« Va te changer ! » ou quand une jupe portée par un garçon sème le trouble au lycée… D’abord imaginé en lecture théâtralisée, le texte est finalement publié. Une courte histoire pour pointer le sexisme, l’intolérance et les préjugés qui l’accompagnent, coécrit par Thomas Scotto. Et un livre sélectionné par la CCAS pour sa dotation lecture 2021.
L’histoire
« On a une meuf de plus au lycée ! ». Lorsque Robin, 16 ans, retourne au lycée en jupe après ses vacances à Londres, petit à petit tout dégénère. Sexisme, homophobie, harcèlement, règlement de compte… La voix de Nolan pousse à l’intolérance… Et c’est finalement Sélim qui va se retrouver victime de violence, tandis que Robin réaffirme le droit à la différence, le droit au respect, le droit de chacun à vivre sa vie comme il l’entend.
« Va te changer ! », l’Atelier du Trio Thomas Scotto, Cathy Ytak et Gilles Abier, 2019, éditions du Pourquoi pas ?, 60 pages, 9 euros.
Ce livre a été sélectionné par la CCAS pour sa dotation lecture 2021 : découvrez-le dans les villages vacances cet été !
Quelle est l’origine de « Va te changer ! » ?
Thomas Scotto – Ce livre est le résultat d’une réflexion et d’une d’écriture à trois. Avec Cathy Ytal et Gilles Abier, mes coauteurs et amis, nous faisions une résidence d’écriture et de lecture à haute voix, organisée par la Bibliothèque départementale de la Dordogne. Nous avons beaucoup discuté du sujet, même si nous partageons des sensibilités communes. L’envie de parler de sexisme s’est très vite imposée. Puis, l’idée d’un garçon qui porte une jupe est arrivée rapidement également.
De quoi la jupe est-elle le symbole ?
T. Scotto – Du sexisme : la jupe est hyper emblématique de cela, me semble-t-il. Comment ce petit rien fait-il toute la différence ? J’aime bien cette idée qu’un simple bout de tissu fasse scandale. J’ai l’impression qu’aujourd’hui, les jeunes filles ne portent plus de jupe, en tout cas moins. Comme si elles s’autocensuraient pour éviter le regard de la société et celui des hommes. Comment un vêtement peut-il induire nos goûts, nos différences, notre perception de l’autre ? D’autant qu’aujourd’hui, tous les ados sont habillés pareil, ont la même coiffure…
Souvent c’est le regard de l’autre qui complique les choses.
Robin, l’un des protagonistes, a-t-il conscience des réactions qu’il va provoquer en portant une jupe ?
T. Scotto – Je ne crois pas. Je pense plutôt que ça le dépasse. Porter un vêtement « de fille » est de l’ordre du défi, relève plus de la provocation et de la rigolade. Nous voulions un personnage neutre, bien dans ses baskets, sans problèmes, pour éviter l’affirmation et le militantisme. Mais surtout, pour que chacun puisse s’identifier à lui, se reconnaître en lui. Plus un personnage est neutre comme Robin, plus il est facile pour le lecteur d’y inclure sa propre histoire.
Finalement, face au déclenchement de réactions hostiles qu’il provoque, Robin s’affirme, assume et revendique son choix. Il mesure à ce moment-là ce que la différence peut susciter de rejet chez certains de ses camarades. Souvent, c’est le regard de l’autre qui complique les choses.
Quelle est la fonction de la littérature jeunesse ?
T. Scotto – De questionner le monde. Ce livre est matière à s’interroger, à débattre. L’histoire nous amène sur le terrain de l’intimité personnelle. Et les ados redoutent ce qui les dérange. Mais je ne donne pas de réponses ! Le texte est le même pour tout le monde, mais chacun le lit différemment. Chacun se l’approprie et l’interprète à sa façon. C’est comme une porte qui s’ouvre sur un paysage, c’est le même geste, pourtant chacun y découvrira un paysage différent. Un livre jeunesse est un concentré de richesses en peu de pages.
Écrire pour la jeunesse évite des années de thérapie !
Est-ce compliqué d’écrire pour la jeunesse ?
T. Scotto – Non. La littérature jeunesse est un terrain gigantesque ! J’écoute beaucoup mon enfance à moi, je m’inspire de l’ado que j’étais. Je pars de ma sensibilité. Je m’attache également à ne pas trop ancrer l’époque pour trouver une universalité dans les thématiques abordées. L’essentiel est que l’ado puisse se retrouver dans mon histoire, qu’il la fasse sienne. Écrire pour la jeunesse évite des années de thérapie ! J’ai la chance de rencontrer régulièrement les ados dans les lycées et collèges ; cela me permet d’être au plus juste dans l’expression de leur ressenti, de rester dans cette curiosité qui favorise l’écriture.
Les ados font preuve d’une grande liberté d’expression, surprenante parfois.
Vous intervenez régulièrement dans les collèges et lycées. Que vous racontent ces ados que vous rencontrez ?
T. Scotto – C’est assez génial. Ces échanges sont riches. D’abord, un écrivain reste abstrait pour les ados. Ils sont toujours surpris de voir arriver des adultes : ce sont forcément des jeunes qui écrivent des histoires d’ados. Ils font preuve d’une grande liberté d’expression, surprenante parfois. Et puis, ils attendent de l’auteur des réponses. Je suis parfois étonné de ce que leur lecture du texte me révèle sur moi, ce qu’ils lisent entre les lignes. Ces rencontres m’encouragent à me battre pour publier.
Comment allez-vous aborder les rencontres avec les agents et leur famille cet été ?
T. Scotto – Nous pensons organiser une lecture à haute voix. Car, si certains ados n’aiment pas lire, tous aiment écouter des histoires. « Va te changer ! » est un livre propice à la discussion. Et puis, les publics les moins convaincus constituent les plus jolies batailles !
Retrouvez Thomas Scotto dans vos villages vacances : le 26 juillet à Lacanau (Gironde), le 27 juillet à Andernos (Gironde), le 28 juillet à Capbreton Vigneron (Landes), le 29 juillet à Capbreton Fierbois (Landes).
Tags: Livres Rencontres culturelles