Fermées pour cause de confinement, les librairies indépendantes s’organisent pour la pérennité du commerce de proximité. Le « cliquez-retirez », qui permet de commander un livre et de le récupérer dans sa librairie de quartier, s’impose comme un mode de résistance efficace et accessible face aux géants de la vente en ligne.
Considérées par les pouvoirs publics comme commerces « non essentiels », les librairies indépendantes sont en danger. Fin octobre, elles ont dû baisser le rideau de leurs boutiques, tandis que grâce à la vente de biens considérés, eux, comme essentiels (téléphonie, informatique…), la Fnac ou les supermarchés pouvaient laisser leurs rayons livres ouverts.
Devant la levée de boucliers, le gouvernement a demandé la fermeture des rayons livres dans ces grandes surfaces, laissant le champ libre aux géants de la vente en ligne. Une décision qui heurte Roselyne Gutierrez, responsable de la librairie La Renaissance, implantée dans le quartier du Mirail à Toulouse, partenaire de la CCAS pour le grand sud-ouest.
« Notre boulot c’est de faire en sorte qu’au milieu de la marée des livres publiés (65 à 66 000 par an, ndlr), un auteur puisse trouver le chemin de ses lecteurs, dans nos librairies bien-sûr mais aussi partout où nous pensons que le livre a sa place : dans les initiatives de quartiers, les écoles et les universités, dans les comités d’entreprise et les bibliothèques », rappelle la directrice de la plus ancienne librairie indépendante de la ville rose.
« Cela requiert une action de terrain, un dialogue, des conseils, des rencontres avec les auteurs. Tout cela, nous ne pouvons plus le faire », tempête la libraire, qui souligne néanmoins la petite avancée que constitue l’annonce par le gouvernement, le 5 novembre, de l’instauration d’un rabais sur les tarifs d’envoi de bouquins depuis les librairies indépendantes. Et d’inviter les dévoreurs de livres à les commander en ligne et à venir les récupérer dans leur librairie de quartier.
20 millions de livres à portée de clic
Devant la menace, les librairies indépendantes se sont organisées. Ainsi, librairiesindependantes.com est le premier moteur de recherche de livres en France. Il fédère à lui seul, 16 portails de libraires indépendants, nationaux, régionaux ou spécialisés, soit plus de 1 200 librairies implantées sur l’ensemble du territoire, qui se sont toutes lancées dans le « click and collect » (« cliquez-retirez »). Le portail donne ainsi accès, instantanément, aux 20 millions de livres disponibles dans ces librairies. Les initiateurs rappellent, à toute fin utile, que depuis 40 ans, le prix du livre est le même partout…
Le Salon du livre et de la presse jeunesse de Montreuil, partenaire des Activités sociales de l’énergie et dont la 36e édition se déroule en ligne, publie également une carte interactive de ses librairies partenaires.
« Stopper Amazon avant qu’il ne soit trop tard »
Les 120 signataires de la tribune que publie Franceinfo le 16 novembre dernier, font le constat d’une « crise sans précédent qui a une nouvelle fois révélé les profondes inégalités de notre société ». Ils demandent l’instauration d’une taxe exceptionnelle sur le chiffre d’affaires d’Amazon.
Du coté des éditeurs, le Syndicat national de l’édition affirme que « la lecture est une activité essentielle à nos vies citoyennes et individuelles ». Les illustrateurs, écrivains et libraires souscrivent à ce principe et lancent un appel : « laissez nos librairies ouvertes pour que le confinement social ne soit pas aussi un isolement culturel ». Sur le plan économique, entre rentrée, prix littéraires et fêtes de fin d’année, la période représenterait 25 % du chiffre d’affaire des librairies.
Parmi les auteurs mobilisés, l’écrivain Laurent Gaudé affirme dans une tribune publiée le 6 novembre dernier dans les colonnes de « Libération » : « Il faut rouvrir au plus vite les librairies, non pas du bout des lèvres, comme une exception consentie qu’on accorderait par mansuétude, mais avec volonté et fierté. Haut et fort. Accompagner cette réouverture d’un discours politique sur l’importance du service public, de l’art pour tous, du désir de culture comme projet politique. Il n’y a que comme cela que cette réouverture aura un sens ».
Des initiatives solidaires en pagaille
Du côté des initiatives solidaires, notons l’opération « Donnez à lire » lancée par le Secours populaire français. Le principe est simple : entre le 17 octobre (Journée mondiale du refus de la misère) et le 20 novembre (Journée internationale des droits de l’enfant), les clients des librairies indépendantes sont invités à ajouter un livre jeunesse à leurs achats, et à le remettre à leur libraire ; ce livre sera offert à un enfant ou un adolescent accompagné toute l’année par les équipes du Secours populaire.
Les Activités Sociales, qui font de la diffusion et de la rencontre avec les auteurs un des axes majeur de leur action culturelle, vous invitent à réserver vos choix et vos achats de livres auprès de leurs librairies partenaires : la librairie Diderot à Nîmes (34), la librairie Jean-Jacques Rousseau à Chambéry (38), ou la librairie La Renaissance à Toulouse (31).
Aussi, comme d’autres CMCAS, la CMCAS Chartres-Orléans appelle à soutenir les librairies indépendantes qui s’organisent pour permettre un accès aux livres en dehors des grandes plateformes de commerces en ligne.
« Ces professionnels contribuent à faire vivre la pensée, le voyage intérieur et tant d’autres choses », peut-on lire sur le site internet de la CMCAS, qui nous invite à aider cette filière en commandant nos ouvrages dans les librairies proches de chez nous. Et de proposer aux bénéficiaires une carte interactive des librairies indépendantes qui participent au « cliquez-retirez » partout en France.
Il y a forcément un livre, quelque part, qui n’attend que vous… Et si, comme l’écrivait le romancier breton Louis Guilloux « Le livre, c’est le pain des rêves », alors les librairies sont les boulangeries des songes.