Pour Gilles Pereyron, le droit à l’énergie durable est un droit constitutionnel

Gilles Pereyron, vice-président de l'ONG Droit à l'énergie SOS Futur.

Gilles Pereyron, vice-président de l’ONG Droit à l’énergie – SOS Futur. ©Éric Raz/CCAS

Si on ne développe pas l’accès à l’énergie, on ne pourra pas réduire la pauvreté dans le monde, plaide Gilles Pereyron, vice-président de l’ONG Droit à l’énergie – SOS Futur et retraité d’EDF, qui lutte pour un meilleur accès à l’énergie durable pour tous à l’international. 

Depuis la création de votre association en 2000, l’accès à l’énergie a-t-il progressé dans le monde ?

En 2000, 2 milliards de personnes n’avaient pas accès à l’énergie. Aujourd’hui, elles sont 1,4 milliard. Globalement, ça a un peu progressé. Mais il y a beaucoup de gens qui n’ont pas un accès permanent à l’énergie, dont 650 millions en Afrique. Dans le monde, 2,8 milliards de personnes sont contraintes de se chauffer et de cuisiner à partir de combustibles dangereux pour la santé.

En quoi le droit à l’énergie est-il, selon vous, si important ?

L’ONU a fixé des objectifs pour le millénaire : sortie de la pauvreté, accès à la santé, accès à l’éducation… Elle a fait le constat que sans l’accès à l’énergie on ne pourra répondre à aucun de ces objectifs. En Afrique, l’émancipation des femmes ne progressera pas tant que leur première activité le matin sera d’aller chercher du bois pour cuire la nourriture. Le droit à l’énergie durable devrait donc être reconnu comme un droit vital. Dans notre association, Droit à l’énergie, nous militons pour que ce droit soit inscrit dans toutes les constitutions nationales. Nous militons aussi pour que l’ONU crée une journée mondiale de l’énergie.

Qu’est-ce que cette journée mondiale changerait ?

Une journée mondiale de l’énergie permettrait qu’une fois par an on pose dans tous les pays la question de l’accès à l’énergie pour tous. En faisant bien sûr le lien avec la question climatique. On a impérativement besoin que tout le monde ait accès à l’énergie sur cette planète. Mais cet accès à l’énergie doit aussi se faire en diminuant les émissions de gaz à effet de serre.

D’où votre objectif d’accès à « l’énergie durable » ?

Tout à fait. Le premier secteur émetteur de CO2, c’est l’énergie. Un Américain émet 16 tonnes de CO2 par an. Un Allemand, plus de 9,5 tonnes. Un Français, entre 4 et 4,5 tonnes. Alors qu’un Africain n’émet que 0,4 tonne. Pour rester en dessous de 2 °C de réchauffement climatique, il faudrait émettre au maximum 1,5 tonne de CO2 par habitant. Il faut donc que les pays riches réduisent leurs émissions pour permettre aux plus pauvres d’augmenter leur accès à l’énergie.

Aujourd’hui, le problème de l’accès à l’énergie ne se limite pas aux pays pauvres.

Dans les pays riches se pose de plus en plus la question de la précarité énergétique. Même dans ces pays-là, des gens se retrouvent exclus de l’accès à l’électricité. En Europe, ils sont entre 75 et 120 millions. Avec des conséquences sur la santé et même sur la vie : des gens qui mettent accidentellement le feu à leur logement en utilisant des bougies. La reconnaissance de la précarité énergétique est un combat que notre association est en train de mener au sein d’une coalition européenne d’ONG et de syndicats.

Selon vous, cette précarisation serait due à la libéralisation de l’énergie ?

Absolument. Si on laisse les multinationales continuer leur business, on ne répondra ni à l’accès à l’énergie ni à la nécessité de baisser des émissions de gaz à effet de serre. Le but premier d’une multinationale, ce n’est pas de répondre aux besoins, mais de rémunérer ses actionnaires.

Avec l’association Droit à l’énergie, vous prônez le développement des services publics, mais cela ne semble pas être à l’agenda de l’Organisation mondiale du commerce…

Nous ne sommes pas les seuls à le prôner. La fédération européenne des services publics (EPSU), adhérente à Droit à l’énergie, défend aussi le service public de l’énergie. De même pour l’Internationale des services publics, grand mouvement syndical, également adhérent à notre association. Mais au niveau international, il faudrait que ce soit l’ONU qui décide et non plus l’OCDE. Il faudrait que le politique reprenne la main sur les multinationales.

Au niveau mondial, y a-t-il aujourd’hui des pays exemplaires en termes de gestion publique de l’énergie ?

Aujourd’hui, il n’y a pas de modèle. Il y a des mesures qui vont dans le bon sens, mais cela reste parcellaire. En Espagne, par exemple, une loi va bientôt interdire les coupures. C’est intéressant, car si on reconnaît qu’on n’a plus le droit de couper l’électricité, cela veut dire que c’est un droit fondamental. Toutes les énergies devraient être sous contrôle public. En France, la loi qui interdit les coupures ne s’applique que pendant la période hivernale. Et chaque année, certains maires prennent des arrêtés contre les coupures après le mois de mars.

Vos questions

Pour Gilles Pereyron, le droit à l'énergie durable est un droit constitutionnel | Journal des Activités Sociales de l'énergie | 61741 Valerie Jean

Le Niger est le pays qui a le plus faible taux d’accès à l’électricité du monde (10 %). Que faire pour y remédier ?
Valérie Jean, bénévole à l’association Codegaz, association d’aide au développement

Gilles Pereyron – La question est : est-ce qu’on considère l’Afrique comme une part de marché ? Ce qui intéresse les multinationales, c’est surtout de pouvoir vendre l’électricité. Desertec visait à produire de l’électricité dans le Sahara, mais pas pour les Africains, pour la vendre en Europe ! C’était un projet aberrant et ils l’ont arrêté. Il y a aussi des projets de barrage en Afrique. Et là aussi, les multinationales se retirent parce qu’elles n’ont pas l’assurance de vendre leur électricité vu le niveau de vie des gens. Question : pour répondre à un besoin vital comme l’énergie, ne faudrait-il pas qu’une part soit gratuite ? Comme pour l’eau ou les transports.


Pour aller plus loin

Pour Gilles Pereyron, le droit à l'énergie durable est un droit constitutionnel | Journal des Activités Sociales de l'énergie | Pereyron Energie« L’Énergie pour tous, un droit fondamental », de Gilles Pereyron
éd. Helvétius, 2018, 224 p., 12 euros.

Site internetwww.energiesosfutur.org

Contacter l’association : contact@energiesosfutur.org / 06 64 67 77 15
Droit à l’énergie – SOS Futur, 40 rue Gaston Lauriau, 93104 MONTREUIL CEDEX

 

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