Avec sa lecture musicale intitulée « Lettres d’amour en temps de guerre », la comédienne Sonia Masson porte la voix de six poètes, aux côtés du violoncelliste Didier Petit. Des poètes, mais avant tout des hommes dotés d’une insatiable envie de vivre et d’aimer, malgré le conflit dans lequel ils sont engagés.
« Lettres d’amour en temps de guerre », par Sonia Masson et Didier Petit.
Lectures musicales à retrouver cet été dans les villages vacances.
En quoi consiste votre spectacle ?
« Lettres d’amour en temps de guerre » est un montage de poèmes que je récite. Je suis accompagnée par un musicien, Didier Petit, qui improvise une mélodie en fonction des poèmes. J’ai choisi six poètes : trois Français, Guillaume Apollinaire, Jacques Prévert et Robert Desnos, un Allemand, Bertolt Brecht, un Turc, Nazim Hikmet et un poète chilien, Pablo Neruda. Tous ont sublimement exprimé leur sentiment d’amour, adressé à un être chéri, – une femme, un enfant, un ami – poèmes écrits pendant une guerre, un conflit.
Comment a germé l’idée de bâtir un spectacle à partir de ces lettres ?
Au départ, il s’agissait d’une demande pour la célébration du centenaire de la Première Guerre mondiale. Mais la guerre de 1914-1918 étant la mère de toutes les guerres, j’ai élargi mon champ d’investigation. Je travaille principalement sur la poésie. J’ai cherché des poésies traitant de la guerre. Puis j’ai retenu le thème des lettres d’amour.
Qu’est-ce qui caractérise vos poètes ?
Ces poètes étaient tous très engagés politiquement. Ils ne rejettent pas la guerre – ils s’y engagent même, pour conquérir la paix et affirmer l’amour et le bonheur de tous. Ils aimaient la vie, la vivaient intensément, en profitant de tout ce qu’elle pouvait leur offrir. Pas un seul moment, ils n’ont cessé d’être amoureux ; des amoureux passionnés. Ces soldats, combattants pour la paix, se raccrochaient à leur amour. Ces lettres d’amour, ces poèmes d’amour sont l’affirmation de la vie.
Quel est votre poème préféré ?
Ouh là là, c’est dur de choisir ! Alors je choisirai un poème très court : « Le couplet du verre de vin » de Robert Desnos, écrit en 1942. Desnos était prophétique, il a annoncé la manière dont il mourrait. Il est mort en déportation. Et ce poème est, pour moi, un concentré de l’homme qui n’a pas peur du combat. Lorsque la guerre se présente, il ne la fuit pas mais l’affronte, avec en plus l’espoir et la joie qu’il communique aux autres.
Comment envisagez-vous l’avenir après la crise sanitaire qui a terrassé le monde de la culture ?
Ma réflexion aujourd’hui porte sur la façon de renouer avec le public sans passer par le virtuel. Il est très difficile pour les travailleurs des arts et de la culture de se projeter car il y a beaucoup trop d’inconnues. Nous ne savons quand nous pourrons reprendre notre activité ni dans quelles conditions. Les spectacles annulés ne seront pas reprogrammés de sitôt. Les théâtres achètent des spectacles mais refusent de plus en plus de financer le temps de la création.
Nous sommes souvent considérés comme des parias. La culture est un antidote à la médiocrité, au train-train quotidien, à la parole formatée. Elle est nécessaire à chacun ; c’est ce qui rend les gens beaux et heureux. Le public nous remercie de l’avoir aidé à mieux supporter le confinement mais cela ne suffit pas. Il doit mener le combat de la culture avec nous, à nos côtés. Nous ne pourrons le mener sans lui.
Le couplet du verre de vin,
de Robert Desnos
« Quand le train partira n’agite pas la main,
Ni ton mouchoir, ni ton ombrelle,
Mais emplis un verre de vin
Et lance vers le train dont chantent les ridelles
La longue flamme du vin,
La sanglante flamme du vin pareille à ta langue
Et partageant avec elle
Le palais et la couche
De tes lèvres et de ta bouche. »
Tags: Éducation populaire Rencontres culturelles