Une bourrasque d’amitié et de solidarité a soufflé, le 19 août dernier, au village vacances de Tourves, dans le Var. Elle n’a pas emporté tous les chagrins de la guerre et de l’exil des familles ukrainiennes qui y sont accueillies, mais elle aura redonné force, courage et confiance à tous, villageois, exilés, vacanciers et bénévoles, qui ont participé très nombreux à l’événement.
« Quand les bombardements ont commencé, on se demandait ce qui se passait. Tous mes amis m’appelaient, ça n’en finissait plus. » Elena, la petite quarantaine, montre sur son téléphone portable la photographie d’un immeuble tout proche de sa maison, éventré par les bombes. Début mars, elle a fui la banlieue de Marioupol, au sud-est de l’Ukraine, avec Jena, 14 ans, Milena, 6 ans, et Micha, 2 ans. Après dix jours de voyage en train, de la frontière polonaise à la France, en passant par l’Allemagne et la Belgique, Elena et ses trois enfants débarquent à Marseille puis, de centres d’hébergement en centres d’accueil, ils arrivent début mai au village vacances de Tourves.
Le centre accueille plus de 120 Ukrainiens, des mères et leurs enfants. Le dynamisme et la force d’Elena en ont fait vite une personnalité incontournable du lieu : « Quand je retrouve l’équipe le matin, c’est comme si je retrouvais une famille ! »
Aux côtés des bénéficiaires en vacances et des équipes du centre, les familles ukrainiennes ont participé à la préparation et à la tenue de la deuxième édition de la Journée de la solidarité, à laquelle les villageois étaient conviés. « Entre la joie des vacanciers, le chagrin des exilés, l’incertitude du lendemain, la nostalgie et l’espoir des enfants, le bonheur de préparer cette fête a apporté un peu d’humanité aux familles dans leur parcours et, en retour, elles nous ont donné une énergie incroyable », témoigne Émilie, animatrice à Tourves.
Vendredi 19 août, après une nuit de pluie, le ciel du matin est redevenu provençal. C’est Yuliya, vétérinaire et maman de trois enfants, partie de Kharkiv, alors que la ville était en proie à de violents bombardements, qui lance le coup d’envoi de la fête : « Je veux au nom de toutes les familles remercier la CCAS de son accueil, dans ce ‘compliqué temps’ [sic], déclare Yuliya, rayonnante dans sa robe ensoleillée. Toute l’équipe nous a donné tellement de temps. C’est un grand réconfort pour nous tous. » Elle rappelle que le coquelicot est le symbole de l’Ukraine tout comme le bleu et le jaune qui ont été utilisés par Adrien pour réaliser sa fresque. Aux côtés d’Adrien, Klim, 12 ans, est aux anges. « Klim vient de me dire que, quand la guerre sera finie, je pourrai venir chez lui mettre de la couleur partout », répond l’artiste.
« La CCAS, c’est la solidarité, non ? »
Côté bénéficiaires, on n’est pas vraiment étonné de participer à un tel événement. « La CCAS, c’est la solidarité, non ? » confirme Sylvie, collègue de GRDF à Lyon, qui se souvient : « L’année dernière, en plein confinement, on a été super contents de recevoir un mail de la CCAS qui proposait à notre fille étudiante un accueil solidaire au Cap d’Agde. Aujourd’hui, on est avec ces familles : c’est normal… » Attablée, Caroline, venue de Strasbourg, est ravie : « Ça me rappelle ma grand-mère, qui a accueilli des réfugiés chez elle il y a quatre ans. Quelle belle ambiance ! » Enfin, si le centre est envahi de vélos d’enfants, on le doit à deux collègues « cyclards » : ils ont passé leur dizaine de jours de vacances à dénicher dans les brocantes et les ressourceries alentour 27 vélos, qu’ils ont un à un révisés, réparés et offerts aux enfants. Ils sont partis vers d’autres horizons bien avant la fête, s’ils nous lisent, salut à eux !
Patrick Stoop, président de la Commission Santé Action sanitaire et sociale de la CCAS, prend la parole : si les personnes hébergées dans le cadre de l’accueil solidaire pratiqué depuis 2016 sont placées sous l’autorité et la protection de l’État, et si ce sont des associations homologuées par les préfectures qui s’occupent de leur parcours administratif et social, « les Activités Sociales, notamment les CMCAS par leur ancrage local, soutiennent et participent autant que possible à l’action des associations humanitaires et de solidarité, des collectifs bénévoles et des municipalités, comme ici à Tourves. Elles agissent à la fois sur l’amélioration des conditions de vie quotidienne des réfugiés, tissent du lien social et participent à restaurer la dignité de chacun, [qui est] cruciale à nos yeux ». Et l’élu de poursuivre : « La journée et la soirée que nous venons tous de vivre ici, dans ce centre qui fait partie intégrante et depuis longtemps maintenant de la vie du village, en est une très belle démonstration. »
La Journée de la solidarité en images
À la manœuvre depuis deux mois, aux côtés de Jean-Pierre, responsable du centre, les animatrices Émilie et Denise racontent : « La préparation de cette fête était évidemment une manière d’aider les familles exilées à sortir de leur isolement et de leur permettre de rencontrer les bénéficiaires. Ce n’est pas simple, compte tenu de la barrière de la langue et du rythme de passage des bénéficiaires, qui restent souvent peu de temps. »
Présents pour soutenir l’événement, citons Jean-Michel Constans, maire de Tourves, Myriam Tarhouni, présidente de la CMCAS Toulon, Alain Fanguin, président de la CMCAS Marseille, et Patrick Stoop, président de la Commission Santé Action sanitaire et sociale de la CCAS.
L’association briançonnaise Tous migrants, engagée dans les Hautes-Alpes, a également fait le voyage pour témoigner de son soutien.
Le Collectif pour l’accueil des réfugiés à Tourves est né en 2016, quand une quarantaine de réfugiés érythréens ont été accueillis au centre de vacances « dans un climat local tendu », se souvient Jacques, un des fondateurs de l’association, qui regroupe maintenant 150 bénévoles. Le collectif a largement contribué à changer le regard porté sur l’accueil des réfugiés.
La tapenade confectionnée par Joe côtoie sur les tables le bortsch ukrainien traditionnel (soupe à la betterave, au chou et au bœuf), cuisiné par Katia, reconnaissable à sa longue tresse noire, qui, elle, est venue de Nikolaï en Crimée.
Tania, Micka, Camila, le « trio de Tourves », incroyablement pêchu, est soutenu par les applaudissements de l’assistance.
En fin d’après-midi, les enfants affluent aux stands de maquillage. Réfugiés, vacanciers… on ne sait plus très bien, mais quelle importance ?
Sous les étoiles, on danse, on se mélange et on célèbre l’amitié, la joie d’être en vie, la paix. Maintenant quelque 300 personnes assistent au concert de la « tournée culturelle » de Djazia Satour, auteure-compositrice-interprète, chanteuse et guitariste algérienne.
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