
Salle de commande du réacteur n°1 du CNPE de Fessenheim (Haut-Rhin). ©EDF – Mario Fourmy
Le président de la République a annoncé le 27 novembre dernier les orientations pour la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) qui fixe les priorités des pouvoirs publics pour atteindre les objectifs fixés par la loi sur la transition énergétique de 2015, en particulier la neutralité carbone du pays d’ici à 2050.
Les principales annonces
- Un développement accéléré des énergies renouvelables (triplement des capacités pour l’éolien et quintuplement pour le photovoltaïque) des capacités de production nationales d’ici à 2030 ;
- La fermeture dès 2022 des centrales thermiques à charbon ;
- La fermeture de 14 centrales nucléaires d’ici à 2035 ;
- Le passage du nucléaire à 50 % du mix électrique, selon un calendrier peu précis (d’abord Fessenheim dès 2020, puis 12 centrales entre 2025 et 2035) qui dépendra de l’évolution des capacités de production de nos voisins européens, avec qui le réseau électrique est largement interconnecté ;
- Le renvoi à 2021 de la décision éventuelle de construire un nouvel EPR.
Ces annonces ont suscité des réactions plutôt hostiles de la part des organisations syndicales des Industries électriques et gazières, qui, tout en affirmant leur implication dans la lutte contre le réchauffement climatique, craignent les conséquences sociales des orientations annoncées par le président de la République.
Énergies renouvelables : des emplois très subventionnés
Selon l’Ademe, une capacité de production éolienne de 15 GW (celle actuellement installée en France) génère moins de 4 000 emplois, soit moitié moins que l’actuelle production d’électricité dans les centrales à charbon. Ce chiffre, que rappelle la FNME-CGT, montre à quel point le développement des énergies renouvelables n’est pas le gigantesque gisement d’emplois souvent évoqué. Surtout, ces emplois sont très subventionnés : 71 milliards d’euros sur la durée de la PPE selon les chiffrages de FO Énergie et mines. « Au moment où la question du pouvoir d’achat est posée fortement par la population, Emmanuel Macron propose, ni plus ni moins, d’en rajouter encore sur ce sujet au détriment des Français », note la fédération syndicale.
Centrales à charbon : « indispensables » selon les syndicats
La fermeture des quatre centrales à charbon (Cordemais, Le Havre, Saint-Avold et Gardanne) avait déjà été au cœur d’une déclaration intersyndicale (CFE-CGC, CFDT, CGT, FO) des élus au comité central d’EDF publiée la veille de l’annonce présidentielle sous forme d’une lettre ouverte au ministre de la Transition écologique et solidaire François de Rugy.
Ce texte alertait le ministre sur le risque de coupures d’électricité cet hiver en cas de grand froid, car les centrales à charbon jouent un rôle d’appoint indispensable en cas de pic de demande. Les conséquences sociales (400 emplois directs et 1 000 emplois induits, par exemple, pour la centrale de Cordemais en Loire-Atlantique) de la fermeture annoncée des centrales à charbon inquiètent d’autant plus que leur reconversion n’est pas envisagée.
La FCE-CFDT note par exemple dans le discours d’Emmanuel Macron « un manque inquiétant de précision sur le sort des sites actuellement engagés dans un projet de reconversion biomasse », dont celui de Cordemais.
Nucléaire : risques de coupures
Les orientations annoncées sur le nucléaire ne convainquent pas davantage. Le calendrier annoncé, analyse la FNME-CGT, ne « répond qu’à des objectifs politiciens sans réelles assises techniques ». Surtout, ce choix de réduire progressivement la part du nucléaire dans le mix électrique va entraîner, selon la FNME-CGT, « un accroissement de la dépendance énergétique » du pays car les projets de développement à grande échelle des énergies renouvelables susceptibles d’alimenter le réseau européen ne se situent pas en France, mais en mer du Nord, en Scandinavie ou en Afrique du Nord.
La déclaration intersyndicale du 26 novembre alertant sur les risques de coupures électriques cet hiver notait aussi que la stabilité de l’approvisionnement nécessitait « une assurance de la solidarité électrique entre pays européens, alors que la Belgique a des doutes sur la disponibilité de ses centrales nucléaires et que l’Espagne annonce, elle aussi, la fermeture de ses centrales thermiques à charbon ». FO Énergie et mines regrette qu' »aucune décision ne soit prise sur le lancement de réacteurs nucléaires de nouvelle génération » avant 2021.
Tout en estimant que la PPE allait « dans le bon sens climatique », la CFE-CGC Énergies a de son côté demandé jeudi qu’elle soit « consolidée pour gagner en pragmatisme industriel, économique et social ».
Dans un communiqué, elle appelle le gouvernement « à refuser tout calendrier politique » pour les fermetures de réacteurs et des centrales à charbon. Elle « regrette » aussi que la PPE « fasse l’impasse sur la première des énergies renouvelables et le premier outil de stockage d’énergie qu’est l’hydroélectricité ».
2019, année de la restructuration d’EDF ?
Après la SNCF et La Poste, le gouvernement a demandé à Jean-Bernard Lévy, PDG du groupe dont le mandat s’achève en mai prochain, de proposer des schémas d’évolution de la structure. « Le président de la République a pris grand soin, indique Jean-Bernard Lévy dans un entretien publié dans « Vivre EDF l’hebdo » le 30 novembre, de dire qu’il ne sera pas touché à l’intégrité d’EDF. »
Dont acte ! Cependant, dans un article publié la veille sur BFM business, le journaliste Matthieu Pechberty indiquait : « L’objectif de la réforme d’EDF est d’isoler le nucléaire du reste des activités pour redonner de l’air au groupe. » Concrètement, il s’agirait de nationaliser la totalité de la filière nucléaire et « remettre en Bourse », précisait le journaliste, le nouveau périmètre d’EDF composé des énergies renouvelables, d’Enedis et des services. « Une mauvaise idée » pour la FNME-CGT qui le 12 novembre, au cours d’une conférence de presse, réaffirmait sa ferme opposition à toute scission du groupe.
Pour sa part, le CCE EDF SA a exprimé dans un communiqué « tout l’enjeu d’une entreprise nationale intégrée pour répondre aux missions du service public ». Et de se faire le porte-voix de la seule ambition des agents du service public de l’électricité : « Permettre à chacun d’avoir accès à une électricité décarbonée, accessible à tous, à tout moment, et au meilleur prix. »
À suivre…
Les orientations annoncées par le président de la République vont à présent être débattues durant trois mois en régions, avant des arbitrages ultimes pour le deuxième trimestre de 2019. Le Journal des Activités Sociales de l’énergie continuera à suivre ce dossier de la PPE, déterminant pour l’avenir des salariés des IEG.
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