« Quelque pays parmi mes plaintes », chronique poétique de la misère et de l’espoir en Haïti

Jean d’Amérique, auteur de « Quelque pays parmi mes plaintes », sélectionné par la CCAS en 2024 pour intégrer ses bibliothèques, viendra parler de son roman durant l'été dans les villages vacances. ©Edouard Caupeil

Jean d’Amérique, auteur de « Quelque pays parmi mes plaintes », sélectionné par la CCAS en 2024 pour intégrer ses bibliothèques, viendra parler de son roman durant l’été dans les villages vacances. ©Edouard Caupeil

Dans « Quelque pays parmi mes plaintes », son dernier recueil, le poète haïtien Jean D’Amérique témoigne de la souffrance d’un peuple obligé de vivre au jour le jour et d’un pays où la résistance fait partie du quotidien, en faisant référence à l’histoire et à l’actualité de sa terre natale. Ce recueil a été choisi pour la dotation lecture 2024 de la CCAS.

L’histoire

Quelque pays parmi mes plaintes, Jean d'Amérique, Cheyne, sélection lecture CCAS 2024« Tripes cordées toute la sainte journée » : voilà comment Jean d’Amérique décrit la faim qui tenaille continuellement nombre de Haïtiens. La faim a engendré les émeutes d’avril 2008, ce « souffle collectif, populaire » pour reprendre les mots du poète. Le recueil témoigne de ces événements, qui ont appris à Jean à dire non quand il n’était encore qu’adolescent. Il évoque aussi la violence d’un État corrompu, les gangs et l’ingérence internationale. Refusant le désespoir, Jean d’Amérique rend hommage au peuple haïtien, ce « flot humain qui court les rues sans marcher sous l’ordre des feux rouges ».

« Quelque pays parmi mes plaintes », Jean d’Amérique, Cheyne éditeur, 2023, 80 p.

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Jean d’Amérique : « Quand on subit la violence de l’État, on ne s’en sort qu’en s’engageant »

De Haïti à Paris, quel a été votre parcours de vie ?

Jean d’Amérique : Je suis né en Haïti en 1994 dans un milieu très modeste. J’ai découvert les mots et la poésie, d’abord à travers le rap puis dans les livres, par le biais de profs. Cela m’a amené à l’écriture. J’ai commencé à déclamer mes textes sur scène vers l’âge de 15 ans. J’ai publié un premier livre en 2015, « Petite Fleur du ghetto« , qui a bien fait son chemin en Haïti, puis on a commencé à m’inviter en France, notamment pour des résidences artistiques. Je me suis installé à Paris en 2019.

La première partie de votre recueil est intitulée « En mémoire des émeutes de la faim en Haïti en avril 2008 ». Qu’avez-vous voulu en dire ?

Ce recueil est un témoignage des grands moments de lutte que j’ai connus en Haïti et qui ont participé à me former politiquement et humainement. Je les raconte de manière sensible et personnelle. Les émeutes de la faim en 2008 sont le premier mouvement que j’ai vécu, adolescent, au lycée. C’était un souffle collectif, populaire. Ce n’était pas quelque chose de pensé en amont : tout le monde souffrait, tout le monde est sorti dans la rue avec des casseroles. Cela m’a marqué et j’ai voulu le raconter.

Vous parlez de votre naissance comme d’un « fardeau », car elle représente « encore une bouche » à nourrir. Vous évoquez aussi la sensation de faim permanente…

Dans le milieu où j’ai grandi, je n’ai vu que ça, surtout à Port-au-Prince : on est tous abandonnés par l’État. La majorité de la population haïtienne vit sous le seuil de pauvreté. Il y a beaucoup de débrouillardise, on monte des petits commerces pour essayer de survivre… Ce ne sont pas des conditions de vie dignes d’un être humain. Trouver de quoi manger est l’objectif de toute la journée. Aujourd’hui, j’ai le pouvoir des mots pour témoigner de cela. La poésie me permet de transmettre cette mémoire, tout comme j’ai pu découvrir grâce à des écrivains [haïtiens] comme Frankétienne ou Jacques Stéphen Alexis la gravité de la dictature des Duvalier. Haïti est un pays à qui on fait l’injonction de changer, mais je voudrais aussi qu’on comprenne les racines du mal.

La deuxième partie du recueil fait référence à l’épidémie de choléra de 2010 en Haïti, colportée par des soldats de l’ONU.

Haïti était vers 2006 dans une période difficile, c’était peu de temps après le coup d’État de 2004. L’ONU y a alors envoyé ses casques bleus. Les gens ont très vite senti que ce que ces derniers étaient venus résoudre n’avançait pas. Puis on a commencé à voir des cas de violence [commis par des casques bleus]. Après le tremblement de terre de janvier 2010, le choléra a été la goutte d’eau, mais les Haïtiens commençaient déjà à contester la présence des casques bleus, qui n’étaient pas les bienvenus. Ce n’est pas seulement avec des armes que tu peux instaurer la paix. On a eu tellement d’expériences négatives qu’elles ont laissé une sorte de traumatisme : le peuple haïtien se méfie de toute présence étrangère, surtout militaire.

La troisième partie est titrée « Avancer malgré ». Malgré quoi ?

Malgré toute la violence décrite dans les deux premières parties, malgré la corruption qui gangrène ce pays, malgré l’État absent pour sa population, malgré la main mise et l’ingérence de la communauté internationale…

La corruption étant une des valeurs les mieux partagées dans la vie politique haïtienne, dès que des journalistes commencent à enquêter, ils peuvent être inquiétés. La liste des journalistes tués en Haïti est très longue. D’ailleurs, souvent, leurs enquêtes n’ont pas abouti. Les journaux les plus lus dans le pays ne sont quasiment que des relais de la parole officielle. Il y a quand même des médias différents, créés par des jeunes de ma génération, mais ils ont beaucoup de mal à exister. Je pense notamment à « AyiboPost » : il fait un travail très intéressant.

Votre livre est dédié « aux voix qui résistent » et « aux êtres qui espèrent ». Il y a donc un espoir ?

Il faut vraiment faire la distinction entre l’image qu’on a de Haïti – en réalité celle de l’État haïtien – et le peuple haïtien. Il résiste, il est toujours en lutte pour son droit à la vie, il n’a jamais lâché… C’est en Haïti que j’ai appris à dire non, malgré la violence inouïe et la précarité extrême que le peuple y subit. C’est ce qui fait sa force, sa capacité à prendre en main son destin politique. En tout cas, il en exprime la volonté, même s’il n’arrive pas toujours à gagner. Quand on subit la violence de l’État, on ne s’en sort qu’en s’engageant. Dans les cinq ou six dernières années, il y a eu des mouvements très forts contre la corruption, des formes de lutte surprenantes dans un pays où les gens sont obligés de vivre au jour le jour.


Des livres et des rencontres pour l’été

Mille feuilles sélection livres adultes 2024

Cet été, découvrez plus de 150 titres sélectionnés par la CCAS, dont des ouvrages en gros caractère : romans, polars, documentaires, bandes dessinées, mangas, poésie, science-fiction… il y en a pour tous les goûts !

Et pour anticiper vos lectures de vacances, vous pouvez déjà feuilleter la sélection adulte et la sélection jeunesse, à retrouver dès le mois de juillet dans les bibliothèques des villages vacances, sur la Médiathèque en ligne et sur la Librairie des Activités Sociales (Bénéficiez d’une participation de 25% de la CCAS  sur votre commande + frais de ports offerts ou réduits).

Voir aussi : les rencontres culturelles de l’été

 

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