« Ne croyez surtout pas que je hurle » : un film coup de poing sur la puissance du cinéma

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Ne croyez surtout pas que je hurle », ode au septième art ©Capricci films

Frank Beauvais nous livre un journal intime poignant, récit des six mois de sa vie passés dans un petit village isolé d’Alsace après une rupture amoureuse. Six mois passés à visionner des centaines de films. Plus qu’un hommage au cinéma, « Ne croyez pas que je hurle », documentaire soutenu par l’Acid et la CCAS, est un film puissant sur le pouvoir salvateur du septième art.

Qui ne s’est jamais enfermé durant tout un week-end pour visionner en continu trois ou quatre saisons de sa série préférée ? Qui n’a pas au moins une fois tremblé, trépigné, sué comme un junkie en manque en attendant la sortie de la dernière saison de « Game of Thrones », « House of Cards », ou pour les plus anciens fans, « X-files » ou « 24 heures chrono » ? Si c’est votre cas sachez-le, vous êtes « accro ». « Accro » comme Frank Beauvais, réalisateur de « Ne croyez surtout pas que je hurle », film soutenu par l’Acid et la CCAS sorti cette semaine, l’est au cinéma. Sous toutes ses formes.

Entre janvier et octobre 2016, il en visionné plus de 400 films. Ce Parisien d’adoption a suivi son compagnon dans la verdoyante campagne alsacienne où il a lui-même grandi, autant par amour que pour échapper à la folie trépidante de la capitale. Sans se douter qu’il allait sombrer peu à peu dans un autre genre de folie.

Après leur rupture, il se retrouve isolé dans le petit village de l’Est, sans permis de conduire, ni travail. La forêt majestueuse et les paysages vallonnés autrefois havres de paix, ne font à présent que le ramener à sa solitude. Et ce ne sont pas les habitants du hameau, austères, méfiants, confits dans des traditions de plus d’un demi-siècle et refusant toute incursion malvenue dans leurs terres, qui vont l’inciter à sortir de son isolement qui n’a rien de splendide.

Alors il s’enferme chez lui. S’enivre. De musique, de lecture, mais surtout de cinéma. Tout y passe, des films de l’ex-bloc soviétique aux drames allemands ou aux films érotiques scandinaves, en passant par les thrillers européens ou hollywoodiens et autres pépites dénichées sur le Net. Un « binge watching » (marathon cinéma) comme on en voit rarement.

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Frank Beauvais, isolé après une rupture amoureuse, sombre dans l’addiction … au cinéma ©Capricci films

Ce terme, désignant le phénomène qui consiste à regarder plusieurs épisodes d’une série d’une seule traite comme on boirait un whisky cul sec, s’applique parfaitement à l’histoire de Frank. Les films ainsi dévorés deviennent pour lui une fenêtre sur d’autres univers, une échappatoire à son morne quotidien. Une échappatoire face aux fracas du monde, qui font de temps à autre irruption, via son fil d’actualité Google.

Car sa retraite subie ne le rend pas indifférent aux horreurs qui défilent sous ses yeux. Pire, il enrage, bouleversé tant par les victimes des attentats qui se multiplient en cette période, que par leur récupération politique, la cohésion nationale imposée, et la restriction des libertés publiques qui s’en suit. Impuissant, il se réfugie dans sa routine quotidienne. Mais il fustige aussi sa propre lâcheté. Et replonge dans les films, qui lui offrent un bienvenu shoot d’évasion et d’extase artistique.

Comme un lion en cage

On le regarde se débattre, en permanence au bord du gouffre, entre colère et découragement. « Trop vieux pour la révolution, mais trop jeune pour le renoncement », dira-t-il en constatant les violences policières, la violence économique et sociale, ou l’abandon des réfugiés en Méditerranée.

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La France, encore sous le choc des attentats de novembre 2015, est en état d’urgence. ©Capricci films

Face à cela, sa bulle de cinéma le protège. Mais elle l’éloigne de sa propre vie, dont il n’est plus acteur. Les visionnages le maintiennent dans un monde irréel. Tel un paraplégique cloué à son fauteuil, privé d’autonomie, il n’existe qu’à travers les personnages qu’il voit à l’écran. Il n’existe qu’à travers la fiction et la création artistique. Mais celle d’autrui. L’échappatoire devient prison. Paradoxalement, c’est aussi en eux qu’il puise l’énergie de sa survie. L’étincelle est toujours là. Quelque chose en lui continue de crier.

Du désespoir à la magie de la création

Alors quoi ? Faut il en rester là, dans un « àquoibonisme » aussi confortable que déprimant ? Que faire de toutes ces images accumulées ? Que faire de sa colère, de cette étincelle qui ne demande qu’à s’embraser ? De cette oscillation permanente entre fureur de vivre et désolation ?

C’est décidé, il poussera la contradiction jusqu’au bout : il en fera une œuvre cinématographique, mais sans caméra, sans filmer lui-même quoi que ce soit. Ce fatras d’images, noir et blanc ou couleur, anciennes ou récentes, glanées au hasard de ses voyages en « cinéfolie », il va l’ordonner, le maîtriser.

C’est le récit de ce journal intime livré en voix off qui va leur donner une cohérence. Il rendra muettes ces images, en supprimant la bande-son originale, afin de les faire coller à sa propre histoire et de les réutiliser à ses seules fins. C’est ainsi qu’il reprend le contrôle. Sur le monde. Sur lui-même. C’est ainsi qu’il renaît à la vie.


La fiche

"Ne croyez surtout pas que je hurle" : un film coup de poing sur la puissance du cinéma | Journal des Activités Sociales de l'énergie | 83225 Affiche du film Ne croyez surtout pas que je hurle« Ne croyez surtout pas que je hurle »
Un film de Frank Beauvais
France, 2019, 1 h 15
Production : Les Films du Bélier, les Films Hatari, le studio Orlando
Distribution : Capricci, Les Bookmakers


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L’Acid : donner une chance à tous les films d’être vus.

Ce film bénéficie du soutien de l’Association du cinéma indépendant pour sa diffusion (Acid).

Site Internet : www.lacid.org
Plus d’infos sur ce partenariat sur ccas.fr

Née en 1992, l’Acid est une association de cinéastes qui œuvre à rendre accessible le cinéma indépendant à tous les publics, en lien avec l’action culturelle de proximité. En cela, elle partage la philosophie de la CCAS, dont elle est partenaire. Afin d’offrir une vitrine aux jeunes talents, l’Acid présente une programmation au Festival de Cannes, et au festival Visions sociales de la CCAS.

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1 Commentaire
  1. Besenval 5 ans Il y a

    Le film est une déconstruction du cinéma qui fait de celui-ci un réservoir d’illustrations d’un discours continu et vient perpétuellement en rabattre toute résonance possible pour aboutir à une redondance seulement décalée par le seul effet du montage. L’image court après les mots et fait du sur-place.

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