Martine Leroy (CMCAS Finistère-Morbihan) a rejoint l’Association d’accompagnement aux victimes de violences intra-familiales (AAVVIF) © Charles Crié/CCAS
Ni le camion qui l’a rendue invalide, ni son ex-mari qui l’a agressée sexuellement à deux reprises n’ont pu abattre Martine Leroy, 53 ans, conseillère clientèle chez Engie à Quimper. Sa meilleure thérapie? Son engagement dans une association d’accompagnement aux victimes de violences intrafamiliales.
« Oui il y a une vie après », une vie « normale » après l’expérience d’un traumatisme, assure Martine Leroy, conseillère clientèle chez Engie à Quimper (CMCAS Finistère-Morbihan), en invalidité depuis 2016. Si le chemin vers la résilience a été douloureux, difficile, long et semé d’embûches, il a néanmoins été possible.
En 2008, Martine est agressée sexuellement une première fois par son ex-mari, le père de ses enfants. « Je suis une enfant de Dolto : je pensais qu’il ne fallait pas rompre le lien entre mes enfants, qui étaient petits, et leur père. C’était une erreur. Il a maintenu une emprise sur nous. Cela a conduit à la seconde agression », admet-elle.
Malgré sa condamnation, son ex-mari la harcèle, la menace de mort. Avec l’aide de Gilles Canqueteau, qui est alors président de la CMCAS Finistère-Morbihan, la mère de famille et ses enfants sont, un temps, mis à l’abri au centre CCAS de Fouesnant. En 2011, profitant de ce que les enfants sont partis en colo, l’ex-mari récidive : il tabasse Martine, la viole, la laissant en état de choc post-traumatique.
Les procédures médicales, d’enquêtes puis judiciaires, que toutes les victimes doivent affronter, s’enchaînent. Heureusement, Martine est bien épaulée. C’est sans compter sur les questions de culpabilité qui la rongent… « Comment expliquer aux enfants que leur père m’a agressée? Comment ai-je pu me tromper à ce point sur son compte ? » Il lui faut pourtant faire face : « J’ai tenu grâce à mes enfants. Ils m’ont empêchée de couler », avoue-t-elle.
« Une victime reste abîmée, quelle que soit la réparation pénale »
Martine entame un long processus de réparation, sans lequel toute résilience est impossible. « La thérapie est essentielle pour restaurer son statut de sujet, l’image de soi et la confiance ; pour se défaire du sentiment de culpabilité, aussi. Une victime reste abîmée, quelle que soit la réparation pénale », explique-t-elle.
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Une femme debout
Pour surmonter cette terrible épreuve, elle s’engage pour les autres. En 2020, elle crée l’AAVVIF, l’Association d’accompagnement aux victimes de violences intra-familiales, dans le sud-ouest du Finistère, dont ses enfants, Donatien et Mailyne, sont respectivement vice-président et secrétaire. Il s’agit d’assister les personnes violentées au sein de la cellule familiale, sans toutefois faire à leur place. « Aux victimes de faire leur chemin pour prendre part à leur reconstruction, à leur rythme. Parfois ça prend des années », précise-t-elle. Être acteur pour ne pas subir à nouveau. À ce jour, l’AAVVIF a accompagné 600 personnes jusqu’à leur procès. L’association intervient également dans les écoles, dans des festivals – elle était présente à Breizh’Énergies, les 28 et 29 septembre dernier, à Poullaouen (Finistère), ou encore à l’occasion des journées du 8 mars et du 25 novembre 1, pour informer, faire de la prévention, éduquer les jeunes notamment, et surtout « semer des graines ».
« Je ne me suis jamais résignée. J’ai toujours lutté pour être indépendante, comme tout le monde, Je veux ouvrir le champ des possibles. »
Martine est une femme cabossée, mais une femme debout. Au sens propre comme au figuré. Car, depuis l’âge de 13 ans, elle s’est acharnée à « vivre normalement » malgré un handicap : en 1984, un camion l’a percutée de plein fouet, lui abîmant gravement la jambe droite. Elle a frôlé l’amputation. En dépit de la chirurgie réparatrice et de longs mois d’hôpital, elle a conservé une claudication irréversible. Les douleurs sont son lot quotidien. « Dès que j’ai pu, je suis remontée à vélo et je portais des jupes malgré les cicatrices », raconte-t-elle. Jeune femme, elle a mené son bonhomme de chemin grâce à une volonté de fer. « J’ai toujours voulu escalader les montagnes », plaisante-t-elle.
En 2003, elle a été embauchée comme conseillère commerciale à l’agence EDF-GDF d’Avranches (Manche), avec un statut de travailleur handicapé. « J’ai appris à vivre ainsi, confie Martine. Je ne me suis jamais résignée. J’ai toujours lutté pour être indépendante, comme tout le monde, Je veux ouvrir le champ des possibles. » Elle se définit comme « une personne ayant une particularité, une ancienne victime », mais refuse d’être réduite à cela. Elle lance en plaisantant : « Je suis plus complexée par mes kilos en trop que par ma guibole. » Martine préfère que l’on retienne d’elle sa joie de vivre, son énergie débordante, sa capacité à dépasser les épreuves et aussi son aptitude à toujours aller de l’avant. Sa vie d’après porte le prénom de Pascal. « Un jour, j’ai appelé un plombier pour une réparation. Il n’est plus jamais reparti », glisse-t-elle dans un rire.
1. Le 8 mars est la Journée internationale des droits des femmes ; le 25 novembre, la Journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes
