À 68 ans, Rémi Raclet aurait pu profiter des fruits de sa belle carrière et s’atteler tranquillement à la menuiserie. Mais ce grand-père a mis ses compétences d’ancien cadre dirigeant à GDF Suez au service de deux associations : Tous bénévoles et le Don en confiance, où il s’active au Comité de la charte. Portrait d’un engagé sans colère.
Nous lui posons d’emblée la question : quelle crédibilité accorder au label le Don en confiance en ces temps troubles pour les ONG ? Allusion, entre autres, à l’ONG britannique Oxfam, au cœur d’un scandale et dont la filiale française agit justement sous ce label. Après tout, Rémi Raclet est bien placé pour répondre, lui qui œuvre au Comité de la charte de déontologie du Don en confiance, qui contrôle et garantit la probité des associations et fondations ainsi labellisées.
« Il y a un gros risque en termes d’image. Notre association est très sollicitée par les médias », dit-il. Comme elle l’a d’ailleurs été au temps de « l’affaire de l’ARC », lorsque le président et fondateur de l’Association pour la recherche sur le cancer était condamné pour abus de confiance et recel d’abus de biens sociaux, à la fin des années 1990. « La charte prévoit des procédures de contrôle interne de risques, mais ne peut empêcher les dérives individuelles », commente Rémi Raclet. Comprenez que, dans ce microcosme humanitaire qui génère des millions d’euros de fonds, les têtes peuvent tourner. Et toutes solidaires qu’elles soient, les ONG traînent aussi leurs brebis galeuses.
Quatre-vingt-dix associations
Mais Rémi Raclet préfère parler des missions du Comité de la charte du Don en confiance. Avec une certaine élégance d’ailleurs, celle qui tire le discours vers le « nous », plutôt que le « je ». Car Rémi Raclet a l’esprit maison, sans militantisme. Il s’émerveille encore des origines de l’ONG la Chaîne de l’espoir, dont il est le contrôleur référent. « Vous savez qu’elle a été créée par les fondateurs de Médecins du monde ? », une autre association contrôlée et labellisée par le Comité de la charte. Il en connaît quelques-unes, depuis qu’il chapeaute une dizaine de responsables de contrôleurs mandatés pour analyser la gestion de quatre-vingt-dix associations et autres fondations humanitaires. « On vérifie toute la chaîne de collecte, afin qu’il n’y ait pas de détournements de fonds, pas de conflits d’intérêts et que la communication orientée vers les donateurs soit sincère et fiable », précise Rémi Raclet. Pas d’exploitation d’images larmoyantes non plus, contraires à la dignité humaine.
Médecins du monde, la Fondation Abbé-Pierre ou encore Amnesty International se prêtent volontiers à l’exercice. Elles misent sur le label – la pastille bleu et blanc du Don en confiance – qui sera apposé sur leurs affiches. Plus qu’un logo, c’est un adoubement pour donner les yeux fermés, même si Rémi reconnaît que leur association est encore peu connue du grand public, faute de communication. À regarder de loin, on pourrait croire que « ces anciens cadres, chefs d’entreprise ou magistrats » flirtent avec le réseautage et l’entre-soi. « Nous sommes tous bénévoles », rappelle Rémi Raclet. Tous au service de l’intérêt général.
Rémi Raclet, lui, a signé pour trois ans. Trois ans de travail à coups de rapports, de télétravail, de rencontres et de déplacements. Que voulez-vous, ajoute-t-il, « ni artiste, ni intellectuel, je fais ce que je sais faire : manager ». Dans la quasi-continuité de sa carrière de directeur adjoint au développement des cadres dirigeants à GDF Suez. Faut-il chercher cette humilité dans « les valeurs chrétiennes fortes » transmises par un père chef d’entreprise, syndicaliste (des jeunes patrons) et administrateur de la CAF (de Paris) ? Ce dernier rappelait au fiston « qu’il faut redistribuer et donner ».
Favoriser l’engagement des cadres retraités
L’engagement et le bénévolat… Il y a toujours été sensible, même dans une vie antérieure. Celle qui l’a mené de New York à Chicago en passant par Montréal, et qui lui a fait croiser autant de grands groupes que de multinationales, tels que Rhône-Poulenc ou Emerson Electric. Cette carrière jugée « pas trop mal » ne lui fait pas oublier l’injonction paternelle. Alors qu’il est à la DRH de GDF Suez, le groupe lui demande « d’accompagner les cadres dirigeants dans leur future retraite ». Il signe alors une convention avec Tous bénévoles, organisme qui regroupe quelque 2 000 associations. Le partenariat permet aux entreprises d’amener en douceur leurs cadres vers un engagement bénévole et aux associations d’attirer, à terme, de nouvelles recrues.
Pari réussi puisque, quatre ans plus tard, Tous bénévoles attrape Rémi Raclet dans ses filets lors de sa propre retraite. Et le voilà proposant aux salariés du bénévolat sur mesure : chantiers environnement, travaux manuels, murs à peindre ou accompagnement scolaire. Il veille aussi à ce que les associatifs donnent des repas aux salariés, leur proposent des gants et des casques pour les chantiers… Et le reste ? Des cours municipaux de menuiserie, une épouse investie dans une association en faveur des personnes handicapées, des visites aux enfants… sans jamais se déconnecter du télétravail.