« Les jeunes, il faut croire en eux ! »

"Les jeunes, il faut croire en eux !" | Journal des Activités Sociales de l'énergie | 40968 Marie Rose Moro Ecrivain et psychiatre psychanaliste

Psychiatre, psychanalyste, enseignante et chercheuse, Marie Rose Moro s’est spécialisée dans l’adolescence et les migrations. ©Charles Crié/CCAS

Si les jeunes semblent avoir moins d’ambition pour eux-mêmes et pour la société, c’est en partie à cause du regard que leurs parents portent sur eux, estime Marie Rose Moro, pédopsychiatre à Paris.


Marie Rose Moro dirige La maison de Solenn au sein de l’hôpital Cochin, à Paris, qui accueille des adolescent.es de 11 à 18 ans et leurs familles. Elle est aussi pionnière de la psychiatrie transculturelle, qui accompagne les enfants de migrants et leurs familles. Elle a fondé et préside l’Association internationale d’ethnopsychanalyse.

À quoi rêvent les jeunes ?

La plupart du temps, les adolescents me disent : « Jamais on ne m’interroge là-dessus. » Ensuite, ils me répondent : « On a tous des rêves différents. » Ils revendiquent des rêves individuels plutôt que collectifs, contrairement à la jeunesse de 1968, par exemple. Ils évoquent aussi des formes d’engagement à la fois très ancrées dans la proximité et très mondialisées. Autour de l’écologie et de l’humanitaire, en particulier.

« Les jeunes réussissent des tas de choses ! »

Sont-ils trop occupés à réaliser les rêves de leurs parents pour réaliser les leurs ?

Les parents demandent trop souvent aux enfants soit de réaliser ce qu’ils n’ont pas pu accomplir eux-mêmes, soit de rester dans la continuité des rêves parentaux réalisés. Dans les deux cas, on les enferme dans nos propres projections. Les aspirations des jeunes sont liées aux évolutions de la société. Par exemple, il ne s’agit plus aujourd’hui de trouver un CDI à tout prix sans se poser la question du sens de son travail. Si on considère les jeunes à l’aune des normes de leurs parents, on a l’impression qu’ils ne réussissent pas. En réalité, ils réussissent des tas de choses !

Ont-ils pour autant renoncé à changer le monde ?

Ils ont souvent des rêves individuels, mais qui se rattachent quand même à de grandes causes, comme la protection de l’environnement. Simplement, ils veulent qu’on leur laisse plus de liberté, ils veulent inventer leur propre mode d’emploi. Leurs idéaux sont peut-être moins utopiques. Ils expriment moins l’idée qu’ils peuvent changer le monde.

« On n’a pas assez cru dans leurs valeurs. Du coup, ils sont un peu obligés d’adopter les nôtres. »

Vous dites que la jeune génération manque de combativité.

Je constate qu’un certain nombre d’adolescents ne croient pas en eux-mêmes, dans leur capacité à changer le monde ou à réaliser quelque chose d’important pour eux. Ils y renoncent parfois trop vite. Mais je pense que c’est à cause de nous, leurs aînés. On n’a pas assez cru dans leurs valeurs. Du coup, ils sont un peu obligés d’adopter les nôtres. Certains, pour ne pas décevoir leurs parents, se censurent, se font du mal. Je les trouve courageux et très loyaux. Mais on ne se bat pas pour les valeurs de ses parents comme on se bat pour les siennes.

On n’a pas non plus les mêmes rêves selon le milieu où l’on vit…

C’est vrai. J’ai en tête l’exemple d’un petit garçon originaire du Maroc. Il rêve d’être styliste, de dessiner des robes pour ses soeurs et pour toutes les femmes. Mais dans le milieu où il vit, un garçon ne devient pas styliste. L’école voulait qu’il s’oriente vers la mécanique automobile, alors il a traversé un moment de grande dépression, avant d’arriver dans mon bureau. Souvent, en raison de son milieu, on est obligé de renoncer à certains rêves. Mais, je sais que Samy sera styliste et je l’y aiderai.

« Notre génération résiste à des transformations qui sont déjà là. »

Qu’est-ce qui pourrait permettre aux jeunes de prendre davantage leur place dans la société ?

Il faut croire en eux, en leur capacité à inventer de nouveaux modèles. On a tendance à les censurer, les critiquer, les contrôler. Notre génération résiste à des transformations qui sont déjà là.

Pour aller plus loin

« Et si nous aimions nos ados ? », avec Odile Amblard, Bayard, 2017, 14,90 €
« Osons être parents ! », avec Odile Amblard, Bayard, 2016, 14,90 €
« Enfants de l’immigration, une chance pour l’école », Bayard, 2012, 18 €

> D’autres publications de Marie Rose Moro sur Cairn.info

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