec les agents d’exploitation, « même si on ne se rencontre presque jamais ». « J’ai su m’intégrer dans un univers d’hommes. J’espère que d’autres femmes rejoindront l’ACR… Il n’y a rien de difficile, il faut savoir s’affirmer, et ne pas s’arrêter aux blagues grivoises : c’est vrai que, de ce point de vue, il y en a parfois qui peuvent avoir tendance à oublier que je suis une femme », explique-t-elle.
D’après elle, les horaires décalés peuvent décourager les candidates. « J’ai une fille de 3 ans, mon conjoint est en horaires décalés et, jusqu’ici, cela ne m’a pas posé de problème, au contraire, je passe parfois de longs moments avec elle. » Florence sait qu’elle a eu la chance d’avoir « une hiérarchie qui valorisait la mixité et qui sait se montrer compréhensive vis-à-vis de certains impératifs de la vie familiale, détail important lorsque l’on a un enfant…
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