À l’occasion du Mois des fiertés, la rédaction revient sur la nécessité de mener la riposte contre les attaques réactionnaires à l’égard des personnes LGBT+ et notamment des personnes trans, à l’échelle nationale et internationale. Les Activités Sociales, de par leurs orientations politiques, luttent à leur échelle avec des propositions culturelles inclusives, rappelle Valérie Thuderoz, présidente des Commissions internationale et égalité femmes-hommes de la CCAS.
Dans cet article, l’expression « LGBT+ » désigne les minorités sexuelles et de genre : personnes lesbiennes, gaies, bi/pansexuelles, trans, asexuelles, intersexes, queer, non binaires… c’est-à-dire un large spectre de genres, d’identités et d’orientations sexuelles. De même, le terme « LGBTphobies » qualifie les propos ou comportements de haine ou discriminatoires en raison de l’identité sexuelle ou de genre, réelle ou supposée.
« Pardon, pardon aux homosexuels de France qui ont subi, quarante années durant, cette répression totalement inique », a entamé l’ancien garde des Sceaux lors de l’adoption par l’Assemblée nationale, le 6 mars dernier, d’un texte réhabilitant les victimes de la criminalisation de l’homosexualité en France. Abrogé en 1982 par la loi Forni, le délit d’homosexualité avait entraîné plus de 10 000 condamnations depuis son instauration par le régime de Vichy.
Symbolique, puisque non assortie d’indemnisation lors de son vote final au Sénat, cette réhabilitation est un pas de plus dans la reconnaissance des droits des minorités sexuelles et de genre qui progresse en France depuis les années 1980 : ouverture du Pacs aux couples homosexuels (1999) puis légalisation du mariage entre personnes de même sexe (2013), suppression de la transidentité de la liste des affections psychiatriques (2010), etc.
Un retour de bâton conservateur inquiétant
Mais c’est sans compter le backlash auquel on assiste ces derniers mois dans le débat public : ce retour de bâton conservateur, hostile au progrès social pour les minorités, se manifeste, selon SOS homophobie, par « un climat politique et social réactionnaire qui ne cesse de prendre pour cible les personnes LGBTI ». En France, les actes anti-LGBT+ ont augmenté en 2023, estiment les associations : en plus des violences et discriminations, SOS Homophobie pointe « la parole haineuse […] absolument décomplexée et banalisée constatée sur les réseaux sociaux, dans les conversations quotidiennes… surtout dans la bouche de personnalités publiques, souvent politiques, drelayées par des médias complaisants toujours trop prompts à se saisir d’une nouvelle ‘panique morale’ qui puisse créer l’agitation ».
Particulièrement touchées par ces discours haineux, les personnes trans sont victimes d’une véritable croisade diffamatoire et ultraviolente à l’échelle internationale, destinée à invisibiliser et nier leurs vécus. Or, derrière les offensives idéologiques contre les prétendues « théorie du genre », « idéologie transgenre » et « wokisme », c’est une vision rétrograde, autoritaire et restreinte du droit à disposer de son corps qui avance, à peine masquée, soutenue par les droites et les extrêmes droites. Face à cela, rappelle SOS Homophobie, « nommer les existences LGBTI, les incarner, les rendre visibles, et éduquer sur les mécaniques discriminatoires pour savoir les identifier et les endiguer » est une « étape fondamentale » de la lutte contre les discriminations.
C’est sur cette voie que les Activités Sociales s’engagent, au travers de la prévention des discriminations et des violences, et par l’éducation populaire aux questions sociales et sociétales que posent la diversité des genres, des orientations et des identités sexuelles.
Une politique culturelle inclusive
« La CCAS dans ses orientations porte clairement un parti pris politique, rappelle Valérie Thuderoz, présidente de la Commission activités internationales et de la Commission égalité femmes-hommes de la CCAS. En nous engageant dans des démarches sociétales et solidaires et en les partageant avec les bénéficiaires, nous contribuons, à notre niveau, à sensibiliser et à faire évoluer la société sur bon nombre de questions. D’autant que, depuis des mois, le contexte national et international est violent. »
« Il est normal que la CCAS s’interroge sur tous les sujets de société […]. Notre action de lecture contribue, je pense, à poser une petite pierre à l’édifice pour éclairer les familles sur les enjeux de l’autodétermination de genre et d’orientation sexuelle, pour que chacun trouve des réponses à ses questions dans un respect mutuel. »
Valérie Thuderoz, présidente des commissions activités internationales et égalité femmes-hommes de la CCAS
C’est notamment au travers de leur politique culturelle que les Activités Sociales s’engagent : « Il est normal que la CCAS s’interroge sur tous les sujets de société, en représentant 1 % de la population en France, poursuit Valérie Thuderoz. Car beaucoup de sujets viennent impacter les bénéficiaires. La culture est un très bon moyen, si ce n’est le meilleur, pour s’ouvrir l’esprit et éclairer les autres. »
Les Activités Sociales, à tous niveaux et notamment dans le cadre de leur politique culturelle, proposent des dotations livres jeunes et adultes abordant le genre et l’orientation sexuelle, « afin que les jeunes usent de leur droit à l’autodétermination », résume Valérie Thuderoz. « Notre action de lecture contribue, je pense, à poser une petite pierre à l’édifice pour éclairer les familles sur les enjeux de l’autodétermination de genre et d’orientation sexuelle, pour que chacun trouve des réponses à ses questions dans un respect mutuel. »
« Les Activités Sociales vont souvent à contre-courant lorsque des causes sont à défendre. Si on attendait d’avoir l’autorisation de tous pour se donner le droit de parler, on ne dirait pas grand-chose. Or nous représentons un large panel de la population, dont des bénéficiaires LGBT+, qu’ils soient ouvrants droit ou ayants droit. Et aussi des bénéficiaires qui ne sont pas directement concernés mais qui sont sensibles et ouverts à ce sujet et à la défense des droits. Quand bien même les personnes LGBT+ sont une minorité, c’est un sujet de société qui a toute sa place, même si cela dérange ! Tout comme de parler des violences faites aux femmes ou intrafamiliales, du droit à l’avortement, de la PMA. Chaque sujet de société nous touche : alors, pourquoi s’interdire d’en parler ? »
Transidentité et non-binarité : inclure tout le monde dans l’entreprise
Du côté du monde du travail, l’association L’Autre Cercle milite « en douceur » pour que les politiques d’entreprise soient de plus en plus inclusives, explique Florian Baratte, son président, par ailleurs agent EDF. « L’Autre Cercle accompagne les acteurs du management de la diversité et de l’inclusion dans le monde professionnel, détaille-t-il. L’association observe la situation des personnes LGBT+ dans le monde du travail et fait la promotion de ses actions et de ses valeurs afin de faire évoluer les mentalités. » Elle propose la signature d’une charte d’engagement LGBT+, dont certaines entreprises des Industries électriques et gazières sont par ailleurs signataires.
L’Autre Cercle vient de publier un guide pour l’inclusion des transidentités et non-binarités au travail : réalisé avec le soutien de la Délégation interministérielle à la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la haine anti-LGBT (Dilrah), et avec l’appui, notamment, de l’association OUTrans, cet ouvrage se compose d’une partie pédagogique (vocabulaire, concepts, cadre juridique…), d’un volet dédié aux outils utiles en entreprise (comment agir face à des cas concrets ?) et d’un ensemble de ressources pour faire vivre l’inclusion au travail.
« Le point nodal [de l’inclusion] est de démystifier la transidentité et la non-binarité, sujets sur lesquels la sensibilisation est cruciale. »
Florian Baratte, agent EDF et président de l’Autre Cercle
« Notre guide permet d’accompagner les entreprises dans le parcours d’inclusion des personnes trans et non-binaires, résume Florian Baratte. Il répond aux questions, propose des solutions simples et concrètes. D’un côté, il éclaire les personnes non renseignées, qui ont une perception de ces sujets parfois déformée, et qui peuvent s’attendre à des complications dans le cadre du travail ; d’un autre, il répond aux attentes des personnes concernées. Le point nodal est de démystifier la transidentité et la non-binarité, sujets sur lesquels la sensibilisation est cruciale. J’ajoute que le guide est en accès libre sur notre site : j’invite tout le monde à le consulter ! »
Le guide pour l’inclusion des transidentités et non-binarités au travail
Le prochain projet de L’Autre Cercle est de travailler à une enquête et un guide dédiés aux jeunes en fin d’études dans l’enseignement supérieur, dans le prolongement de la charte de l’enseignement supérieur proposée par L’Autre Cercle. « Ces jeunes sont une génération charnière, à la lisière des études et du monde du travail. On a déjà quelques indicateurs selon lesquels les jeunes sont plus préoccupés par les questions de diversité, d’environnement… que leurs aînés. Cette enquête permettra donc de mieux prendre en compte les aspirations de la jeune génération à venir sur le marché du travail. »
« Un sursaut patriarcal » contre lequel il faut lutter
« Avec la montée des extrêmes droites en France et en Europe, on mesure l’impact négatif pour les femmes et les personnes LGBT+, rappelle Valérie Thuderoz. Il y a très clairement un sursaut patriarcal qui est en train de gonfler le torse pour reprendre du terrain, et toujours aidé par les mêmes médias. On peut donc être à la fois effrayés mais aussi résolument vent debout contre ces idéologies réactionnaires. »
Et de rappeler qu’il est possible et même urgent de se mobiliser. Au niveau européen, une initiative citoyenne pour l’interdiction des thérapies de conversion (qui prétendent modifier l’orientation sexuelle par des moyens qui vont des stages à l’exorcisme, des électrochocs à l’injection d’hormones, et qui ne reposent sur aucun fondement médical ou thérapeutique) a recueilli près de 1,3 million de signatures, ce qui oblige la Commission européenne à s’emparer du sujet. Onze pays, dont la France, ont obtenu le seuil requis de signatures au 17 mai – Journée mondiale de lutte contre l’homophobie – pour valider la pétition. « Cette interdiction viendrait sécuriser les personnes LGBT+, et constitue un beau pied de nez aux idées de l’extrême droite », conclut Valérie Thuderoz.
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